L’avènement de la pyropropulsion…
On pense généralement que les Allemands furent les premiers à mettre en oeuvre la poudre dans des canons, mais les Portugais revendiquent cependant l’honneur d’avoir utilisé de l’artillerie contre les Maures. On retrouve ici une situation analogue à celle que nous avons déjà trouvée pour les origines du mélange déflagrant ; les informations sont très discordantes, et bien qu’on ait quelques repères, dont certains sont précis, il est extrêmement difficile d’établir une chronologie correcte.
Voici par exemple des divergences très importantes, que, ne faisant pas oeuvre de critique historique, on ne s’attachera pas ici à atténuer ou à expliquer :
On dit qu’un roi SALOMON de Hongrie aurait bombardé Belgrade avec des canons en 1073 ; on dit aussi que les vaisseaux Grecs auraient utilisé de l’artillerie contre les Pisans en 1098 ; or on attribue aux Italiens l’initiative de l’emploi de l’artillerie à poudre si l’on en juge par la dénomination de FER LOMBARD désignant le métal qui cerclait les bombardes dont les Pisans usaient vers 1320 ;
de même les Arabes auraient possédé des bouches à feu à Cordoue vers 1280, et Ferdinand IV employa des canons au siège de Gibraltar en 1390; c’est aux Vénitiens qu’on attribue l’innovation de l’emploi de l’artillerie à bord des navires vers 1377, et l’artillerie à poudre de siège aurait révélé son efficacité au siège de LA REOLE par Charles de VALOIS en 1324.
Il faut noter par ailleurs que vers 1340, Pétrarque décrit les terribles ravages de cette poudre qu’on avait utilisée à ALICANTE en 1334, à PUY-GUILLAUME en 1338, et à la mémorable bataille de Crécy en 1346, pendant laquelle les Anglais mirent en batterie trois petites pièces. Ces pièces se composaient de barres de fer longitudinales dans l’axe du tir, que des cercles liaient entre elles pour constituer le tube. On désignait ces canons par les termes BOMBARDES, VASES ou encore MORTIERS. Ils étaient fort lourds et lançaient des boulets de pierre.
Au XVème siècle, ou tout au moins au début du siècle, ces engins étaient de très grandes dimensions, et on cite une bombarde française qui aurait pesé 36000 livres; elle lançait des boulets de 900 livres. De plus petites dimensions étaient les couleuvrines qui lançaient des balles de plomb. C’est aux Français qu’on devrait le remplacement du boulet de pierre par le boulet de métal.
Au XVIème siècle la bouche à feu est en airain et le projectile est en fonte. L’introduction de la poudre et l’emploi de l’arme à feu dans l’art militaire constituaient une innovation dans le monde féodal d’occident, sans commune mesure avec les étapes antérieures de l’évolution de cet art.
Cette innovation ne fut pas admise sans regret ni sans réticence par les hommes de guerre de l’époque, pour lesquels la guerre et le combat restaient, même après certaines leçons cuisantes comme celle de Crécy, une affaire de vaillance individuelle dans le corps à corps. Les notions encore vivaces d’une certaine forme de l’honneur, héritées d’une longue tradition, interdisaient à l’homme noble d’attaquer ainsi l’ennemi à distance, sans lui donner sa chance dans un affrontement personnel. Il est classique à cet égard de citer Blaise de Montluc qui dans ses commentaires exhale son dégoût en ces termes : “… sans cette invention maudite, tant de braves et vaillants hommes ne seraient pas morts, le plus souvent de la main de poltrons qui n’oseraient regarder au visage celui que de loin ils renverseront par terre de leur balles”.
On peut rappeler aussi que Montaigne dans les Essais, doute de l’effet réel de l’artillerie à poudre, qu’il trouve “faire plus de peur que de besogne” et souhaite “que nous en perdions bientôt l’usage”. Pour comprendre et excuser Montaigne, on doit se rappeler que cette artillerie expédiait des boulets pleins et ces boulets s’ils avaient une efficacité certaine sur les murs des maisons et sur les structures extérieures des fortifications, restaient au total d’un faible secours au combat proprement dit si ce n’est peut être vis-à-vis des chevaux qui étaient effrayés par le bruit. De surcroît la durée du chargement était longue et par suite la cadence de tir, réduite.
On peut dire que la poudre ne conquit définitivement les champs de bataille qu’avec l’apparition un peu plus tardive des projectiles creux chargés en poudre, les bombes dont l’efficacité était considérable au regard de celle des boulets pleins, et avec l’utilisation des mines qui permit de venir à bout de forteresses réputées jusque là imprenables. Mais si la poudre noire fit ainsi la loi sur les champs de bataille, dans un autre domaine elle acquérait des titres non moins honorables bien que moins spectaculaires et moins diffusés par les manuels d’histoire, le domaine des mines et des carrières. D’après un texte ancien qui en fait mention, c’est à un mineur Tyrolien GASPAR WEINDL qu’on doit la première mine, en 1627. Cet évènement avait lieu en Hongrie à OBERSTAHLEN.