APYRA

“Au sein des armées, jamais rien ne rompra la chaîne qui unit les fils qu’à Saint Eloi Sainte Barbe confia”

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Histoire des pétardiers

De notre pyrohistorien de référence, Régis HOYET :

Pyrorigines… un peu de sel… la fermeture de moult dépôts d’autrefois… L’histo du 730… Celle de Bois l’Évêque… “l’hisThouars” entre autres du train 377… Le siècle d’Aubigné-Racan… L’histo de Châteaudun, du Fort Barraux, de la Ferté Hauterives, de Leyment, l’historique du dépôt du Rozelier de sa création à ….1967. Et une vision 1990 de l’horizon 2008… 1990-1991 la guerre du Golfe, souvenirs du Colonel(er) Raymond SKRZYPCZAK.

LES PYRORIGINES

Aperçu historique sur les origines de la Pyrotechnie

Régis Hoyet

Les informations qui ont été utilisées pour la rédaction de cette notice historique ont été puisées à différentes sources, parmi lesquelles :
– P. ROUSSEAU, Histoire des techniques.
– KAHN, Cours de physique des explosifs, professé à l’école d’applications de l’artillerie navale en 1930.
– J. PEPIN-LEHALLEUR, traité des Poudres Explosifs et Artifices.

– et bien sûr les livres de l’ingénieur général GRAS (le père de l’instruction 5700, “bible” de ceux d’avant la 1007 !…)

La “prépyrohistoire” : du bruit et des flammes…

Il est relativement facile de situer approximativement dans le temps l’apparition ou plutôt la diffusion de la poudre en occident. Il est par contre infiniment plus difficile de dater l’invention proprement dite, même si l’on accepte une confortable marge d’incertitude.

Les raisons de cette difficulté sont au moins de deux sortes :

En premier lieu ce sont les sources d’information qui sont en cause. Ce n’est pas que l’information manque ; au contraire pourrait-on dire, elle est peut être trop abondante, mais elle est aussi peu sûre parce que ce sont dans la plupart des cas des traditions auxquelles on doit faire référence, et que ces traditions sont bien souvent divergentes. De l’Inde à la Chine, des Turcs aux Arabes, on a prêté à beaucoup de peuples l’honneur d’avoir inventé la poudre, et toutes les hypothèses envisagées paraissent bien présenter au moins un début de fondement. L’histoire de la poudre est à certains égard un peu comme celle de la Grèce des temps héroïques : ce qui nous en est parvenu, même dans la forme écrite, est fait d’un mélange de vrai et de légendaire dans lequel l’historien a beaucoup de peine à remonter le temps en suivant l’exact cheminement de l’invention.

L’avènement de la pyropropulsion…

On pense généralement que les Allemands furent les premiers à mettre en oeuvre la poudre dans des canons, mais les Portugais revendiquent cependant l’honneur d’avoir utilisé de l’artillerie contre les Maures. On retrouve ici une situation analogue à celle que nous avons déjà trouvée pour les origines du mélange déflagrant ; les informations sont très discordantes, et bien qu’on ait quelques repères, dont certains sont précis, il est extrêmement difficile d’établir une chronologie correcte.

Voici par exemple des divergences très importantes, que, ne faisant pas oeuvre de critique historique, on ne s’attachera pas ici à atténuer ou à expliquer :

On dit qu’un roi SALOMON de Hongrie aurait bombardé Belgrade avec des canons en 1073 ; on dit aussi que les vaisseaux Grecs auraient utilisé de l’artillerie contre les Pisans en 1098 ; or on attribue aux Italiens l’initiative de l’emploi de l’artillerie à poudre si l’on en juge par la dénomination de FER LOMBARD désignant le métal qui cerclait les bombardes dont les Pisans usaient vers 1320 ;

de même les Arabes auraient possédé des bouches à feu à Cordoue vers 1280, et Ferdinand IV employa des canons au siège de Gibraltar en 1390; c’est aux Vénitiens qu’on attribue l’innovation de l’emploi de l’artillerie à bord des navires vers 1377, et l’artillerie à poudre de siège aurait révélé son efficacité au siège de LA REOLE par Charles de VALOIS en 1324.

Il faut noter par ailleurs que vers 1340, Pétrarque décrit les terribles ravages de cette poudre qu’on avait utilisée à ALICANTE en 1334, à PUY-GUILLAUME en 1338, et à la mémorable bataille de Crécy en 1346, pendant laquelle les Anglais mirent en batterie trois petites pièces. Ces pièces se composaient de barres de fer longitudinales dans l’axe du tir, que des cercles liaient entre elles pour constituer le tube. On désignait ces canons par les termes BOMBARDES, VASES ou encore MORTIERS. Ils étaient fort lourds et lançaient des boulets de pierre.

Au XVème siècle, ou tout au moins au début du siècle, ces engins étaient de très grandes dimensions, et on cite une bombarde française qui aurait pesé 36000 livres; elle lançait des boulets de 900 livres. De plus petites dimensions étaient les couleuvrines qui lançaient des balles de plomb. C’est aux Français qu’on devrait le remplacement du boulet de pierre par le boulet de métal.

Au XVIème siècle la bouche à feu est en airain et le projectile est en fonte. L’introduction de la poudre et l’emploi de l’arme à feu dans l’art militaire constituaient une innovation dans le monde féodal d’occident, sans commune mesure avec les étapes antérieures de l’évolution de cet art.

Cette innovation ne fut pas admise sans regret ni sans réticence par les hommes de guerre de l’époque, pour lesquels la guerre et le combat restaient, même après certaines leçons cuisantes comme celle de Crécy, une affaire de vaillance individuelle dans le corps à corps. Les notions encore vivaces d’une certaine forme de l’honneur, héritées d’une longue tradition, interdisaient à l’homme noble d’attaquer ainsi l’ennemi à distance, sans lui donner sa chance dans un affrontement personnel. Il est classique à cet égard de citer Blaise de Montluc qui dans ses commentaires exhale son dégoût en ces termes : “… sans cette invention maudite, tant de braves et vaillants hommes ne seraient pas morts, le plus souvent de la main de poltrons qui n’oseraient regarder au visage celui que de loin ils renverseront par terre de leur balles”.

On peut rappeler aussi que Montaigne dans les Essais, doute de l’effet réel de l’artillerie à poudre, qu’il trouve “faire plus de peur que de besogne” et souhaite “que nous en perdions bientôt l’usage”. Pour comprendre et excuser Montaigne, on doit se rappeler que cette artillerie expédiait des boulets pleins et ces boulets s’ils avaient une efficacité certaine sur les murs des maisons et sur les structures extérieures des fortifications, restaient au total d’un faible secours au combat proprement dit si ce n’est peut être vis-à-vis des chevaux qui étaient effrayés par le bruit. De surcroît la durée du chargement était longue et par suite la cadence de tir, réduite.

On peut dire que la poudre ne conquit définitivement les champs de bataille qu’avec l’apparition un peu plus tardive des projectiles creux chargés en poudre, les bombes dont l’efficacité était considérable au regard de celle des boulets pleins, et avec l’utilisation des mines qui permit de venir à bout de forteresses réputées jusque là imprenables. Mais si la poudre noire fit ainsi la loi sur les champs de bataille, dans un autre domaine elle acquérait des titres non moins honorables bien que moins spectaculaires et moins diffusés par les manuels d’histoire, le domaine des mines et des carrières. D’après un texte ancien qui en fait mention, c’est à un mineur Tyrolien GASPAR WEINDL qu’on doit la première mine, en 1627. Cet évènement avait lieu en Hongrie à OBERSTAHLEN.

 

L’accès à la pyropuissance…

Les conditions de préparation de la poudre, pas plus que sa composition n’ont pas varié depuis les origines du mélange solide, et c’est toujours autour de la formule traditionnelle des alchimistes : AS, AS, SIX, c’est-à-dire de 60% à 75% de salpêtre, de 10 à 20% de soufre, et de 12% à 20% de charbon que s’est tenu le dosage, et qu’il se tient encore.

Pour l’art de la guerre comme pour l’art des mines, il s’agit de faire un mélange, le plus homogène possible de ces trois constituants, et cette opération apparemment très simple, est en fait terriblement gênée par l’affinité réciproque de l’oxydant d’une part et des réducteurs d’autre part, qui se sensibilisent mutuellement, conférant au mélange intime ses propriétés explosives, et notamment une grande sensibilité aux contraintes mécaniques (chocs ou frottements), qui est l’une des caractéristiques remarquables de la poudre noire.

A l’origine, les trois constituants de la poudre étaient placés dans des mortiers de bois (du bois de hêtre, dit-on) et additionnés d’un peu d’eau puis triturés à l’aide de pilons de même matière ou de bronze. Par le choix de ces matériaux, on éliminait une partie des risques d’amorçage intempestif sous l’effet des chocs des pilons. Cette manière de procéder reste dans l’esprit des préoccupations de sécurité actuelles pour la fabrication de nos poudres noires, et elle a été notamment employée par les mineurs, qui fabriquaient ainsi sur place la poudre nécessaire à leur exploitation. Comme elle n’exigeait que le développement d’une faible force motrice, les installations étaient de faible importance et pouvaient être aménagées sans grand frais à proximité de l’exploitation. En outre, ils y trouvaient l’avantage non négligeable de n’avoir ni à transporter, ni à stocker la poudre, opérations présentant toujours des risques non négligeables.

Alimentées en force motrice par l’eau des ruisseaux, ces installations portaient le nom de MOULINS, nom qu’on retrouve partout où l’homme utilise la force de l’eau pour mouvoir ses machines, par exemple dans l’industrie Stéphanoise de l’Arme. On trouvait un MOULIN A POUDRE à AUGSBOURG en 1340, ce qui confirme le rôle déjà signalé des Allemands dans le développement de la poudre en occident.

On modifia assez vite semble-t-il la technique de la préparation en vue de substituer l’écrasement des constituants à la trituration par choc dans des mortiers, tant pour accroître le rendement des installations que pour supprimer un facteur important d’explosions accidentelles. Dans ce but on installa des meules de pierre roulant sur piste horizontale, à la manière des moulins à huile traditionnels en Provence. Ultérieurement la fonte remplaça la pierre dont les écailles tombant sur la piste de roulement provoquaient ou risquaient de provoquer des explosions par suite d’un accroissement de sensibilité dû à la présence de ces débris minéraux.

A ce stade, la fabrication de la poudre était arrivée à un niveau technique très voisin de celui qui est encore en usage de nos jours : ce sont toujours des meules verticales en fonte qui assurent le mélange intime des constituants de base et ce sont toujours les mêmes préoccupations de sécurité qui inspirent la conduite et la surveillance de ces machines.

Revenons un instant sur les origines en Europe pour signaler qu’on est souvent convenu d’attribuer l’invention (ou la découverte) de la poudre à BERCHTOLD SCHWARTZ moine franciscain de GOSLAR dans la région de BRUNSWICK en 1320, dit BARTEL le NOIR, faisant profession d’alchimiste. Cette paternité serait assez en harmonie avec le rôle attribué aux Allemands, rôle sur lequel on a déjà insisté et que ne dément non plus pas une autre tradition qui attribue cette paternité au moine CONSTANTIN ANGLITZ du HOLSTEIN.

D’après cette tradition ce moine, alchimiste lui aussi, aurait découvert les propriétés de la poudre en malaxant dans un mortier du soufre, du charbon et du salpêtre, opération pendant laquelle le mélange aurait explosé en projetant au sol le malheureux alchimiste sans cependant le blesser grièvement puisque revenu à lui, il aurait en quelque sorte renouvelé à sa manière “l’eureka” d’ARCHIMÈDE, en prenant tout de suite conscience du parti qui pouvait être tiré de sa découverte fortuite en matière de balistique.

On attribue aussi la découverte au moine Anglais Roger BACON qui l’aurait mentionnée dans un ouvrage antérieur à la naissance de SCHWARTZ.

Un élément déterminant dans cette longue histoire a été le rôle du salpêtre, et quelques commentaires le concernant méritent d’être rapportés ici. Le salpêtre, le nitrate de potassium ou NITRE s’engendre partout où des matières organiques végétales ou animales subissent une décomposition, en présence d’une terre calcaire humide contenant de la potasse, à une température supérieure à 15°. Il se forme aussi dans certains terrains des pays chauds après la saison des pluies ; en INDOUSTAN par exemple, il est abondant et dans bien des pays on a exploité des gisements naturels de salpêtre ; tel est le cas de la HONGRIE, de l’EGYPTE, ou de l’ESPAGNE. Sa formation aux endroits où des matières organiques riches en produits azotés, subissent une décomposition nous semble sans mystère, mais son apparition sur les murs des celliers, caves, écuries, étables et autres lieux où il se constitue naturellement sous forme d’efflorescences présentait autrefois un aspect un peu mystérieux malgré la liaison qu’on n’avait pas manqué de faire dès l’origine, entre cette apparition et la présence dans le voisinage immédiat de matières organiques en fermentation, notamment des matières ammoniacales. Son rôle comme constituant de base de la poudre, avec tout le prestige qui s’attachait à la possession de ce produit lui conférait un caractère exceptionnel que les privilèges attachés à la commission des SALPETRIERS pour la “recherche”, “l’amas”, et la “fabrication” du salpêtre aux fins de livraison dans les ARSENAUX accroissait encore. Son raffinage et la fabrication des poudres étaient assurés soit par des officiers d’artillerie soit par des entrepreneurs dits FAISEURS et COMPOSITEURS de POUDRE. C’est que tout ce qui concernait la poudre était alors soumis au pouvoir royal, qui d’ailleurs eu fort à faire en de multiples circonstances pour assurer le respect de son droit et garantir convenablement l’indépendance nationale au regard de l’approvisionnement en salpêtre. C’est à travers beaucoup de vicissitudes de toutes sortes que le régime de l’approvisionnement français s’engagea dans la voie où il est encore aujourd’hui, celle d’un service public, avec la constitution d’une régie des poudres et salpêtre, en 1775. LAVOISIER en fut l’un des animateurs après avoir été le premier à expliquer le rôle du salpêtre dans les compositions de l’espèce.

Cette poudre noire qui a une origine si obscure en fin de compte, et dont l’importance fut capitale pour les guerre des hommes, c’est-à-dire pour l’évolution de notre civilisation, allait conserver un monopole de fait jusqu’à la seconde moitié du XlXème siècle, moment où les découvertes de la chimie permirent de préparer des composés renfermant dans leurs molécules les éléments oxydants et réducteurs prêts à s’associer sous cette forme brutale qu’est l’explosion. Les étapes de l’évolution dans cette dernière phase ont été nombreuses mais brèves.
Citons en quelques unes parmi les principales : nitrocellulose (1832 et 1865), nitroglycérine (1846 et 1867), acide picrique (1885), fulminate de mercure (1860 et 1867), gélatinisation de la nitrocellulose…
Mais la “poudre” n’a pas abdiqué ; non seulement elle a encore ses emplois comme explosif, mais c’est elle qui est l’ancêtre pourrait-on dire de toutes compositions dites “pyrotechniques”, que celles-ci soient destinées au plaisir des yeux comme les feux d’artifice, ou à des usages moins frivoles et parfois de la plus haute importance, comme les feux de signalisation de sauvetage, les traceurs des missiles et toutes les autres formes de signaux lumineux ou fumigènes, sans compter les dispositifs pyrotechniques du type paragrêle.

Deux documents qui ne manquent pas de sel :

 

  • une lettre de Napoléon du 1er août 1809 par laquelle il tance son ministre de la Guerre à propos de pétarderie (“mort aux incompétents !”), de logistique (“point trop n’en faut, ne ruinez pas la France, externalisez !”) et de maintenance (“sus aux artilleurs insouciants !”)…
  • une facture de 1756 qui démontre qu’à l’époque, on s’inquiétait parfois des BARBE trop courtes !….

Le service du matériel en Tunisie, de 1945 à 1958

“L’À-PEU-PRÈS-PYRO-HISTOIRE”

La fermeture de moult dépôts d’autrefois

ou

“L’à-peu-près-pyro-histoire”

de

Régis Hoyet

La décision de stocker les munitions dans plus de 100 dépôts remonte pour 30% d’entre eux à une date antérieure à 1919, pour 18% à une date comprise entre 1919 et 1945, pour 52% à une date postérieure à 1945.

Dans cette dernière catégorie, la plus récente, se trouvent, pour les deux tiers, des dépôts d’origine étrangère (dépôt OTAN en France et 26 des 30 dépôts allemands utilisés par les FFA). Les dépôts les plus vieux sont installés dans des anciennes fortification datant de VAUBAN ou de SERE DE RIVIERES, conçues pour soutenir un siège et non pour faciliter l’incessant va–et-vient des mouvements de munitions.

L’évolution de l’armée de terre, des systèmes d’armes et des menaces, ainsi que le durcissement des règles de protection de l’environnement, ont généré un processus d’une ampleur sans précédent, conduisant à fermer ou désactiver de très nombreux dépôts de munitions, centraux, régionaux ou de garnison.

Le bilan chronologique brutal en est le suivant :

En Allemagne (FFA) :

11 dépôts ont été fermés et restitués à la R.F.A. de 1975 à 1979, puis 10 dépôts d’armée de 1979 à 2003…

En métropole :

– De 1968 à 1983, fermeture de 4 dépôts régionaux (DRMu) ou dépôts d’armée (DA) et de 20 dépôts de garnison (DMuG) ; déclassement en dépôts de garnison de 4 dépôts régionaux.

– De 1984 à 1987, fermeture de 9 DRMu et de 11 DMuG ; déclassement de 4 DMuG en soutes à munitions régimentaires (SMuR) et d’1 DA en DMuG.

– De 1988 à 2002 fermeture de 4 entrepôts de réserve générale de munitions (ERGMu), de 12 dépôts régionaux, et de 14 dépôts de garnisons ; déclassement de 4 DMuG en SMuR.

Comme on peut le constater, un effort considérable d’assainissement a été effectué :

En 1987, 32 dépôts du Matériel (sur les 49 actifs) stockaient 94% des munitions de l’armée de terre. 58% des dépôts étaient dans le ¼ nord-est de la France et aux FFA, marquant la volonté de privilégier la zone “Centre-Europe”. L’ensemble du personnel traitant de la gestion des dépôts de munitions s’élevait à 3140 personnes, dont 128 officiers, y compris le personnel des divers états-majors et directions. Les officiers des dépôts étaient en grande majorité d’anciens sous-officiers.

Cet important effort d’assainissement a porté principalement sur les 5ème et 6ème régions militaires (anciennes appellations des RTSE et de l’est RTNE), au sein desquelles les dépôts étaient particulièrement vétustes et dispersés, et aux FFA qui disposaient d’un nombre important de dépôts, beaucoup trop petits et éparpillés (héritage de l’ancienne 1ére armée de 1966, celle du général MASSU, obsolète au moment de la sortie de l’organisation intégrée de l’OTAN).

La chronologie plus personnalisée de cette évolution est reprise après les cartes ci-dessous, qui permettent de situer géographiquement les différentes emprises concernées…

 

 

De 1968 à 1987 :

– En 1ère RM (RTIDF), le FORT DE BIEVRE, bien qu’autorisé, n’a jamais été pris en charge par l’armée de terre. Il est cédé à titre gratuit en 1980 à la DGGN, mais les gendarmes ne l’utiliseront jamais… Le FORT du HAUT-BUC, appartenant à la STAT jusqu’en 1982, est désactivé en 1983. Le DRMu de NOGENT-LE-PHAYE est fermé en 1985.

– En 2ère RM (nord RTNE), les DMuG d’AIRE SUR LYS, de LILLE, d’AMIENS et d’ARRAS sont déclassés en soutes régimentaire.

– En 3ère RM (RTNO), le DRMu de CHATEAUNEUF est fermé en 1984, celui de MEZIDON l’est en 1985, et tous deux font l’objet d’une procédure d’aliénation.

– En 4ère RM (RTSO), le dépôt de garnison de BIARD est supprimé en 1972 lors de la construction de la portion d’autoroute contournant POITIERS.

– En 5ère RM (RTSE), le dépôt régional de FORT COMBOIRE est déclassé du domaine public de la défense en 1982 et remis aux services fiscaux pour aliénation en 1983. Le dépôt de garnison de MONTAGNE DES CHEVRES, près d’AVIGNON est déclassé en 1981. Le dépôt régional de ST OURS LES ROCHES est fermé et aliéné (il est maintenant devenu VULCANIA !). Le DRMu de FORT BARRAUX est désactivé en 1986 et déclassé en tant que place de guerre en 1987 (il sert depuis dans le cadre de l’association JET, jeunes en équipes de travail). Le DMuG de LA CONDAMINE est fermé en 1986.

– En 6ère RM (est RTNE), le dépôt régional d’ILLKIRCH-GRAFFENSTADEN est fermé en 1981. Le dépôt régional de VEZELOIS (ouvrage fortifié très difficile d’accès) est transformé en dépôt de garnison en 1968. Il a été fermé depuis. Le dépôt de garnison de ETAIN–ROUVRES, créé en 1968 est fermé en 1982. Le dépôt de garnison de DIJON-BEAUREGARD créé en 1967 est fermé en 1983. Le dépôt de garnison de COLMAR-FRONHOLTZ est fermé en 1982 et transformé en terrain d’exercices pour la garnison de COLMAR. Le dépôt de garnison de NEUF-BRISACH-HELTEREN est fermé en 1982 et transformé en terrain d’exercices. Le DRMu de MARS-LA-TOUR est fermé en 1985. Le DRMu de BITCHE est fermé en 1987. Le DRMu de ROMANSWILLER devenu dépôt de garnison en 1982 est fermé en 1985. Le dépôt de garnison de TOUL-DONGERMAIN est fermé en 1987. Le dépôt de garnison des ADELPHES est fermé en 1984.

– Aux FFA (Forces Françaises en Allemagne), les dépôts de garnison de ROTENBACH, OFFENBURG- SCHUTTERWALD, UNTERSNAT-HORNISFRINDE, MAULBURG, SPAICHINGEN, REUTLINGEN-MARKWASEN, WEINGARTEN, HORB-EUTINGEN, RADOLFZELL, TUBINGEN-WADLHAUSEN, FREUDENSTADT, et DONAUESCHINGEN sont restitués à la RFA de 1975 à 1979. Le dépôt d’armée de NEUENBURG est fermé et restitué en 1982, celui de DENZLINGEN, également fermé en 1982, est restitué en 1985. Celui de PETIT-STETTEN est fermé en 1984, celui de MORBACH est déclassé en dépôt de garnison en 1985, celui de RASTATT-IFFEZHEIM est fermé en 1986. Sont également fermés les dépôts de garnisons de WITTLICH-ALTRICH, de REUTLINGEN-LISTHOFF et de FRIEDRICHSCHAFEN-STEWALD en 1985, ainsi que ceux de NEUSTADT-TURENNE et NEUSTADT-LACHEN en 1986, et celui de MUNSINGEN en 1987.

De 1988 à 2002 sont désactivés :

– En RTNO (REGION TERRE NORD-OUEST), les ex-ERGMu (Entrepôts de réserve générale de munitions) ou/et ex-ETAMAT (établissements du Matériel) de THOUARS, AUBIGNE-RACAN, et CHATEAUDUN, ainsi que les dépôts régionaux de LA COURTINE, SASSEY, SAINT-AVE et DIRAC.
– En RTSO (REGION TERRE SUD-OUEST), le dépôt régional du CAUSSE.
– En RTSE (REGION TERRE SUD-EST), le dépôt régional des GARRIGUES, ainsi que les dépôts de garnison de SERRAT D’EN VAQUERS, FABREGUES, MUSSUGUET, SAINT MARTIN DE QUEYRIERE.
– En RTNE (REGION TERRE NORD-EST), les dépôts régionaux de SISSONNE, SAINT MICHEL, ORS, VALDAHON, et MOURMELON.

Post Scriptum :

Depuis cet inventaire, les sites de CHEMILLY et LEYMENT, tous deux ex-ERGMu, ont également été désactivés.

L’HISTORIQUE DU 730ÈME GROUPEMENT DE MUNITIONS

L’historique du

730ème Groupement des Munitions

par

Régis Hoyet

Obéissant à la devise « Festina lente » (« hâte-toi lentement »), le 730ème G.Mu était chargé jusqu’en 1985 du soutien munitions des unités du 2ème CA et des FFA se trouvant à l’est de la forêt noire. Il était stationné à Stetten am Kalten Markt, au camp du Heuberg. Il était alors constitué de deux dépôts de munitions d’armée : le D.A. 61 à Breithülen et le D.A. 63 à Stetten. Il trouvait son origine à la 730ème C.Mu.

 

 

Le 1er avril 1951, la 730ème Compagnie munitions est créée par PV n° 4 de l’intendance 414. Elle dépend du 252ème B.R.M. et est stationnée à Kenzingen. A partir de juillet 1960, elle est rattachée au bataillon du groupement logistique n° 5 ; puis , à partir de janvier 1973, directement au commandant de direction du matériel du 2ème C.A. des F.F.A. Enfin , le 31 août 1978, la compagnie change d’appellation et d’implantation. Elle devient le 730ème Groupement munitions qui s’implante à Stetten le 1er septembre 1978 (DM n° 19 200/DEF/EMAT/MO/ORG/CD du 26 avril 1978), lequel est dissous le 30 juin 1985.

 

 Les commandants successifs :

1er avril.1951 – 31 août 1978
730ème Compagnie de Munitions, Kenzingen.

Lieutenant Superbie (01.04.51 – 30.04.51)
Lieutenant Guennou (provisoire, 01.05.51 – 31.05.51)
Capitaine Perronnet (01.06.51 – 30.04.53)
Lieutenant Guennou (provisoire, 01.05.53 – 31.12.53)
Capitaine Gsell (01.01.54 – 31.03.57)
Capitaine Poupon (01.04.57 – 30.10.59)
Lieutenant Lallart (01.11.59 – 31.03.61)
Capitaine Laidet (12.06.63 – 11.06.67)
Capitaine Veron (12.06.67 – 11.06.68)
Lieutenant Carme (16.10.68 – 22.07.70)
Capitaine Cornuel (23.07.70 – 12.07.74)
Ingénieur 1ère classe Farkas (13.07.74 – 05.09.77)
Capitaine Zimmermann (06.09.77 – 31.08.78)

1er avril.1951 – 31 août 1978
730ème Compagnie de Munitions, Kenzingen.

Capitaine Zimmermann (01.09.78 – 05.09.79)
Capitaine Fontaine (06.09.79 – 04.09.81)
Capitaine Truffeau (05.09.81 – 28.07.83)
Commandant Matteaccioli (29.07.83 – 31.07.84)
Commandant Bergeot (01.08.84 – 30.06.85)

HISTORIQUES DES DÉPÔTS DE MUNITIONS

L’historique du

Dépôt MU de Bois l’Évêque

772ème Compagnie de Munitions

par

Régis Hoyet

Le 1er juillet 2002, le dépôt du Bois l’Évêque a cessé d’exister, cinquante ans après sa création dans le Catésis….

Le village d’ORS, et le Bois l’Évêque :

 

 

La commune d’Ors a adopté les armoiries du chef de l’église de Cambrai, elles se lisent ainsi :

D’or à trois lions d’azur, au chef de gueules chargé d’une Notre-Dame de grâce de carnation à mi- corps, vêtue de gueules et d’azur et tenant à senestre l’Enfant Jésus.

Une ébauche d’historique, réalisée à partir de témoignages oraux ou de documents en provenance de sources très différentes, est accessible en cliquant ici. Ces sources sont d’anciens commandants du DMu (en particulier Luc MELLINGER et Christian TERRIER), mais également Michel DELHAYE (témoin privilégié de l’époque, qui participa à la construction du dépôt), le service historique de l’armée de terre, les archives de la mairie d’Ors, sans oublier Jean-Pierre CAMBIER, Michel DENIS, Jules DELVA (pour son “Au pays d’ORS” en deux tomes)…. et l’abbé EM. TRELCAT (pour sa “monographie d’Ors et de la Malmaison”)…

Le dépôt de munitions du Bois l’Evêque :

Du camp de manoeuvre créé en 1932, transformé en 1952 en dépôt de munitions, au retour à la vie civile en 2002 : cliquez ici pour en savoir plus…

 


Le tout premier insigne DMU

 

Lieutenant Paul BRUNELLE (01/07/1953 – 05/10/1955)
Capitaine André VILLAIN (06/10/1955 – 31/12/1960)
Capitaine Henri POIRSON (01/01/1960 – 12/05/1963)
Commandant Edouard HENNINGER (13/05/1963 – 13/12/1964
Commandant Abel BAUCOUR (14/12/1964 – 31/01/1971)
Commandant Léo LALLART (01/02/1971 – 31/07/1974)
Capitaine René BINET (01/08/1974 – 31/07/1978)
Capitaine Hubert TUFFREAU (01/08/1978 – 28/08/1980)
Capitaine Bernard DEBIAUNE (29/08/1980 – 15/09/1982)
Capitaine Georges PICARD (16/09/1982 – 08/09/1985)
Lieutenant Luc MELLINGER (09/09/1985 – 22/09/1985)
Capitaine Pierre AUGUSTE (23/09/1985 – 28/08/1990)
Capitaine Bernard MORATZ (29/08/1990 – 01/08/1993)
Capitaine Alain JUPIN (02/08/1993 – 31/07/1996)
Capitaine Jacques FORESTIER (01/08/1996 – 30/06/1999)
Capitaine Christian TERRIER (01/07/1999 – 30/06/2002

 

L’historique du Dépôt MU de Thouars

L’Odyssée du train 377

et l’ERG dans la debacle

par

Régis Hoyet

Nos remerciements vont aux membres de la cité libre du vieux Thouars et notamment à messieurs Jacques BAUFRETON (président-Maire) et Paul Boucheteau (premier adjoint et grand écrivain) qui nous ont autorisés à reproduire les récits de la gazette du vieux Thouars, liés à l’histoire de l’entrepôt de réserve générale de munitions pendant la période cruciale de 1940 et de reconstituer ainsi un épisode peu connu, riche en émotions et rebondissements…

 

1. L’HISTOIRE DU DEPOT DE MUNITIONS DE THOUARS…

Situé sur une région au riche passé militaire, sur un plateau qui a vu l’invasion des Wisigoths, des Arabes, les combats des Plantagenets, les batailles de la guerre de Cent Ans, les guerres du Duc d’Anjou puis, plus près de nous les guerres de Vendée, le parc d’artillerie de Thouars est né des besoins de la guerre 1914 – 1918.

Il est loin le temps où par arrêté du 21 octobre 1916 le préfet des Deux–Sèvres autorise la création d’un parc à munitions à Thouars, à proximité d’un nœud ferroviaire. On suppose que la décision de créer un dépôt, non loin d’un port et à proximité d’un nœud ferroviaire important permettait d’entreposer les munitions venant d’Amérique avant leur réexpédition vers les zones de combat. Le site de Thouars se prêtait à cette implantation : accès aisé vers l’océan, gare importante (liaisons directe avec Paris et Tours en particulier).

A l’origine, les stockages sont à l’air libre. Seuls quelques bâtiments sont édifiés dans le lieu que les Thouarsais surnommeront vite « les baraquements ». Le réseau ferré dessert en grande partie les zones de stockages. Suite au décret d’expropriation du 14 août 1921, petit à petit, sont érigés des bureaux, des logements, des hangars pour les munitions les plus sensibles. En 1924, commence la construction de ce qui deviendra : l’Entrepôt de Réserve Générale de Munitions de THOUARS (ERGMu)

 

Parallèlement, le réseau ferré va s’amplifier et l’entrepôt sera relié au réseau national par trois embranchements :
– deux le raccordent à la ligne THOUARS – TOURS ;
– un le raccorde à la ligne THOUARS – SAUMUR.

L’atelier de remise en état voit le jour à cette époque. En 1940, l’ERGMu compte quatre groupes de stockage et un groupe des ateliers. La zone administrative est implantée dans le premier groupe. En 1940, l’ERGMu comprend 4 groupes de stockage et un groupe d’ateliers. Il est évacué le 20 juin 1940 alors que la bataille de Saumur est engagée. Les Allemands l’occupent du 24 juin 1940 au 16 août 1944, et le détruiront à 90%, ainsi que les archives, avant de se replier. Il n’y a plus d’alimentation en eau et pratiquement plus d’électricité. Le réseau ferré est détruit, le casernement et les logements militaires découverts. L’entrepôt n’en a cependant pas terminé avec les malheurs. En août 1945, une explosion fait deux morts au groupe II.
Le 13 juillet 1946, le feu prend dans un stock de munitions récupérées dans la poche de Royan. L’incendie dure trois jours du 13 au 15 juillet 1946, achevant de détruire le groupe II. Heureusement il n’y a pas de victime, à part un veilleur qui effectuait sa ronde et qui ne devra son salut qu’à la proximité d’un fût de 200 litres d’eau dans lequel il s’immerge pendant une journée, attendant une accalmie pour s’en extraire !
En 1947, une nouvelle explosion secoue le groupe III. Le feu a pris dans un tas de 200 tonnes de munitions qui attendent d’être enlevées pour destruction. Les projections sont nombreuses et, un peu partout, il faut lutter contre des débuts d’incendie.
En 1952, le personnel paiera à nouveau son tribut. Une caisse de détonateurs explose entraînant la mort de deux ouvriers. Malgré ces catastrophes, l’entrepôt se relève peu à peu de ses ruines grâce aux efforts conjugués du Service du Génie et du Service du Matériel. Le personnel de l’ERGMu oeuvre et les bâtiments se redressent, les voies de communications se rétablissent. L’établissement a alors le statut commun aux autres entrepôts de munitions et est indépendant sur les plans des personnels, des activités et des finances.
En 1956, il est à peu près reconstruit, parfois avec des solutions de fortune. Néanmoins, il peut recevoir 50 000 tonnes de munitions.
De 1960 à sa fermeture, les efforts ont porté sur l’adaptation à la manutention mécanisée.

 

De 1947 à 1971, l’ERGMu s’est vu rattacher le dépôt souterrain de Migné-les-Lourdines (situé à l’entrée de Poitiers), dont l’exploitation en tant que dépôt de munitions a cessé le 1er janvier 1971 : il a été évacué le 3 juin de la même année, son dernier chef de dépôt était le lieutenant GIORGINI…
En 1974, le dépôt de munitions de Dirac a été rattaché à l’ERGMu. de Thouars (voir in fine…). Il sera dissous en 1994, son dernier chef de dépôt était l’ADC SALES…

Pour la description héraldique : cliquez ici

Ayant, comme les autres ERGMu, diversifié ses activités, en 1978, l’Entrepôt de réserve générale de munitions de Thouars devient Etablissement de réserve générale de munitions (ERGMu), puis le 1er janvier 1994, suite à la réorganisation « ARMEE 2000 » il devient Etablissement du Matériel de l’armée de terre (ETAMAT).
En juillet 1996, la fermeture progressive de l’ETAMAT de Thouars est annoncée. Une antenne mobilité reclassement est créée afin de faciliter la réaffectation des personnels civils de l’établissement.
En septembre 1997, le programme d’évacuation de toutes les munitions avant le 1er mai 2000 est arrêté par la Direction Centrale du Matériel de l’Armée de Terre (DCMAT).
Après le départ de nombreux personnels administratifs, le rattachement de l’ETAMAT de Thouars à celui de Poitiers devient inéluctable : fin 1997, une décision ministérielle fixe la date de la transformation en détachement de l’ETAMAT de Poitiers, groupement technique n° 2 (DETMAT/GT 2) au 1er juillet 1998.

L’évacuation du groupe de stockage n° 3 est programmé pour le 1er juin 1998, celle du groupe de stockage n° 2 pour 1999 afin de diminuer le nombre de zones militaires sensibles.
Enfin, en 2000 l’arrêt des activités n’a lieu qu’après le départ des dernières munitions : jusqu’à cette date, les derniers militaires et civils en place ont poursuivi la mission de leurs aînés, avec la même rigueur et le même dévouement, refermant une chaîne de quelque 84 ans…

2. L’ODYSSEE DU TRAIN 377

A la veille du désastre national, l’entrepôt de réserve générale de Thouars dépend du parc régional de réparations et d’entretien de Poitiers. Il est commandé par le chef d’escadron BOCHOT. Mis à part le type de construction, l’infrastructure de l’établissement est comparable à celle des années 1990 : magasins, poudrières, ateliers, casernements, logements, bâtiments de servitude, château d’eau, embranchement particulier, etc…

C’est une organisation importante pour l’époque et le Directeur dispose d’un encadrement en conséquence : 4 officiers, 10 sous-officiers, 1 maître ouvrier chef d’atelier.
A ce personnel d’active est venu s’ajouter à la mobilisation le personnel de réserve, soit un renfort de 2 capitaines, 8 lieutenants, 3 médecins dont un dentiste.
Il faut encore ajouter le personnel du groupe des compagnies, c’est à dire : un capitaine commandant du groupe et 9 officiers dont 6 commandants d’unité.

Le groupe des compagnies en support de l’E.R.G. comprend : la 2ème compagnie d’artificiers à 185 hommes, la 5ème compagnie d’artillerie à 240 hommes, la 7ème compagnie d’artillerie à 240 hommes, la 8ème compagnie d’artillerie à 240 hommes, la 2ème compagnie de travailleurs espagnols à 500 hommes, la 3ème compagnie d’Annamites à 300 hommes, une section de défense anti-aérienne à 30 hommes soit 1735 sous-officiers et troupe.

Jusqu’au 10 mai, comme partout ailleurs en France, l’E.R.G. vit la « drôle de guerre » dans l’attente d’une solution favorable du conflit. L’attaque allemande de la Hollande et de la Belgique vient là aussi dissiper des illusions. Il faut faire face, et l’E.R.G. va se montrer à la hauteur de ses responsabilités.
Dans le compte rendu qu’il fait des évènements qui conduiront à l’évacuation des familles et des cadres de l’E.R.G., le chef d’escadron BOCHOT raconte aussi l’aventure du train 377 ainsi que les circonstances de l’évacuation de l’établissement.

Au cours des 28 semaines de guerre il a été manipulé dans l’établissement environ 300 000 tonnes de munitions. Il en est sorti 93 495 tonnes dans 166 trains. Le train 377 fait partie de ces convois lancés sur les rails au début de l’attaque allemande en mai. Au moment où commence son aventure, la situation des armées Françaises se dégrade rapidement tandis que la Werhmacht, appuyée par la Luftwaffe, fait la démonstration de sa supériorité.
Le 14 mai, la capitulation hollandaise n’est plus qu’une question d’heures. Près de 2000 blindés disloquent sur la Meuse le dispositif français conçu sur la base d’une idée fausse, à savoir l’impossibilité pour les chars adverses de franchir les Ardennes… Au soir du 15 mai, les panzers de Guderian sont à Moncornet, au bord de la Serre. A 35 km de Laon, à 37 km de Rethel. Reims n’est plus qu’à 70 km, après 4 jours de combat !…

Le train, parti de Thouars le 14 mai, contient : 52 800 coups de 75 modèle 1917 DCA, 9 600 coups de 75 modèle 1928 DCA, 4 800 coups de 105 long modèle 1936. Au chef de train, mécanicien et chauffeur, se sont joints 4 convoyeurs, canonniers à la 2ème compagnie d’artificiers du 9ème bataillon d’ouvrier d’artillerie. Ce sont : BEAUCHAMP Moïse matricule 2066, CLISSON Marcel matricule 1995, GARNIER René matricule 745, PINTURAUD Pierre matricule 309. Sur ces quatre hommes va reposer entièrement le destin du train 377.

Ce train arrive au Bourget le 15 mai à 9h 15 mm. De cette gare, il est dirigé sur Laon…où il entre en gare à 20 heures sous le mitraillage et le bombardement des stukas en piqué. Par chance, ni le personnel du train, ni les convoyeurs, ni le train ne seront touchés. Les convoyeurs partent aussitôt à la recherche du commissaire de gare. Introuvable ce commissaire…disparu ! Il leur faut cependant connaître leur destination finale ; aussi deux d’entre eux vont se rendre en ville au bureau militaire. Surprise ! Ce bureau fonctionne et leur indique même leur point de livraison : Marly-Gomont, petite localité située à 20 km environ à l’est de la petite ville de Guise. Lors de leur retour au train, on s’aperçoit que le chef de train a lui aussi disparu, emportant avec lui tous les papiers. De la situation militaire, le mécanicien du train, son chauffeur, les quatre convoyeurs ne savent rien ; sauf que cela va plutôt mal ; la ville est encombrée de réfugiés, de blessés, de fuyards et les bruits alarmants circulent.

Sans le savoir, les six hommes viennent de pénétrer dans la zone d’action de la IVème division cuirassée (DCR) dont les éléments commencent à se mettre en place dans le Laonnais afin de permettre à la VIème armée du général TOUCHON de se reformer sur l’Aisne. Le chef de la IVèmeDCR est le colonel de GAULLE (il sera général le 23 mai). Dans ses « mémoires de guerre » on lit : « le 16, rejoint par embryon de mon état-major, je fais des reconnaissances et recueille des informations. L’impression que j’en tire est que de grosses forces allemandes qui ont débouché des Ardennes par Recroi et par Mézière, marchent, non pas vers le sud, mais vers l’ouest pour gagner Saint-Quentin en se couvrant à gauche sur les flancs gardes postées au sud de la Serre ».

Mais revenons à notre train 377 stationné en gare de Laon :
Au vu de l’ordre de mission pour Marly-Gomont, le chef de gare de Laon fait partir le train en direction de Marle-sur-Serre, bourgade à 22 km de Laon, au carrefour des directions de Guise au nord-ouest et Vervins-Hirson au nord-est. Comme des blindés allemands ont déjà atteint la Serre, notamment à Montcornet (Marle-Montcornet = 22 km), le train 377 roule aveuglément vers l’ennemi. Il passe une partie de la nuit du 15 au 16 mai à Marle-sur-Serre. Au début il y a encore quelques employés.
« Le commissaire de gare qui portait ses bagages à la main a déclaré aux convoyeurs que, selon les ordres donnés, ils devaient accompagner leur train jusqu’à Marly-Gomont. Les convoyeurs qui sont restés une partie de la nuit dans cette gare, n’ont plus revu le commissaire de gare. Vers minuit, la gare de Marle-sur-Serre a été abandonnée par le personnel. Il ne restait en gare que le mécanicien, le chauffeur et les quatre convoyeurs. A une heure du matin, le 16, une “Micheline” conduite par deux mécaniciens dont la machine était déraillée dans un trou de bombe, est entrée en gare. Les mécaniciens ont déclaré qu’il était impossible d’aller plus loin, l’ennemi devant être en ce moment à Marly-Gomont ».

La responsabilité du convoi de munitions repose bien sur les quatre convoyeurs car c’est maintenant qu’il faut prendre une décision :
– Poursuivre, obéir aux ordres ?… Il serait stupide de conduire ce train sans défense vers l’ennemi !…
– Abandonner le dangereux transport ?… Filer comme l’ont fait le chef de train et sans doute les deux commissaires de gare ?…
– Ramener le train vers l’arrière ?… Malgré les risques encourus, avec le précieux chargement…
Qui va prendre la décision ?
Constatant que le flot des réfugiés et des troupes en débandade ne cesse de s’écouler au voisinage de la gare, le convoyeur PINTURAUD, matricule 309, (donc le plus ancien dans le grade le plus élevé), en accord avec le mécanicien, décide de ramener le convoi en arrière.
En guise de confirmation de cette situation reprenons dans le même paragraphe les « Mémoires de guerre » : « sur toutes les routes venant du nord, affluent de lamentables convois de réfugiés. J’y vois aussi nombre de militaires désarmés ».

Reprenons le récit du chef d’escadron BOCHOT :
« A partir de Marle, le train 377 a ouvert la marche à un train de blessés se dirigeant vers Laon et Soissons. Pour ce trajet retour, le convoi jusqu’à Laon a trouvé les aiguilles cadenassées. Le personnel du train a donc été dans l’obligation de faire sauter tous les cadenas d’aiguilles à coups de marteau.
Le convoi est ainsi arrivé près de la gare de Laon vers 5 heurs, mais, la voie étant fermée, il a été impossible de rentrer en gare. Le mécanicien s’est alors rendu seul à la gare pour y prendre des ordres. Il n’a trouvé personne. Il est revenu prendre son convoi pour l’acheminer en gare de Laon après avoir fait sauter à coups de marteau le cadenas qui bloquait les aiguilles. En gare de Laon, le mécanicien, après entente avec les convoyeurs, a manœuvré pour prendre en remorque une rame de dix wagons chargés de fûts d’essence. Le 17 mai, vers 7 heures, le train a quitté Laon en direction de Soissons en remorquant un convoi d’environ 1300 tonnes. Le voyages s’est effectué à allure très lente et le convoi est arrivé sans incident à Soissons dans la matinée.
Le commissaire de la gare de Soissons a alors dirigé le train sur Compiègne. De là il est dirigé sur Creil, puis Enghien où il est arrivé à minuit, et a été garé par le chef de gare. Les wagons d’essence remorqués depuis Laon ont été laissés en gare de Pluches.
Le 22 mai, personne ne s’occupant du convoi, les convoyeurs ont pris l’initiative d’adresser une lettre au commandant de l’ERG de Thouars pour demander des instructions.
A l’occasion d’une mission de liaison au Ministère de la guerre, un sous-officier de l’établissement a été dirigé sur Enghien le 24 mai pour prendre des renseignements sur le train 377, s’enquérir des convoyeurs et leur porter des subsides.
Le 26 mai, rentré de mission, le Maréchal des logis a rendu compte que les convoyeurs étaient dans l’obligation de garder nuit et jour leur convoi fractionné en quatre tronçons et que la mairie de Soisy-sur-Montmorency assurait la subsistance des convoyeurs par bons de réquisition.
Le 26 mai, à 9 heures, un compte rendu télégraphique a été adressé à Monsieur le Ministre de la guerre, Direction de l’Artillerie, 2ème bureau Matériel, 3ème Section. L’officier de ce service qui a reçu ce message a fait connaître que des instructions allaient être données pour l’acheminement de ce train, sur une destination définitive.
Thouars, le 27 mai 1940
Signé : BOCHOT »

Personne ne saura quelle fut la « destination définitive » de ce train 377 ni ce que sont devenus les quatre convoyeurs. Mais le 28 octobre, le chef d’escadron BOCHOT recevait la notification 323 C :
Le général HUNTZINGER, commandant en chef des forces terrestres, Ministre, Secrétaire d’Etat à la guerre, cite « à l’ordre du Régiment » PINTURAUD Pierre, matricule 309, BEAUCHAMP Moïse, matricule 2066, GARNIER René, matricule 745, CLISSON Marcel, matricule 1995, canonniers à la 2ème compagnie d’artificiers du 9ème BOA, E.R.G. de Thouars. « Convoyeurs d’un train de munitions acheminé le 15 mai 1940 vers une zone occupée par l’ennemi, ont grandement contribué par leur décision, leur initiative, leur sang-froid et leur courage sous les bombardements d’avions, à sauver leur convoi et aidant le mécanicien à rebrousser chemin malgré le départ de tout le personnel des gares. Ont permis de ramener dans nos lignes, non seulement le train de munitions mais un train d’essence abandonné dans une gare évacuée et un train de blessés auquel la voie a été ouverte ».

3. L’E.R.G. DANS LA DEBACLE…

Situation générale du 15 au 18 juin 1940 :
Nous savons exactement ce qui se passait chaque jour, chaque heure de ces tristes journées de Mai 1940. Mais au moment ou le chef d’escadron BOCHOT signe le 20 juillet 1940 le récit des évènements qui ont conduit le personnel de son établissement en zone dite libre, il ignore encore la plupart des circonstances qui ont entouré ces évènements. Et lorsque l’ennemi approche de Thouars, il ne connaît de la situation que ce qu’il voit ou entend.
Aucun recours n’est possible vers les échelons supérieurs de la hiérarchie militaire ou civile pour obtenir quelque renseignement d’importance que ce soit.
Henri AMOUROUX dans « la grande histoire des Français sous l’occupation » écrit à ce sujet : « les communications téléphoniques sont détruites, la radio fonctionne mal, les Généraux Français ignorent ce qui se passe à 30 km de leur PC ». A notre époque de multimédia, on imagine mal cette situation !
Le 15 Juin, la Wehrmacht progresse vers l’embouchure de la Loire et vers Lyon. Devant les Allemands, il n’existe que des débris d’unités qui opposent des résistances ponctuelles et retardent parfois de quelques heures le passage d’un pont, la prise d’une ville.
Le gouvernement de la République s’est replié à Bordeaux. Citons encore M. AMOUROUX : « Armées, divisions, régiments ne sont plus que des paquets humains, enveloppés, tronçonnés, dissous par les masses allemandes qui poussent devant elles des foules terrorisées, et un gouvernement hésitant, partagé, ne sachant plus à quel espoir se raccrocher parmi tous les efforts à long terme que lui offre encore Paul REYNAUD ».

La situation vue de l’E.R.G.
Voici ce que le chef d’escadron BOCHOT écrit :
Les nouvelles du front étaient vagues. La T.S.F. ne donnait aucune précision. Vers le 13 Juin, une régulatrice d’armée s’était repliée sur Thouars. Depuis le 15 Juin, le trafic de l’E.R.G était considérablement ralenti. Huit trains de munitions étaient depuis plusieurs jours en attente sur le faisceau ; toutefois les arrivages continuaient à affluer : wagons d’obus pour l’E.R.G., wagons de poudres pour les carrières de Brain-sur-Allonnes, bombes d’aviation pour le dépôt de la motte.
Cette situation paraissait devenir anormale. Les évacués continuaient à affluer sur les routes, provenant de zones de plus en plus rapprochées. L’E.R.G. se transformait en un véritable centre de ravitaillement en essence. Plus de 30 000 litres étaient ainsi distribués tant à des formations qu’à des civils. Les « isolés » devenaient de plus en plus nombreux. Des trains complets d’éléments de troupes diverses refoulées vers l’arrière avaient été ravitaillés en vivres à la gare de Thouars par les soins des unités de l’E.R.G.
Les ordres du Commandant territorial prescrivaient l’organisation de la défense des villages et des points de passage par les gardes territoriaux et les troupes de l’arrière. De fréquentes liaisons aux carrières de Brain-sur-Allones permettaient de constater que l’organisation de la Loire était à peu près nulle et faisait peu de progrès. Déjà, il était permis de douter d’une défense efficace sur ce fleuve. Les incursions aériennes des Allemands se faisaient chaque jour plus nombreuses. Des attaques aériennes ont eu lieu du 10 au 15 Juin sur Tours, Angers, Saumur, Montreuil-Bellay. Il n’était pas douteux que Thouars et ses environs soient pris pour cibles.

LES INCERTITUDES DU COMMANDANT DE L’E.R.G.
Cette situation est d’autant plus angoissante que jamais la moindre directive n’a été donnée au Commandement de l’ERG sur la conduite à tenir en cas d’approche de l’ennemi :
Faut-il évacuer le matériel ?… Lequel ?…
Faut-il saborder l’entrepôt ? A quel moment ?
Faut-il conserver le personnel sur place jusqu’à l’arrivée de l’ennemi ?
Faut-il évacuer les familles dont dix habitent à l’intérieur de l’ERG ?
Autant de questions qui n’ont jamais été soulevées et que l’on n’ose poser, espérant toujours que la situation se rétablira avant la Loire. Il n’y a rien dans les archives à ce sujet.
Les liaisons téléphoniques deviennent chaque jour plus difficile. Tous les organes de commandement sont en perpétuel déplacement et il n’est pas possible de provoquer des ordres par téléphone sur de telles questions…
Le 15 juin, deux officiers de l’Inspection des Munitions, le capitaine RATEAU et le lieutenant BEAUGARS étaient passés à l’entrepôt. Ils n’avaient pas d’instructions pour l’ERG. L’inspection des munitions s’est repliée à Pau. Le 16 juin, arrivent des officiers de l’ERG de Mézidon. Ils ont reçu des ordres de repli émanant du commandant de l’Artillerie de la Région. Ils n’ont laissé sur place qu’un faible détachement pour assurer le ravitaillement tant qu’il y aura des possibilités.
Il devient nécessaire d’aviser.

Les deux hypothèses.
Dans cette situation et surtout dans l’ignorance des instructions que le commandement aurait dû lui faire parvenir, que pouvait faire le chef d’escadron BOCHOT ?
Il nous fait part des hypothèses qu’il a été amené à considérer :

Première hypothèse :
C’est la seule qui puisse venir à l’esprit quand on se refuse à croire au désastre. Une armée doit combattre en retraite dans la région Nord de Thouars. Ses éléments arrière et ses E.M. feront sans doute prochainement leur apparition. Il sera possible alors d’avoir des renseignements sur la situation : repli envisagé, lignes successives qui seront défendues, délai probable de l’arrivée de l’ennemi… Logiquement, l’ERG passera sous les ordres de cette armée ; il sera absorbé par son parc à munitions dont il deviendra un organe essentiellement défendable. A ce moment il sera encore temps d’aviser sur le repli du personnel, l’évacuation ou la destruction du matériel, opérations qui se feront sous la protection de l’armée engagée…
Il n’y a donc pas d’initiative à prendre immédiatement. Il suffit de chercher par tous les moyens à obtenir la liaison avec l’armée en contact.
Du reste, deux éléments viennent étayer cette hypothèse : La présence à Thouars d’une régulatrice d’armée qui normalement est un organe situé assez en arrière, et un message téléphoné le 16 juin de la subdivision de Niort :
<<<<<< N° 95 : Ordre à tous les organes militaires concourant au ravitaillement et à la police, rester à leur poste même au risque d’être fait prisonnier. En aucun cas ces organes ne doivent se replier sans ordre du Général commandant l’armée. S’il le faut faire des exemples. >>>>>>
On ne peut donc pas douter de l’existence d’une armée qui combat.

Seconde hypothèse :
C’est celle qui naît de l’ambiance du désastre. Il n’y a plus en face de l’E.R.G. que des éléments épars, en partie en déroute et qui ne s’arrêteront peut-être même pas pour tenter de défendre la Loire. L’E.R.G. est alors seul, livré à lui-même. Il ne recevra pas d’ordres. Sa mission de ravitaillement par voie ferrée peut être considérée comme définitivement paralysée. Son ultime mission se bornera à satisfaire aux demandes de quelques éléments qui peuvent encore tenter de résister ça et là. Mais, en cas d’avance brusquée de l’ennemi, du genre de celles réalisées sur la Meuse, sur la Marne et sur la Seine, il n’y a aucune illusion à se faire : tout le personnel sera prisonnier. Il y aura impossibilité absolue d’évacuer quoi que ce soit ou de détruire même les amorçages.
Des faits troublants font pencher à chaque minute pour cette deuxième hypothèse : les « isolés » sont de plus en plus denses sur les routes et leur allure désordonnée ressemble bien à la déroute. Des débris d’unités combattantes, de l’artillerie en particulier, refluent sans arrêt. Elles n’ont aucun renseignement sur les troupes qui combattent encore.

Dès le 17 juin, la régulatrice prépare son départ. Elle ne peut fournir aucun renseignement sur la présence d’une armée au Nord de Thouars. Le commandant de la région quitte Tours. Des ordres ont été donnés pour que tous les éléments régionaux évacuent le Nord de la Loire. Des éléments de l’E.R.G. de Mézidon arrivent à Thouars. Il y a quelques jours, leur situation a été sensiblement la même que celle de Thouars aujourd’hui. Toutefois ils se sont trouvés en contact avec des unités combattantes et ils ont reçu des ordres de repli du Général commandant l’artillerie de la région.

Les décisions du commandant de l’E.R.G.
Après une telle analyse, le chef d’escadron BOCHOT va prendre un ensemble de décisions qui auront le mérite de sauver ce qui pouvait l’être tout en assurant sa mission de ravitaillement jusqu’au dernier moment.

Le 15 juin, un plan de repliement des familles est établi confidentiellement et communiqué aux chefs de familles par la note reproduite ci-dessous :

Plan de repliement des familles

1 – Données générales

Dans le cas où un repliement des familles habitant l’E.R.G. s’imposerait, les mesures suivantes sont prévues : Un convoi encadré comprenant les voitures personnelles et quelques camions et camionnettes sera chargé du transport des familles et de leurs bagages usuels en direction du sud (Bordeaux, les Pyrénées, la côte ouest). L’organisation du convoi sera faite par le lieutenant BERVAS, en fonction du nombre de familles à évacuer. Les voitures désignées parmi les meilleures de l’E.R.G. seront mises immédiatement en état (plein d’huile, d’eau, d’essence, bidons de secours, câbles de remorquage…). Les chauffeurs seront choisis avec soin et devront être toujours immédiatement prêts à partir, avec une couverture et un repas froid. Une bâche avec cordage et piquets, destinée à servir de tente, sera chargée sur chaque camion (à préparer par le Brigadier-chef PILLET). La citerne auto sera remplie d’essence et suivra le convoi et un dépanneur avec outillage sera désigné par le maréchal des logis chef BORCHIE. Le chef de convoi sera désigné ultérieurement. La répartition des voitures sera faite d’avance par le lieutenant BERVAS et le chargement de chacune s’effectuera suivant un itinéraire à préparer et qui sera remis à chacun des chauffeurs. Les familles devront se tenir en permanence prêtes à partir. Elles sont invitées à ne pas transporter de matériel inutile ou trop encombrant. Elles feront bien de se munir de provisions et de petit matériel de cuisine, réchaud à alcool ou essence.

2 – Réserve de vivres

Une réserve de pain, de conserves et de vin sera faite par les soins du lieutenant BERVAS, le prix en sera réparti entre les familles.

3 – Itinéraire

Il sera remis au chef de convoi, (en principe Parthenay, Niort, Saint-Jean d’Angély, Saintes, Rous, Mirambeau, Saint-André-de-Cubzac, Mont-de-Marsan, Orthez). Des ordres de missions réguliers seront établis par le lieutenant BERVAS de l’E.R.G de Thouars. Les membres des familles sont priés de se munir de cartes d’identité.

Signé le chef d’escadron BOCHOT, commandant l’E.R.G. de Thouars.
Ce plan pourra jouer instantanément.

Ce même jour, des dispositions sont prises pour évacuer les carrières de Brain-sur-Allonnes. La moitié des poudres est ramenée sur Ternay.
Le 16 juin, la décision est prise de ne plus décharger les wagons de munitions à l’E.R.G..
Le 17 juin, les liaisons téléphoniques deviennent impossibles, les renseignements sur la situation sont de plus en plus vagues. La régulatrice se prépare à quitter Thouars.
Le 18, il faut à tout prix éclaircir une situation qui devient critique…

Le 18 juin :
C’est une terrible journée… Elle débute par des bombardements, ce sont Loudun, Pas de Jeu, Thouars que les avions ennemis prennent comme objectifs. Ces attaques font de nombreuses victimes à Loudun et à la gare de Thouars où 50 officiers polonais qui allaient s’embarquer sont tués ou blessés. On commence à sentir nettement une désorganisation du système de guet, les alertes ne sont plus données régulièrement. Ainsi le 18 juin, aucune alerte n’a été donnée alors que les avions ennemis ont survolé Thouars, une bonne partie de la journée, semblant attendre en gare le rassemblement des éléments polonais. L’heure du rassemblement a cependant été changée à plusieurs reprises. Tout permet de supposer qu’il existait une liaison terre-avion probablement par poste clandestin.

Situation générale le 18 juin :
Pour la plupart des combattants de 1940, le 18 juin ne peut être le jour de De Gaulle. Comment auraient-ils pu entendre cet appel d’un Général dont la plupart ignorent le nom et parfois même l’existence ?
Ceux qui combattent encore après avoir réussi à échapper à l’encerclement des blindés sur l’Aisne, sur la Somme, ou encore en Normandie, ceux qui abordent la Loire et vont tenter les ultimes coups d’arrêt momentanés du désespoir, ceux qui sont enfermés sous le béton des fortifications depuis longtemps dépassées par l’ennemi : tous ces hommes harassés, talonnés, bombardés, écœurés ont en commun le même souci : échapper à l’Allemand dont les moyens mécaniques les rattrapent et parfois les dépassent.
Mais au contact des populations qui fuient et encombrent les routes, ils apprennent que, la veille, le 17 juin, le maréchal PETAIN s’est adressé au pays et, au moment où débutaient seulement les pourparlers d’Armistice, il a prononcé des mots terribles : « il faut cesser le combat ».

« c’est le cœur serré que je vous dis qu’il faut cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il était prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte, et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités » (mots définitifs qui effacent le contenu antérieur du discours !)

Dans cette France envahie à moitié, désorganisée, au moral vacillant, ces paroles maladroites vont créer une horrible confusion et apporter une aide inespérée à la propagande allemande. L’ennemi peut ainsi accroître sans combat le nombre de ses prisonniers.
Le chef de la 7ème panzer division, le général ROMMEL, apprend d’un capitaine Français que PETAIN a prescrit aux unités françaises de déposer les armes. ROMMEL réplique qu’il n’est pas au courant mais qu’il n’ouvrira pas le feu. Les Français n’ont qu’à se ranger à droite et à gauche de la route, abandonner leurs armes individuelles et leurs canons antichars pour le laisser passer et s’en aller où bon leur semble. Le renseignement en tout cas, va être immédiatement exploité. A l’adresse des autres troupes françaises qu’il rencontrera dans l’après-midi du 18, ROMMEL fait agiter des mouchoirs blancs et crier : « guerre finie, krieg fertig, guerre finie ».
Le discours de PETAIN a été entendu partout où la radio peut fonctionner. N’oublions pas que le transistor n’existe pas encore. Qui plus est ce discours est déformé, interprété par chacun à sa convenance si bien que ordres et contre-ordres se succèdent tandis que l’ennemi poursuit son avance inexorablement.
Le chef d’escadron BOCHOT a t-il entendu le fameux discours ? Ce n’est pas sûr car il n’a pas eu le temps de se placer devant le poste de radio mais il en a certainement entendu parler au cours des liaisons téléphoniques qu’il entretient avec ceux qui devraient lui avoir donné des ordres.

Le 18 juin, le commandant de l’E.R.G. envoie des liaisons à l’extérieur :
Il envoie des officiers vers l’arrière et vers l’avant. Vers l’arrière pour provoquer les instructions qu’il aurait dû normalement recevoir du commandement !
Le capitaine FERRET a pour mission de rejoindre la direction de l’Artillerie qui, d’après des renseignements venus de Poitiers serait installée à Angoulême. Il demandera des directives sur la conduite à tenir en particulier au point de vue destruction des munitions.
Le lieutenant BELLIN est envoyé à Poitiers auprès du général commandant l’Artillerie pour lui soumettre les propositions arrêtées en cas d’avance de l’ennemi et lui demander d’autres instructions s’il y a lieu. Le lieutenant BELLIN est porteur d’une lettre du chef d’escadron BOCHOT, lettre qui peu être ainsi résumée : demande de destination pour les huit trains sur Niort, approbation sur la préparation d’évacuation. La note du général se termine par : << Soyez en relations suivies avec l’autorité militaire (colonel MICHOU de Saumur) qui vous renseignera éventuellement sur la situation devant vous. Ravitaillez tous ceux qui se présentent.>>
Le capitaine FERRET rentre vers 21h30. Il n’a reçu que des instructions verbales assez vagues. Il a même été question de tout détruire, ce qui est matériellement impossible.

Dès le retour du lieutenant BELLIN, le lieutenant RIMBAULT est envoyé en liaison vers l’avant, en direction de Saumur, avec mission de :
– Prendre contact avec les éléments de PC qu’il pourrait rencontrer et en particulier avec le colonel MICHOU commandant la défense de Saumur ;
– Faire connaître aux éléments rencontrés que l’E.R.G. peut délivrer des munitions de toute nature ;
– Pousser au-delà de la Loire pour prendre liaison si possible avec les troupes de contact.

Cet officier rentre vers 20 heures. Il a pris contact avec le colonel commandant l’école de cavalerie de Saumur qui lui a donné les renseignements suivants :
<< Inutile de dépasser les ponts de la Loire, il n’y plus d’armée de l’autre côté. Pour ma part, je vais me battre sur la Loire mais je n’ai plus d’artillerie. Les seuls canons dont je disposais manquent d’appareils de pointage et de servants qualifiés Vous pourriez voir à ma gauche un PC installé à Montrevaut et à ma droite je ne sais où en direction de Tours. Vous pourriez tenter, en passant par Doué-la-Fontaine et Montreuil de rejoindre le 106ème RA qui va vers le sud.>>
Le lieutenant RIMBAULT est alors chargé de transmettre au colonel MICHOU qu’un groupe de 75 est en stationnement à Brion (5 km au Nord de Thouars) et qu’avec ses pièces il serait possible de constituer quelques éléments d’artillerie en prélevant les pelotons de pièces et l’encadrement sur le personnel de l’E.R.G.
Ces propositions sont reçues par le chef d’état-major du colonel MICHOU. Elles sont renouvelées verbalement par le lieutenant FERMAUD envoyé à nouveau à 22 heures à Saumur. Vers 24 heures, à son retour, le lieutenant FERMAUD n’apporte aucune réponse à ces propositions. Par contre il rend compte que les ponts de Saumur viennent de sauter.

Vers 22 heures, la régulatrice a quitté Thouars.

 

4. LE REPLI…

19 juin, le commandant de l’E.R.G. ordonne le repli :
En possession de ces renseignements, le commandant de l’E.R.G. décide de mettre à exécution les préparatifs de repliement. Le 19 juin, vers une heure, il convoque les capitaines FERRET et MONTAUBIN pour arrêter les dernières dispositions. A deux heures l’ordre est transmis à tous les éléments par le capitaine FERRET :
1 – Exécuter immédiatement le plan de repli des familles préparé depuis le 17 ;

2 – Joindre à la colonne des familles toutes les voitures auto, transportant les archives et le personnel de l’EM ;

3 – Faire embarquer dès que possible les trois compagnies de Thouars dans la rame de wagons réservés disponibles sur le faisceau ;

4 – Faire évacuer la compagnie des Trois-Moutiers à l’aide des moyens dont elle dispose (colonne à pied et colonne de camions) par Pas-de-Jeu, Airvault, Parthenay, Aigre ;

5 – Constituer un détachement devant rester à l’entrepôt jusqu’à la dernière limite pour en assurer la garde de l’exploitation ;
Toutes ces directives verbales ont été confirmées par ordre écrit et les consignes ci-dessous rédigées vers six heures :

Ordre de repli pour l’ERG

1- Personnel à replier : la 5ème compagnie par voie de terre, la 7ème compagnie, 8ème compagnie, 2ème compagnie, Annamites par voies ferrées. Des ordres de détail sur l’itinéraire et les points de destination seront donnés ultérieurement.

2- Personnel restant sur place : 150 hommes de la 2ème compagnie ; 2 officiers, les lieutenants CHANCRIN et RAIMBAULT ; 1 adjudant, l’adjudant BONDU, 5 sous-officiers, 5 brigadiers et 2 spécialistes artificiers. Ce détachement est chargé de la garde de l’établissement et du ravitaillement des unités qui demanderaient à se ravitailler. Il se repliera dès que le personnel des armées aura pris possession de l’entrepôt. Des véhicules autos seront laissés à sa disposition. Point de première destination : Angoulême. Signé BOCHOT

Ordre de mission

Le lieutenant RAIMBAULT fait partie du détachement qui doit exploiter l’ERG jusqu’à l’arrivée de l’ennemi ou à la prise de possession par les Forces françaises. Il se repliera, soit sur ordre du commandant de ces forces avec lequel il doit rester en liaison, soit lorsqu’il estimera que la position n’est plus tenable ou que sa présence comme ravitailleur n’est plus nécessaire. Il fera saborder les munitions qui ont été désignées (fusées). Point de première destination : Montignac en Charente. Le 18 juin 1940, le commandant de l’ERG, Signé : BOCHOT.

L’exécution des ordres, le 19 juin – Repli des familles
De grosses difficultés vont surgir du fait que la plupart des familles ont passé la nuit du 18 au 19 juin dans les villages environnants et que d’autres sont indécises. Le chargement et la formation du convoi sont lents. Il ne peut être mis en route que vers 5 heures par Thouars, Parthenay, Saint-Maixent en direction d’Aigre. L’encombrement des routes est considérable. Les dernières voitures du convoi sont détournées sur Bressuire par les gendarmes et ne peuvent se joindre aux premiers éléments. Le regroupement s’opère néanmoins vers Saint-Maixent et la colonne est au complet le soir à Aigre-Montignac.

L’embarquement des compagnies
De grosses difficultés surgissent du fait que des officiers et sous-officiers logent encore en ville par suite d’un manque de place disponible à l’ERG. En outre, les préparatifs de départ n’ont pas été poussés dans les unités pour ne pas créer d’affolement prématuré. Beaucoup de matériel précieux (vivres, cochons, légumes) ne pourront être chargés. Néanmoins à 5 heures le personnel est embarqué dans les wagons y compris les Annamites.
Les trains de munitions ont tous été livrés à la gare de Thouars et cette dernière est prête à expédier le train de personnel dès 6 heures.
A partir de six heures, le contact par téléphone est maintenu avec la gare afin de connaître l’heure jusqu’où il sera possible de conserver le train à l’ERG en cas d’évolution favorable de la situation.
Il est également maintenu avec la subdivision et le général commandant l’artillerie pour avoir des renseignements sur la situation, les tenir au courant des dispositions prises et obtenir si possible l’ordre de repli. Une discussion s’engage à ce sujet ; d’une part la subdivision prétendant que l’ERG est un établissement de l’Artillerie qui ne dépend donc pas du territoire et d’autre part le général commandant l’Artillerie disant qu’au contraire l’ordre de repli ne peut venir que du commandement territorial qui seul est au courant de la situation. Vers 9 heures, l’officier de liaison en direction de Saumur rend compte qu’un officier d’état-major de la 4ème Région, rencontré à Montreuil-Bellay, lui a dit qu’il y aurait lieu de se replier immédiatement.
Vers 10 heures la gare prévient que dans quelques instants elle ne répond plus de pouvoir assurer le départ du train de personnel. Cet avis est transmis téléphoniquement aux deux autorités ci-dessus qui toutes deux donnent l’ordre de procéder au repli. A 10 heures, le train emportant 1500 hommes quitte l’ERG. Il ne stationne que quelques minutes en gare de Thouars et prend la direction d’Angoulême ; la première destination qui lui est assignée.

La mission ravitaillement
En ce 19 juin, à 10 heures, se présente aussi à l’ERG, le capitaine adjoint au colonel commandant Saumur qui demande si la constitution des batteries est encore possible sur les bases fixées la veille. Il lui est répondu que cette solution n’est plus possible, les pièces de 75 ont traversé Thouars à l’aube en se dirigeant vers le sud et le personnel est embarqué par voie ferrée. Le détachement restant à Thouars est ensuite rassemblé et organisé. Il y a eu quelques défections. Des mesures sont prises pour le ravitaillement en vivres.
Le ravitaillement en munitions de diverses unités commence : à 11 heures 1200 coups de 75 au 106ème DIM, à 16 heures munitions d’infanterie à l’école de Saint-Maixent et à 20 heures munitions diverses à la 2ème DIM.
L’action personnelle du commandant, déjà difficile, se complique. Les familles sont sur les routes ainsi qu’une compagnie à pied, les autres unités dans le train (1500 hommes), un détachement maintient l’ERG en vie. Le bon déroulement de l’opération de repli repose sur le commandant qui doit aussi rester en liaison avec le commandement. Dans ces conditions il sera fréquemment sur la route.

Le commandant se rend à Aigre-Montignac
Vers 11 h 30, la situation étant calme, le commandant décide de se rendre à la direction de l’artillerie à Angoulême avec laquelle il n’y a plus de liaison téléphonique pour lui rendre compte des dispositions prises et faire préciser la question du sabordage de l’ERG.
Il déjeune à Saint-Maixent et double la colonne automobile à la sortie sud de la ville. Il se présente à la 3ème direction au colonel adjoint au directeur et le met au courant de la situation. Celui-ci approuve les mesures prises mais demande que l’on essaie de charger et expédier tous les amorçages sur l’arrière. Il prescrit, si cette opération n’est plus possible, de saborder les amorçages et les poudres avant l’arrivée de l’ennemi et indique Toulouse comme point de destination du train de personnel. Le commandant de l’ERG fait remarquer que le sabordage des poudres présente un réel danger pour le voisinage.
L’ordre de chargement et d’expédition des amorçages est immédiatement transmis par téléphone à l’ERG.
Après être passé à la gare d’Angoulême pour chercher à obtenir des renseignements sur le train de personnel et lui faire donner sa destination définitive, le commandant de l’ERG reprend la direction de Montignac où la colonne doit stationner. Il fait installer un PC provisoire à la gendarmerie de Montignac d’où il peut facilement obtenir la liaison téléphonique avec l’ERG, avec la subdividion de Niort, avec l’Artillerie de la 9ème région à Poitiers et la direction de l’artillerie à Angoulême.
Les liaisons ayant été établies, il donne à nouveau des ordres en ce qui concerne les amorçages ainsi que la préparation du sabordage. Il lui est répondu que les amorçages peuvent être chargés dans la nuit mais que la gare ne pourra pas en assurer l’expédition. Puis la situation étant inchangée, le commandant passe la nuit à Aigre, près de Montignac après avoir indiqué au commandement du groupe des compagnies de Montignac que de nouveaux ordres lui seront donnés en ce qui concerne les étapes futures.

Les quiproquos du 20 juin
Le commandant de l’ERG essaie d’obtenir des renseignements sur le train transportant le personnel. L’officier de détails envoyé le 19 au soir en gare d’Angoulême pour ravitailler au besoin le personnel n’a pu obtenir aucun renseignement sur sa position. Par téléphone, la gare de Niort précise que le train n’a pas franchi encore cette gare. Les communications téléphoniques sont lentes en raison des nombreuses alertes sur Angoulême et Poitiers. Toutefois les liaisons sont à peu près constantes avec la subdivision à Niort et l’ERG.
Les dispositions à prendre sont à nouveau confirmées au commandant du détachement resté à Thouars.
Vers 11 h 30, la subdivision signale que des éléments blindés ennemis sont entre Doué-la-Fontaine et Thouars à Bouillé-Loretz. Ce renseignement est transmis à la direction de l’artillerie. L’autorisation de saborder est accordée. L’ordre est transmis à 11 h 30 à l’ERG. Il n’est pas exécuté car le commandant du détachement a pu vérifier que le renseignement était faux ; il s’agissait d’éléments français.
Reçu du commandant du détachement de Thouars, communication d’un ordre écrit du général commandant l’artillerie ainsi libellé :
<<<<< 9ème région Poitiers, 20 juin 1940, 8 heures Artillerie L’ordre impératif est de ne pas se replier. Si c’est donc possible, rentrez à l’ERG de Thouars avec votre personnel. Les trains de munitions seuls continuent leur route. Le général commandant l’artillerie de la 9ème région. >>>>>
Cet ordre est la confirmation d’un télégramme du ministère de la guerre reçu le 18 juin à 16 heures par la région et transmis par l’intermédiaire du parc de Poitiers. Le commandant de l’ERG téléphone au général commandant l’artillerie pour lui rendre compte que cet ordre est inexécutable, que la situation ne permet pas le retour du personnel et que d’autre part la mission sera assurée intégralement par le personnel resté sur place, quoi qu’il arrive.

Le commandant de l’ERG fait un aller et retour
Au début de l’après-midi du 20 juin, inquiet de n’avoir aucun renseignement sur le train de personnel dont le ravitaillement était faible, le commandant se rend successivement à la gare d’Angoulême qui ne sait rien, puis vers 16 heures à celle de Niort où il apprend que le train a franchi cette gare à 14 heures.
Il passe ensuite à la subdivision où le colonel COURCELLE le fixe sur la situation en avant et lui confirme que le renseignement sur Doué-la-Fontaine, bien qu’officiel, était faux. Il repart ensuite à Thouars avec le capitaine FERRET, spécialiste des munitions afin de préciser les derniers ordres concernant la mission et de vérifier les dispositions prises quant à la destruction des amorçages.
En passant à Parthenay, il croise une partie du détachement laissé à Thouars. Cette fraction constitue un premier échelon de repli. Elle se dirige sur la forêt de Saissine où elle attendra le reste du détachement. Le lieutenant commandant le détachement de Thouars à jugé qu’il avait beaucoup trop de personnel pour assurer sa mission.
Arrivé à l’ERG, le commandant constate que tout fonctionne parfaitement. Le ravitaillement des unités qui se présentent est bien assuré : l’école de Saumur perçoit vers 10 heures des munitions d’infanterie et du 75, la 2ème DIM vers 14 heures touche des fusils mitrailleurs et des cartouches, le 4ème Dragons perçoit vers 15 heures 40 fusils modèle 1886, 6 fusils mitrailleurs, 10 caisses de cartouches et à 16 heures, l’école de Poitiers reçoit 200 coups de 75.
Il trouve l’ordre écrit de rejoindre Thouars avec tout le personnel.

Le dispositif de mise de feu aux magasins à amorçages est vérifié par le capitaine FERRET. Le capitaine MAILLARD de la 3ème division arrive à l’ERG vers 19 heures, il y séjourne pendant quelques instants puis repart pour Poitiers. Les dernières instructions sont données au commandant du détachement. Un convoi de 5 camions provenant de la colonne auto doit lui arriver dans la nuit pour lui permettre d’enlever facilement tout son personnel et quelques matériels précieux, en particulier deux moto-pompes.
Le commandant regagne Montignac ou il arrive au lever du jour, le 21 juin.

L’Allemand aux portes de l’ERG
Depuis Aigre-Montignac, le commandant rend compte, dans la matinée, des dispositions prises par l’artillerie et à la 3ème direction à Angoulême.
L’ordre est reçu de ne pas évacuer complètement ni saborder avant d’avoir assuré le ravitaillement du COAH de la Rochefoucault qui déclare avoir demandé des moyens de transport à Bordeaux. Renseignements aussitôt transmis à la 3ème direction.
L’ERG prévient que l’approche de l’ennemi ne permettra sans doute pas ce ravitaillement.

Pendant la nuit du 20 au 21, le ravitaillement des unités combattantes a continué sans incident. De 20 heures à 4 heures, les unités suivantes se sont présentées et sont ravitaillées : la 308ème compagnie, la 2ème DIM, l’école de Poitiers, 2ème groupe de Chinon.
Vers 4 heures, le commandant du détachement fait le point de la situation. Les Allemands sont contenus à Chacé par les élèves de Saint-Maixent mais ils tiennent Clalonne au sud de la Loire et se trouvent sur la route 138 entre Saumur et Montreuil-Bellay, à 5 km au nord de cette localité.
Aucune troupe Française ne se trouve dans les environs immédiats en dehors de celles qui refluent en désordre sur toutes les routes.
A 4 heures, le lieutenant Schmidt, parti la veille au soir de Montignac, arrive à l’ERG avec 5 camions. Il fait atteler immédiatement les deux moto-pompes qu’il a mission d’emmener. Aucune unité ne se présente plus pour être ravitaillée.
A 7 heures, un exercice d’embarquement est effectué avec le personnel. Toutes les voitures sont chargées, prêtes au départ, puis la colonne est camouflée pour échapper à la surveillance incessante de l’aviation ennemie.
A 9 h 30, le commandant du détachement fait amorcer les charges de destruction, opération qui demande 45 minutes, à 11 heures il apprend que Cholet à l’ouest et Loudun à l’est sont aux mains de l’ennemi. A 12 heures, il envoie une reconnaissance en direction de Montreuil-Bellay au nord.
Il n’a plus de réponse des bureaux de poste immédiatement en avant de lui. A 12 h 15, il apprend par la place de Thouars que les Allemands avancent rapidement sur la route de Loudun. A 12h 30, le détachement se met en route par Thouars. Le commandant du détachement, deux brigadiers-chefs artificiers et deux hommes mettent le feu aux amorçages. Cela demande environ une demi-heure. A ce moment des éléments de la 2eme DIM s’installent dans la région de l’entrepôt et font connaître au lieutenant que les Allemands sont à Puiraveau, soit à 2 km à l’est et aussi à l’entrée nord de Thouars.
Avec le reste de son détachement, l’officier traverse Thouars et rejoint ses premiers éléments au sud de cette ville après avoir pu constater les effets des démolitions opérées.
Toutes ces opérations ont été effectuées sous la surveillance et la menace presque continuelles de l’aviation ennemie.
A 14 h 30, le commandant du détachement téléphone au commandant de l’ERG… « mission accomplie, arrivons ce soir avec 150 hommes environ, y compris les gradés ».
Les éléments faisant la route à pied (conducteurs et chevaux) ne devaient rejoindre que plusieurs jours après.
A 23 heures, ce 21 juin, le commandant du détachement, lieutenant CHANCRIN, rendait compte de sa mission au commandant de l’ERG à Aigre.

Les 19 et 20 juin, sur la Loire, à Saumur, 2200 hommes se sont opposés à 12000 Allemands. Leur résistance pour l’honneur n’a pas été vaine. Entre autre, elle a rendu possible le repli de l’ERG de Thouars. Ces 2200 hommes étaient soldats, élèves, officiers-instructeurs ; 28 brigades des élèves aspirants de réserve de Cavalerie et du Train, le 2ème Bataillon de Marche d’EAR de l’école d’infanterie de Saint-Maixent, des éléments d’unités repliées du nord, les restes du 1er groupe Franc motorisé du capitaine Neuchèze, quelques tirailleurs Nord-Africains, des éléments du 6ème régiment du Génie d’Angers, chargé de faire sauter les ponts. Les EAR de Saumur et de Saint-Maixent terminaient leur instruction militaire, la plupart étaient sursitaires en septembre 1939. Au cours des mois qui précédaient, ils étaient encore sur les bancs des collèges, des lycées, des séminaires et des universités, mais déjà formés à une discipline morale, intellectuelle et physique. Ce sont ces 2200 hommes qui se battront pour empêcher le passage de la Loire, avec le seul armement léger d’instruction, ne disposant pas d’artillerie, a fortiori pas d’aviation et dont la mission se résume en quelques mots : faire payer le plus cher possible par l’ennemi le passage probable de la Loire. En face : 12000 hommes, des troupes allemandes au moral exceptionnel, aguerries et puissamment dotées en matériel, dont la 1ère division de Cavalerie de Prusse Orientale qui a déjà combattu en Pologne avant la campagne de France…

22 Juin 1940. Repos de courte durée… des voisins gênants !
Journée calme ; les cantonnements s’installent, le matériel est vérifié, les pleins sont faits. Peut-être pourra-t-on séjourner quelques jours dans cette zone qui offre des possibilités de ravitaillement et d’installation satisfaisantes.
Un détachement est toutefois envoyé à Toulouse (lieutenant TRARIEUX et quelques gradés et hommes) pour prendre contact avec le commandement régional, demander des cantonnements et assurer la liaison avec le personnel embarqué par voie ferrée.
Vers la fin de l’après-midi, l’EM de la IVème région cantonné au château d’Aigre fait ses préparatifs de départ. Renseignement pris, il part le lendemain au lever du jour.
Vers 23 heures, le motocycliste de liaison apporte au commandant de l’ERG un renseignement écrit envoyé par le lieutenant BERVAS du PC de Montignac : les Allemands sont à Saint-Maixent. Ils ont été vus à la tombée de la nuit par des sous-officiers du groupe, retournés voir leurs familles aux environs de Saint-Maixent.
Au reçu de cette nouvelle, le commandant de l’ERG se rend au PC de Montignac pour faire préciser les renseignements. Aucun doute n’est possible…

23 Juin , on repart !
Le commandant décide le départ de la colonne pour 5 heures. Le point de première destination sera la Rochebeaucourt, on contournera Angoulême par le nord.
Il rentre à Aigre vers 2 heures du matin. L’EM de la IVème région vient de partir. On charge les voitures et on repart. Au passage à Montignac, les colonnes se forment : une colonne automobile, une colonne à bicyclette, le reste du personnel à pied. La colonne automobile reviendra à la rencontre du personnel à pied.
La route s’effectue sans incident mais sous la pluie. Le détachement au complet est rendu à la Rochebeaucourt dans le milieu de l’après midi. Grosses difficultés de ravitaillement et impossibilité de s’installer. De plus vers 15 heures, un détachement de l’armée de Paris arrive pour cantonner à la Rochebeaucourt. Il faut donc quitter ce cantonnement déjà précaire.
Le commandant de l’ERG prend contact avec le PC de l’armée de Paris à Villebois-Lavalette pour obtenir un cantonnement dans la zone de cette armée. On lui indique Verteillac à 15 km au sud de la Rochebeaucourt où il se rend immédiatement. Mais Verteillac est, paraît-il réservé pour un régiment de char (ce qui est faux).
Il faut remonter vers le nord à Cherval pour trouver enfin un vague cantonnement après de grosses difficultés ; quelques pauvres fermes au bord de la route. Toute la nuit, les colonnes automobiles défilent sans arrêt et à toute allure… L’ennemi doit approcher.

5. DIRECTION : LE SUD…

24 Juin 1940, en route !… Où courir ?… Où ne pas courir ?…
La situation est difficile, l’encombrement doit être formidable sur les ponts de la Dordogne. Des bruits circulent que l’on arrête les voitures civiles et que la population est tellement dense au sud de la Garonne que le ravitaillement devient impossible.
La colonne qui comprend beaucoup de voitures légères suivra difficilement dans cette formidable cohue. Elle risque de se dissocier rapidement, des accidents sont à prévoir en raison de l’allure et de l’indiscipline des convois militaires. Tout fait supposer qu’il sera difficile d’atteindre Toulouse.
Moment d’hésitation pénible. Faut-il abandonner les familles alors qu’elles ont trouvé peut-être une dernière fois un gîte acceptable dans une zone où il est encore possible de vivre ? Faut-il au contraire tenter une nouvelle étape vers le sud en risquant de voir les voitures civiles arrêtées aux ponts de la Dordogne ?
De toute façon, la colonne est trop lourde avec les éléments à pied. Les éléments automobiles pourront toujours arriver à vivre en plein bled. La question du cantonnement n’est pas inquiétante, on couchera dans les camions. Par ailleurs, les vivres en réserve seront suffisants pour vivre plusieurs jours si le personnel est réduit.
Le lieutenant d’approvisionnement est envoyé à Riberac pour tenter d’embarquer à la gare tout le personnel qui ne trouve pas place dans les camions. Il réussit à obtenir des wagons, l’embarquement aura lieu dans la matinée du 24.

A 8 heures, les commandants d’unité sont réunis. Toutes mesures sont prises pour diriger immédiatement le personnel à embarquer sur Riberac. Dès le retour des camions, la colonne auto se prépare à partir pour la région de Fumel en direction de Toulouse. Ordre est donné de tenir le groupe prêt à partir pour 13 heures. Ce délai permettra au commandant de l’ERG de faire une reconnaissance jusque sur les ponts de la Dordogne. Il part avec le lieutenant BOULIN par Riberac, Mussidan, Bergerac.
Grosses difficultés au cours de cette reconnaissance. Circulation très intense, sans aucune discipline de marche. L’impression est très nette que les petits véhicules courent de gros risques d’accident. Le pont de Bergerac est barré. Il faut obliquer vers l’est. L’embouteillage est considérable auprès du premier pont en amont, le pont de Mouleydier ; les colonnes se présentent venant de l’est et de l’ouest. Impossible d’emprunter cet itinéraire avec la colonne du groupe. Le commandant de l’ERG conclut qu’il faut chercher à se rapprocher le plus possible de la Dordogne par un itinéraire moins encombré, puis, en surveillant attentivement les ponts, essayer de profiter d’un moment où l’encombrement sera moins grand pour franchir la rivière.
Ce moment doit normalement se produire quand les gros convois automobiles (parcs divers, artillerie tractée etc…) seront écoulés. Ayant appris que les ponts en aval de Bergerac ont sauté, que celui de Bergerac est interdit pour permettre de le détruire prochainement, que la poussée de l’ennemi se précise en direction de Bordeaux à l’ouest et de Clermont-Ferrand à l’est, le commandant a le sentiment qu’il vaut mieux obliquer vers le sud-est en direction de Cahors, en évitant Périgueux, qui doit être également fort encombré et en évitant à tout prix les routes surchargées.
Abandonnant l’itinéraire reconnu, et, grâce à un militaire du pays, il reconnaît en retour un itinéraire permettant de gagner la région sud-ouest de Périgueux par des routes complètement libres : Bergerac, Vergt, Périgueux, La Tour Blanche. La traversée de Périgueux montre qu’il faudrait éviter autant que possible cette ville entièrement encombrée de camions.
Il décide alors de faire un premier bond pour emmener la colonne du groupe à l’ouest de Périgueux par La Tour Blanche puis d’atteindre ce point pour juger si la traversée de Périgueux devient possible. Sinon un crochet sera fait par Saint-Astier pour gagner ensuite la zone de Vergt. De Vergt, le choix pourra s’exercer sur trois solutions suivant les enseignements du moment : obliquer vers le sud-est en direction de Sarlat-Cahors, pousser vers le sud par les ponts de Lalinde ou Le Bugue et aller franchir la Dordogne au premier pont reconnu (pont de Mouleydier) pour reprendre l’itinéraire vers Fumel.

Le commandant de l’ERG est de retour au cantonnement vers 14 heures. Malheureusement les ordres ont été mal compris ou mal exécutés. Le groupe est parti à 13 heures sur l’itinéraire arrêté le matin avant reconnaissance. Il ne reste que quelques voitures transportant plusieurs familles et quelques camions à bagages.
Ordre est donné d’arrêter tout mouvement. Un agent de liaison est envoyé à la poursuite de la colonne pour donner l’ordre de faire demi-tour. Une voiture de liaison part sur un itinéraire détourné vers le pont de Mouleydier afin d’arrêter les éléments qui n’auraient pas encore franchi la rivière et de les ramener dans la région de Vergt. Ce contre-temps est malheureux, il a fait naître beaucoup d’inquiétude parmi le personnel qui attendait le retour du commandant.
Les colonnes motorisées continuent de défiler sans arrêt, elles annoncent même l’approche de l’ennemi.
Mais le calme renaît quand chacun apprend que la route à suivre sera facile. Il est bien regrettable que le groupe entier ne soit plus là. Vers 15 heures, le reste du groupe se met en route par la Tour Blanche où l’on se ravitaille en vivres puisque le service ravitaillement a suivi le gros de la colonne. Le détachement se dirige vers Périgueux par une route superbe. C’est un véritable soulagement et une vraie détente pour tous de retrouver un peu de calme et de tranquillité.
Plusieurs haltes sont faites pendant lesquelles le commandant de l’ERG pousse rapidement des reconnaissances sur Périgueux afin de se rendre compte si le passage devient possible. La densité des convois semble diminuer. Puis il apprend que l’armistice va être probablement signé le soir. Il apporte cette nouvelle à la colonne. Une halte est décidée pour manger dans un coin merveilleusement calme. Mais aucune nouvelle ne parvient du reste du groupe. Quelques éléments rejoignent cependant, ceux qui ont pu être rejoints par l’agent de liaison et qui ont fait demi-tour.

Enfin arrive le bruit de la signature de l’armistice. Dans six heures les hostilités seront suspendues.
Il paraît prudent de pousser plus au sud pour éviter d’être fait prisonnier. Et enfin de ne pas traverser Périgueux, toujours encombré, un détour est fait par Saint-Astier. Etape de nuit commencée sans phares. La colonne s’en tire bien mais la nuit s’assombrit ; il faut allumer. La traversée de Saint-Astier et du pont sur l’Isle sont encore barricadés. On apprend que la défense de Saint-Astier avait été organisée…
La colonne pousse plus au sud, jusqu’à Monzac où il est décidé de passer la nuit, dans les voitures, sur la place du village. Nuit un peu agitée, des convois passent, il pleut sans arrêt.

25 Juin 1940, le bout du voyage ?
Au lever du jour, la colonne se remet en route pour Vergt. Toujours la pluie, Vergt est vide de troupes. On s’installe. Le ravitaillement paraît assez facile. Aucune raison de pousser plus loin, le cantonnement est établi.
Mais dans la journée, arrivent les premiers éléments d’une division qui revient du sud. Troupes du front « en pays conquis ». Il faut déménager pour aller loger ailleurs. Reconnaissance à Breil qui n’est pas dans la zone de la DI puis au Fraysse où une école d’agriculture et des fermes environnantes offrent des possibilités. Mais le soir, des éléments d’une autre DI viennent occuper Breil.
Après un voyage à Alvère pour toucher le PC de cette autre DI, d’ailleurs introuvable, et à Périgueux pour voir le propriétaire du château de Breil et lui demander refuge pour les familles, il est possible de rester à Breil et au Fraysse ; l’installation est satisfaisante. Popote au Fraysse ; les dortoirs des élèves sont utilisés par les officiers et les sous-officiers. Une partie des familles s’installe à l’école du Fraysse.

Vers une vie nouvelle ?
Il va être possible enfin de retrouver un peu de calme. La fraction partie à Fumel rejoint au bout de quelques jours. Les éléments épars du groupe se retrouvent peu à peu. Des renseignements sur le train de Thouars parviennent enfin. Le détachement de 1500 hommes est installé au camp de Rivesalte. Il sera libéré sur place.
Une visite à Montauban à la direction de l’artillerie permet de faire préciser et régulariser la situation de l’ERG. Ses éléments sont rattachés au parc de Limoges, ils doivent rester sur place jusqu’à nouvel ordre et ils ont enfin le droit de cité.
Puis une vie monotone commence et va durer jusqu’au 14 juillet. Le commandant de l’ERG prend contact à deux reprises avec l’état-major de l’artillerie à Limoges. Il est question de la création d’un dépôt de munitions à Saint-Astier. Les cadres de l’ERG pourraient en prendre la direction.
En effet, le 13 juillet, l’EM de l’ERG est désigné pour créer ce dépôt. Cette fois c’est la dislocation définitive de ce qui fut l’ERG de Thouars.
Puis reconnaissance à Saint-Astier, premiers projets, premières installations. Il faut se remettre au travail. Les conditions sont difficiles. Saint-Astier est surchargé de troupes et de populations évacuées. Grandes difficultés pour se faire une place.
Les éléments de l’ERG sont progressivement envoyés du Fraysse et à mesure qu’il est possible de les installer. Ils rejoignent à contre-cœur. Le travail est pénible et le ravitaillement est insuffisant. Peu à peu, le nouveau dépôt prend vie et s’installe vaille que vaille.
Puis s’écouleront des jours monotones, sans histoire, marqués le plus souvent par des changements perpétuels dans le personnel et les chefs, par les pénibles séparations des vieux compagnons d’armes que l’inexorable limite d’âge allait contraindre successivement au départ… et surtout par l’amertume profonde d’assister chaque jour aux livraisons à l’ennemi de notre beau matériel.
Tels furent les derniers jours de l’ERG de Thouars. Mais malgré les épreuves, il n’a pas voulu mourir. Son âme inlassable s’est perpétuée longtemps au fond des carrières de Saint-Astier avant de renaître par un beau jour de 1945.

EPILOGUE

Voilà, c’est fini…Ce n’était pas la chevauchée fantastique, mais une simple aventure de guerre au début d’une période bien difficile de l’histoire de notre pays.
Il faut cependant ajouter que le chef d’escadron BOCHOT réunit le 13 juillet 1940 le personnel de l’ERG et prononça une allocution dans laquelle, sans oublier personne, il remercia de leur fidélité et de leur comportement tous les personnels, troupes, sous-officier, officiers, personnels civils, familles qui avaient participé à l’aventure. Il exprimait aussi sa confiance absolue dans un meilleur avenir pour la France.
Les militaires lui étaient redevables de ne pas connaître les stalags et oflags du troisième reich. Les familles, grâce à lui, se retrouvaient en zone encore libre.
Le commandant de l’ERG avait rédigé des propositions de citations avec attribution de la croix de guerre pour les convoyeurs du train dont nous avons précédemment relaté l’histoire, mais aussi pour les officiers, sous-officiers et gradés qui, juste avant l’arrivée des Allemands, détruisirent les amorçages, ainsi que pour les officiers envoyés le 18 juin en reconnaissance vers le front.
Aucune de ces propositions ne fut retenue sauf celle des convoyeurs.

 

CHRONO DE L’OCCUPATION ALLEMANDE DU DMU DE THOUARS…

Juillet 1940
1ère occupation de Thouars par la 3ème division anti-char P14 (3ème Panzer Abwerhr-Abteilug 14) venant de la région du Mont-Saint-Michel, et promue à Thouars : régiment P563 (Panzer-Jager Abteilung 563). Une compagnie (commandée par le Commandeur Major KLAR, l’Hauptmann KLUP 1/P, le Leutnant BUNNEMAN II/I/P) investit le camp de l’ERG. L’opération dure quelques semaines puis s’étend à toute la ville de Thouars.

Vendredi 28 Février 1941
Au camp de munitions, sabotage par enlèvement d’une courroie de transmission. Pas de dégâts importants.

Lundi 3 Mars 1941
Les munitions du camp de Puyravault changent de direction.

Nuit du 30 au 31 Août 1941
Entrepôt des munitions de Puyravault. Vol par deux hommes, sur lesquels les sentinelles allemandes tirent sans résultat. 15 employés sont arrêtés, questionnés puis relâchés.

Samedi 15 Août 1942
M. Gustave ROMPILLON, contremaître principal au camp de Puyravault est envoyé à la police par le chef de camp, le Leutnant Allemand GAR, pour demander que l’on veuille bien faire effectuer des recherches en vue de trouver la trace du nommé CANIOT Alphonse, lequel n’a pas repris son travail depuis le 9 août. Il est porteur d’un laisser passer n° 107 donnant libre entrée aux munitions tout le mois d’août. Aucun soupçon sur les motifs de sa disparition. L’intéressé n’a pas touché sa paie.

Vendredi 30 Avril 1943
Les ouvriers dénommés : GUILLON, CHALAIS, MARTINEZ, LAZANO, Roland DESPLANCHES, Paul LOEL travaillant au camp des munitions ne partiront pas au STO en Allemagne et ne passeront pas par conséquent la visite de 14 heures du 1er mai 1943.

Jeudi 21 Mai 1943
Au camp de Puyravault, sabotage par blocage d’une aiguille avec deux pierres. Une locomotive déraille et deux wagons. La Feldgendarmerie arrête André GOUAIS, 17 ans, de Belleville (Ste Verge) qui reste détenu 6 mois à la prison de Niort.

Mardi 29 Août 1944
La poudrière et les munitions du camp de Puyravault explosent.

LE DEPOT MUNITIONS DE DIRAC…

L’histoire du dépôt de munitions de DIRAC n’est pas longue. Il s’agit d’un dépôt neuf.
En 1964, le commandement décide l’implantation d’un dépôt de munitions sur un terrain militaire dans la forêt de DIRAC. Ce dépôt est destiné à remplacer celui de Sainte-Hélène, vétuste, dépendant de l’établissement régional du matériel de Bordeaux.
Sa réalisation est effective en 1967 et, tout naturellement, remplaçant Sainte-Hélène, il est rattaché à l’ERM de BORDEAUX.

En 1971, le service des munitions de cet établissement s’installe à SEDZERE. Le dépôt de DIRAC, trop éloigné, est rattaché à l’ERGM de POITIERS.
Une restructuration des services de munitions a lieu en 1974. Cette réorganisation a pour première conséquence la suppression du service des munitions de l’ERGM de Poitiers. DIRAC devient alors dépôt annexe de l’ERGMU de Thouars.
Bien qu’éloigné de sa portion centrale, il a l’avantage d’être dans la même division militaire territoriale. Il relève alors du général commandant la 42ème DMT et du colonel, délégué militaire départemental de la Charente et commandant d’armes d’Angoulême.
Situé au sud-est du département de la Charente il est à 170 km de Thouars (portion centrale), 140 km de Bordeaux (EM/4ème RM), 110 km de Poitiers (42ème DMT), et 12 km d’Angoulême (DMD Charente).
Le dépôt est en bordure de la RD 939 allant de La Rochelle à Périgueux. Il n’est pas desservi par voie ferrée. La superficie de l’emprise est de 28 ha avec 3 km de clôtures et de routes.

L’historique du Dépôt munitions d’AUBIGNE-RACAN

ou un siècle d’histoire en Sarthe-Sud

par Régis Hoyet, d’après un texte original de Eric Blanchet(*)

(*)Eric Blanchet a servi à l’ERGMu d’Aubigné de 1993 à 2002. En 1999, à la demande du dernier directeur, le LCL PLEYNET, il a réalisé un mémoire sur l’histoire du site. Après avoir “posé le képi”, il a été nommé en 2004 adjoint du patrimoine à la médiathèque Louis Aragon, au Mans, tout en servant encore au sein du Matériel comme sous-officier de réserve…

 

Création de l’établissement

A quelques exceptions près, les établissements de réserve générale de munitions (ERGMu) ont été créés en 1917 dans l’expectative d’un stockage de munitions et de la constitution de stocks de réserve générale. Cela en raison d’un accroissement des productions d’armement, mais aussi de l’entrée en guerre des USA au coté des alliés, et de la nécessité de pouvoir donner aux ravitaillements de ce nouvel allié les points de première destination aux munitions débarquées dans les ports français. Une étude du fonctionnement des chemins de fer pendant la guerre de 1914-1918 montre en particulier que l’ERGMu d’Aubigné se trouvait à cette époque être le point de première destination des munitions débarquées à Brest. Ce dépôt constituait donc une halte entre les différents ports de l’Atlantique et le front.

C’est en 1917 que fut décidée la création à Aubigné d’un entrepôt de réserve générale de munitions pour assurer un important stockage de munitions d’artillerie de tous calibres. Cette installation prend forme par la cession du 9 février 1919 concernant 70 hectares de terrain qui ont été vendus pour y établir un dépôt de réserve de munitions. D’ailleurs, le maire de l’époque adresse une demande au préfet de la Sarthe pour qu’il intervienne auprès des autorités compétentes, les propriétaires des parcelles de terrains cédées, peu fortunés, n’ont toujours pas été payés mais continuent d’acquitter des impôts fonciers au titre des parcelles et de ce fait sont fort embarrassés par cette situation. Officiellement, c’est donc par le décret du 14 octobre 1919 qui déclare d’utilité publique et d’urgence l’acquisition des terrains nécessaires au maintien de l’entrepôt de réserve générale d’Aubigné, que le président de la république Raymond POINCARÉ officialise la naissance du dépôt. Il y aura parution de ce décret dans les mairies de VAAS et AUBIGNE.

Il s’est donc passé deux ans entre l’idée de créer un dépôt et celle de son installation définitive, ce qui est extrêmement court pour un tel projet. Les terrains feront l’objet de cessions onéreuses ou d’expropriations en se référant à la loi du 3 mai 1841. A Paris, le 25 octobre 1919, le sous-secrétaire d’état de l’administration générale écrit au préfet de la Sarthe. Il joint à ce courrier une ampliation du décret du 14 octobre 1919. Ce courrier demande au préfet de joindre le directeur de l’entrepôt de réserve générale d’Aubigné pour faire procéder à l’acquisition des parcelles nécessaires à l’établissement de l’ERGMu. Le 15 octobre 1919, le capitaine IDOUX, premier directeur, mentionne que 70 propriétaires sur 160, soit un peu plus de 40% des propriétaires ont consenti, dès le lendemain de l’affichage du décret d’installation, à effectuer une cession amiable avec l’État. Les autres propriétaires ont jusqu’au 31 décembre 1919 pour effectuer une cession amiable sinon ils encourent l’expropriation. Par courrier du 13 août 1920, le lieutenant-colonel ROYER directeur de l’entrepôt, fait connaître au préfet du département que 41 propriétaires n’ont pas encore accepté les offres de l’administration et lui fait part que ces cas sans importance devraient se régler sous 3 à 4 jours. A la suite de ce document, le directeur de l’ERGMu envoie le 6 novembre 1920 une missive au préfet en lui rappelant que, par mesure d’économie et surtout en conformité des prescriptions récentes du Ministre de la Guerre, que les convocations des jurés seront faites administrativement par ses propres soins par l’intermédiaire de la gendarmerie au lieu « de charger les officiers ministériels de ces formalités ». Le 22 novembre 1926, toutes les acquisitions des terrains requis pour la création de l’entrepôt sont entièrement liquidées. Six années auront été nécessaires pour statuer définitivement sur les litiges entre les propriétaires et le Ministère de la Guerre.

En fait, la prise de possession des terrains de l’entrepôt a été effective depuis le 13 juin 1918. L’infrastructure comportait 12 logements pour les cadres militaires, 462 magasins à munitions, 52 magasins à poudres, garages et ateliers, et un réseau de voie ferrée raccordé à la ligne Tours-Le Mans.

Les premières activités du dépôt :

Les travaux commencés fin 1917 (déboisement, terrassement, construction de bâtiments et de magasins) se terminèrent en 1931. Ils débutèrent par un aménagement sommaire du cantonnement et les bâtiments furent d’abord de modestes baraque ADRIAN. Le réseau voie ferrée, assez important était de 51 km.
Les effectifs de la garnison furent particulièrement importants en 1919 (12 compagnies d’infanteries en instance de démobilisation). Il y avait sur le camp des chinois et ce bien avant les indochinois. Ces chinois demeuraient entre VAAS et le camp d’AUBIGNE, il vendaient des oiseaux et vivaient de ce commerce. Des travailleurs indochinois vinrent ensuite et furent affectés aux travaux de terrassement et principalement à l’édification des merlons dans les secteurs de VAAS et d’AUBIGNE. Ces travailleurs venaient d’unités dissoutes et attendaient d’être rapatriés chez eux. En attendant, cette main d’œuvre était fort utile au bon fonctionnement de l’établissement, surtout pour les travaux de terrassement.
Les constructions de hangars et de bâtiments en dur, confiées à des entreprises civiles, commencèrent en 1920- 1921, pour être achevées en 1931.
Les deux parcs principaux de stockage (VAAS et AUBIGNE) sont organisés de façon presque identique (13 rangées à Aubigné et 14 à Vaas).

Les premiers ouvriers civils ne furent embauchés qu’à partir de 1919. Le camp ne commence à travailler qu’à partir de 1921, année où il y avait 13 ouvriers puis 40 en 1924. La plupart de ces ouvriers est employée dans des travaux d’atelier.

En 1920, la 2ème compagnie du 4ème bataillon d’ouvriers de l’artillerie (4ème BOA) vient tenir garnison à Aubigné et assure jusqu’en 1940 tous les travaux de manutention et d’entretien des munitions dans les secteurs. Les premiers convois de munitions provenant des dépôts des armées arrivèrent à partir de 1920. L’ERGMu ne disposant alors d’aucun moyen de traction, une locomotive poussait les rames de wagons jusqu’à l’entrée des secteurs, et de là des chevaux tiraient les wagons jusqu’aux aires de stockages. Ce n’est que vers 1926 que l’établissement a perçu ses premiers locotracteurs au dépôt de St Eulien (Marne) où furent envoyés en stage les futurs conducteurs (en 1933 il y avait encore des chevaux).

Les premiers stockages sont organisés en plein air, sur des emplacements déjà préparés, des tôles assurant la protection contre les intempéries. En 1932 le programme général de construction est achevé :
– 435 hangars légers à munitions moyennes, de 42 tonnes d’explosif net ;
– 28 magasins étanches à munitions, pour fusées et artifices divers ;
– 52 magasins à poudre (construits de 1924 à 1929).
Le camp d’Aubigné est prêt à remplir sa mission.
La capacité de l’ERGMu de 1917 à 1944 est de 90 000 tonnes.
Les bureaux sont construits dès 1924 et le château d’eau en 1929-1930.
L’hébergement des troupes est constitué de 24 bâtiments dont 16 de 240 m2 .
Le réseau ferroviaire comprend 2 embranchements particuliers raccordés à la ligne Le-Mans – Tours, 35 km de voies normales et 16 km de voies de 60.

Le 6 mai 1933 est signé le décret de classement de l’ERGMu, décret qui paraîtra au journal officiel du 20 décembre 1936. C’est en 1934 que Racan est ajouté à Aubigné, en mémoire d’Honnorat de BUEIL (1585 – 1670), marquis de Racan, né au manoir de Champmarin, situé au nord-est d’Aubigné.
Les repères topographiques sont pris en 1934, ce qui permet aux services géographiques des armées de relever des points trigonométriques sur les deux communes.
En 1936, le dépôt de VAAS dispose de 225 hangars légers et de 2 magasins à munitions de la 10ème classe, alors que celui d’AUBIGNE dispose de 210 hangars légers à munitions de 1ère classe, 1 magasin à munitions de 6ème classe et 2 magasins à munitions de 10ème classe.
En 1937, il est procédé à l’acquisition d’urgence de parcelles de terrains nécessaires à la construction de 2 magasins étanches avec une zone de sécurité à l’ERGMu.
A partir de 1939, l’effectif du personnel civil subit des fluctuations importantes jusqu’en 1940 (85 en 1938, 66 en 1939 suite à la mobilisation, 70 en 1940).

Les rapports de l’ERGMu d’Aubigné avec la commune de Vaas.

Dès l’édification de l’ERGMu d’Aubigné et son extension sur la commune de Vaas, les rapports entre Aubigné via l’Etat et Vaas ne sont pas au beau fixe. En effet, il suffit pour s’en rendre compte, de lire cet extrait du registre des délibérations du conseil de Vaas en date du 22 août 1933 :
<< Camp d’Aubigné, redevance pour frais de casernement. Monsieur le Maire donne lecture au conseil d’une lettre de Monsieur l’Intendant militaire du Mans, l’informant qu’aux termes de la loi du 18 mai 1918 une redevance pour frais de casernement est imposée au profit de l’Etat à toutes les communes où se trouvent stationnées des troupes. Que par la dépêche n° 1114/2 Monsieur le Ministre de la Guerre prescrit que la taxe exigible au titre des frais de casernement devait être appliquée à la commune de Vaas sur laquelle sont situés les casernements de la troupe et la plupart des logements du personnel militaire de l’Entrepôt d’Aubigné, et ce à compter du 1er janvier 1933, au taux actuel de 30 francs par homme et de 8 francs par cheval, ce qui ferait d’après l’effectif approximatif 100 hommes à 30 francs = 3000 francs et 10 chevaux à 8 francs = 80 francs, soit au total une somme annuelle d’environ 3080 francs. Le conseil municipal après avoir délibéré ; Considérant que le personnel militaire de l’Entrepôt n’est pas recensé dans la commune de Vaas et que cette dernière ne retire aucun profit du fait du stationnement sur son territoire du détachement du 4ème B.O.A. ; Considérant d’autre part que la commune ne possède même pas les ressources suffisantes pour envisager les dépenses qui lui seraient nécessaires ; Proteste énergiquement contre l’application à Vaas de la taxe de casernement dont il s’agit. >>
En fait, depuis l’installation définitive de l’ERGMu d’Aubigné, le 14 octobre 1919, l’on s’aperçoit que le dépôt siège au ¾ sur la commune de Vaas. Cette dernière peut donc s’insurger légitimement du fait que le dépôt porte le nom de la commune voisine et que la municipalité ne profite en rien de l’installation du dépôt.

Ce « duel » administratif ne cessera pendant 3 ans.
Un second document confirme ce « duel » entre la commune de Vaas et l’Etat, il est daté du 29 décembre 1933 ;
<< Monsieur le Maire soumet au conseil municipal la lettre de Monsieur le Sous-Préfet de La Flèche concernant les frais de casernement qui sont réclamés à la commune par l’autorité militaire pour les troupes cantonnées au camp d’Aubigné sur le territoire de la commune de Vaas. Le conseil après avoir délibéré ; Considérant que la présence d’un entrepôt dans la commune de Vaas, sans développer en quoi que ce soit sa prospérité, a apporté dans la vie normale de ces milieux agricoles une gêne réelle en provoquant d’abord un certain renchérissement des denrées sans aucune compensation appréciable pour l’ensemble des habitants, et surtout en rendant plus difficile et plus onéreux le recrutement d’ouvriers qualifiés pour les artisans ruraux et même celui des ouvriers agricoles pour les fermiers ; Que le commerce dans une petite agglomération de 673 habitants comme Vaas étant pratiquement inexistant, on peut parler sérieusement des avantages qu’il aurait pu retirer de la présence de l’Entrepôt dans lequel il existe au surplus des coopératives qui lui enlèvent le seul bénéfice appréciable pouvant lui revenir ; d’autre part la viande est acheté au Mans et l’épicerie à Château du Loir ; la présence de l’Entrepôt telle qu’elle résulte s’est traduite par un accroissement de charges des services d’assistance scolaire et de voierie dans le budget communal sans que la valeur des centimes servant de base aux impositions locales ait sensiblement augmenté depuis l’installation du camp et sans que les ressources de la commune se soient trouvées accrues. A l’unanimité il demande à Monsieur le Ministre de l’Intérieur le dégrèvement des sommes réclamées par l’autorité militaire >>
L’année 1933 est une mauvaise année pour le budget militaire, en effet celui-ci est amputé de 2 milliards, alors que l’année précédente il avait été augmenté par un effort sans précédent, avec 14 milliards consacrés à la défense nationale.

Dans une dernière supplique adressée au préfet en date du 23 février 1936, la commune de Vaas soulève une grave question :

CAMP DIT D’AUBIGNE ;

Monsieur le Maire avise le conseil que lors du dernier recensement de la population soit en 1931, les militaires (Officiers, Sous-officiers et leurs familles, ainsi que les soldats) du camp d’Aubigné ont été recensés comme faisant partie de la commune d’Aubigné-Racan alors que la majeure partie du camp et notamment la partie habitée se trouve sur Vaas à l’exception d’une ou deux maisons. Il fait ressortir que c’est la commune de Vaas qui reçoit les enfants dans ses écoles ce qui occasionne à la commune de Vaas des dépenses (construction de classes). Le conseil après examen approuve Monsieur le Maire et demande à Monsieur le Préfet de vouloir bien trancher cette grave question. Le dit camp d’Aubigné ne s’appelant camp d’Aubigné que parce qu’il est desservis par la gare d’Aubigné alors qu’il se trouve pour la plus grande partie sur Vaas. Fait et délibéré les jours et mois et an ci-dessus et ont signés au registre les membres présents. >>
Les rapports n’ont donc pas été sans heurts, cependant, au fil des années ils se sont adoucis et le bon voisinage a prédominé.

L’ERGMu DANS LA DEBACLE

La drôle de guerre et l’ERGMu

A la mobilisation de 1939, la garnison accroît considérablement ses effectifs militaires qui atteignent 1800 hommes. Le tonnage stocké s’élève alors à 62 000 tonnes de munitions, principalement de l’artillerie, et 2500 tonnes de gargousses.
Un desserrement de stockage est effectué dans la forêt de Bercé (18 km de l’ERGMu) où est créé un dépôt de campagne. Dans le même temps, le ravitaillement des armées s’effectue à cadence accélérée à raison de 3 à 4 trains par jour. En 1940, année de la déroute, malgré le courage et l’abnégation dont font preuve les combattants, le camp d’Aubigné doit plier bagages. La drôle de guerre, au camp, voit donc partir sur les routes les Indochinois, le personnel civil, des maîtres de chiens qui doivent, la rage au ventre, abattre leur compagnon qui termine leur route les pattes en sang. Un convoi s’est constitué sur la route où se mêlent des voitures avec des matelas sur le toit et des charrettes. Ce cortège amorce un même mouvement, celui de l’exode. Mais tout le monde ne prit pas la même direction. En effet des volontaires emprunts de courage n’hésiteront pas à œuvrer jusqu’à l’extrême limite pour équiper et charger un dernier train de munitions. Le reste du personnel est parti jusque dans la Creuse et le Lot et Garonne, à Loubes Benac.
Pendant ce temps, des personnels civils et deux sous-officiers artificiers ont piégé les embranchements de la voie ferrée. Cet acte montre à lui seul une ferme résolution de ne pas laisser l’occupant utiliser les moyens de communications pour y véhiculer les nombreux trains de munitions présents dans le dépôt.
Des marteaux sont fabriqués en grande quantité afin de couper sur les obus les frets afin d’empêcher les occupants d’utiliser les munitions. Le 15 juin 1940, à l’approche des troupes allemandes, la compagnie du 4ème B.O.A, met hors d’usage les moteurs des locotracteurs et vide la citerne à essence, distribuée gratuitement à la population des environs, puis reflue vers le sud. La proximité des communes de Vaas et Aubigné ne permet pas de faire de destructions dans les parcs de stockage, juste les embranchements des voies. Un coffre-fort est enterré au pied des couleurs afin qu’il ne tombe pas aux mains des allemands. Ce coffre sera déterré par un des directeurs après la libération.

Le 18 juin 1940, Le Mans est occupé, le lendemain c’est le tour de La Flèche. En fait, la Wehrmacht traverse le département sans avoir à livrer de véritables combats. Quelques jours après le 18 juin 1940, Vaas et Aubigné sont occupés mais les Allemands, craignant que les parcs n’aient été minés et piégés, attendent plusieurs jours avant de pénétrer dans l’E.R.G.

L’occupation Allemande

Les baraquements sont debout, il n’y a plus qu’à les occuper. L’infrastructure est disponible afin de recevoir les munitions et les troupes allemandes. Ce dépôt offre donc à l’occupant toutes les garanties d’un site qui pourra être utilisé en tant que tel.
L’armée allemande (le 155ème régiment d’infanterie) pénètre dans le dépôt d’Aubigné-Racan. A sa tête, un officier d’origine autrichienne qui, le temps de son commandement ne témoignera qu’un excès de zèle ou d’actions coercitives envers la population. Cet officier préviendra ou fera prévenir les communes alentours lorsqu’il sera décidé de faire sauter le dépôt.
De 1940 à 1944 les troupes d’occupations utilisent l’établissement dans lequel ils y entreposent des munitions de toutes origines. Ces munitions sont françaises, allemandes, russes, tchèques ou encore italiennes. En outre, le dépôt sert à la fabrication de l’explosif pour les V1 et les V2.
L’E.R.G.Mu est exploité normalement par l’occupant, avec la participation forcée d’environ 40 personnels civils, réquisitionnés pour effectuer des travaux de manutention et de servitudes diverses. Aucun de ces employés n’est resté à l’E.R.G.Mu à la libération. Le tonnage des munitions des troupes d’occupations est de 15 000 tonnes. Le dépôt de Luché-Pingré devait être utilisé comme atelier de montage pour les V1 et les V2, mais ce projet ne verra pas le jour.

LA DELIVRANCE VIENT DU CIEL

Bombardement et destruction du camp en 1944

Le 6 et 7 mai 1944, dans la journée, un premier bombardement a lieu sur la poudrière de Malpaire, commune de Précigné. Ce bombardement a duré environ 30 minutes et a détruit à plus de 70% cette poudrière, site de l’actuelle usine ALSETEX.
Sur Aubigné – Racan, ce sont plusieurs vagues de Lancaster du Bomber Command, volant entre 500 et 1000 mètres qui ont pour objectifs la voie ferrée Tours-Le Mans, tronçonnant cette dernière aux points kilométriques 397.7 – 294 – 294.2 – 294.8, ainsi que la route départementale 76. Les maisons de Vaas et d’Aubigné – Racan souffrent du bombardement suite aux effets de souffle des explosions, brisant toitures, vitres et cloisons. Malgré ces deux bombardements ayant provoqué une vive émotion, aucune évacuation n’a été nécessaire, aucun incendie ne s’étant déclaré.
Dans la nuit de ce même jour, le dépôt est bombardé pour empêcher les Allemands de faire parvenir des munitions sur la côte normande. L’escadrille qui bombarde cette nuit là est la 576ème escadrille composée de Lancaster ND 783 à laquelle appartient le groupe Lorraine (Squadron 342) des forces aériennes françaises libres, équipé de Boston III. Ce bombardement a été rendu possible grâce aux résistants qui ont balisé le camp, donnant ainsi les repères nécessaires aux bombardiers.
Le bombardement est précis, hormis deux bombes tombées dans la campagne dont une sur une ferme, toutes les autres s’écrasent sur les parcs de stockage. Une première fusée a éclaté puis une seconde, et le dépôt est illuminé comme en plein jour. Certains témoins déclarent même « que le ciel était rose pendant le bombardement ». Les voies ferrées volent en tous sens, des obus non amorcés sont propulsés à l’intérieur des deux communes. Le bombardement a duré entre 20 et 25 minutes et a déversé des bombes explosives de 200 à 1000 kilos. Radio-Londres annonçait quelques heures plus tard que 900 tonnes de bombes avaient été déversées sur le site, tuant une quinzaine de soldats allemands.

Le 7 juin 1944, un train de munitions composé de 40 wagons est mitraillé en gare d’Aubigné -Racan et explose. Ces évènements obligent la population, d’abord curieuse, à vivre dans les caves pendant deux mois, dans la hantise de nouveaux raids aériens.
Le 7 août 1944, les Allemands procèdent à la destruction du camp. L’explosion selon un témoin a provoqué un immense champignon suivi de plusieurs explosions. L’artificier allemand chargé de la mise à feu meurt sur la route de Valette. Toutefois, le dépôt de Vaas n’est pas entièrement détruit grâce à l’opiniâtreté et au courage du commandant (er) EMMONNOT et de monsieur PAILLE, capitaine de réserve, artificier, qui coupent les fils reliant les bâtiments encore intacts aux charges de destruction.
Le 10 août 1944, quelques jours après le départ des derniers soldats allemands, les troupes américaines, en provenance du Lude et guidées par le capitaine DIDIER entrent à Vaas et Aubigné. Après l’occupation et la libération vient alors le temps de la reconstruction.

Un dépôt en ruines

Le 8 mai 1945, la guerre est finie, mais tout reste à reconstruire. Le secteur de Vaas a plus souffert que le secteur d’Aubigné. Dès l’arrivée des américains, l’autorité militaire française reprend possession de l’ERGMu mais se contente de le faire garder par des volontaires, rassemblés à cet effet par un ancien capitaine. Cette garde, assurée par des jeunes armés de fusils et dont peu savent s’en servir, personne ne leur en ayant expliqué le fonctionnement, est organisée pour éviter tout pillage de matières explosives.
La réouverture ne se fera que fin août 1945 et déjà on procède au réembauchage d’anciens ouvriers. La situation des parcs n’est pas très brillante, elle est même catastrophique. Sur les 515 magasins et poudrières existant en 1939, 510 sont détruits ou gravement sinistrés, 5 sont réparables, le garage des locotracteurs est fortement endommagé, les voies de 60 sont inutilisables. La voie normale est coupée en de très nombreux points. Le terrain, bouleversé par les explosions des bombes et des munitions stockées ou chargées sur wagon, est encombré de gravats, de blocs de maçonnerie, de ferrailles tordues, de munitions dont un grand nombre sont amorcées. Le constat est simple, il faut reconstruire. Une tâche qui ne s’annonce pas de tous repos.

La main d’œuvre utile

Le nettoyage, et l’on peut dire le relèvement de l’ERGMu, commence en 1945 avec une main d’œuvre fournie en grande partie par des prisonniers allemands et quelques ouvriers civils encadrés par des sous-officiers artificiers. Ces prisonniers fournissent une main d’œuvre utile, ils logent dans le « camp des baraques en bois » de Thorée (PCA 402) et sont employés aux terrassements et surtout au déblaiement du dépôt. Cette main d’œuvre gratuite, d’un effectif de 300, cessera de fonctionner dès le mois de juin 1948. Les travaux sont dangereux en raison de l’état du terrain, de l’importance du tonnage de munitions projetées et enfouies principalement sur les aires de stockage, les merlons et les fossés. Sont mêlés pêle-mêle des obus de 220, de 155, de 380 ou de 240, des grenades à manches et des cartouches de tous calibres.

Le relèvement

Les années 1944 – 1950

A la fin du mois d’août 1944, l’entrepôt est réactivé comme dépôt de munitions de campagne provisoire. Au mois de décembre 1944, le dépôt retrouve son appellation d’entrepôt de réserve générale de munitions d’Aubigné -Racan.
Un rapport du capitaine DIZIER fait état de la situation de l’établissement en octobre 1944.
Les munitions retrouvées sont soit stockées comme les fusées ou détruites, comme la poudre noire provenant des gargousses allemandes et noyée en eau profonde. Les gargousses et douilles chargées en poudre B sont conservées sous abris de fortune en vue de leur utilisation future (brûlage de l’herbe sur des espaces à déminer). Des obus de calibre 194 dont la presque totalité est de fabrication 1918 sont retrouvés et, pour ceux d’un calibre inférieur, la majeure partie est de 1940.

En février 1945, l’ERGMu fonctionne uniquement comme dépôt de campagne pour les munitions récupérées. A partir de mai 1945, l’activité munitionnaire reprend puisque 40 wagons par semaine déferlent sur l’entrepôt. En août 1945, le dépôt est de nouveau gardé par 20 veilleurs civils en armes qui effectuent des rondes de deux heures jours et nuits.
Les différents directeurs adressent des rapports alarmants aux autorités sur l’état du dépôt. En effet, les munitions à relever sont dangereuses car le soupçon de piège est omniprésent. Sur le terrain, il y a entre autres des projectiles de mortiers. Les munitions trouvées sont détruites à Auvours, sur un terrain de manœuvre. Le travail de désobusage s’effectue uniquement en surface. Il y a un manque évident de crédits. Le plus urgent est de dégager les voies et le maximum d’aires de stockage, de remonter les voies ferrées les moins atteintes afin de permettre d’entreposer ce qui peut être récupéré. Fait courant pour l’époque, en 1946, les ouvriers sont payés en liquide et souvent la paye est portée sur les secteurs de travail.

En octobre 1947, 3 détachements de la 774ème compagnie de munitions venant d’Etain s’installent au cantonnement. Ce renfort d’une centaine d’hommes va participer aux travaux de nettoyage, de comblement de trous de bombes et de remise en état des voies ferrées. La récupération et la démolition des munitions sont confiées à des entreprises civiles qui travaillent jusqu’en 1952 et qui démoliront 6 500 tonnes. Le 8 novembre 1947, le colonel LEBON, lors d’une visite à l’établissement fait remarquer qu’il faudra encore deux années de travail aux ouvriers et aux 3 détachements de la 774ème compagnie de munitions pour remettre en état l’ERGMu. En 1947, il y a encore entre 135 et 150 prisonniers de guerre qui selon le colonel travaillent assez bien, peu de malades et les meilleurs demandent à devenir travailleurs libres.
Dès 1948, de gros approvisionnements arrivent des dépôts d’armée d’Allemagne, 15 000 tonnes sont stockées sur des emplacements non couverts, imparfaitement merlonnés. Le 7 février 1948, le maréchal des logis SIMON est tué en service commandé en effectuant la destruction de munitions dangereuses. Le maréchal des logis manipulait des pièges EZ44, renfermant 200 grammes d’explosifs dont certains étaient déjà amorcés.
En octobre 1948, en application de la législation en vigueur, l’ERGMu doit remettre aux domaines 1 400 tonnes de fer provenant de 350 armatures de magasins sinistrés. La société GAURY de Tours en fera l’acquisition au prix de 8,10 frs le kilo. La reconstruction des hangars ne commence qu’en 1950. Elle aura été arrêtée souvent faute de crédits. Pour sa part, l’ERGMu construit 45 abris provisoires en tôles cintrées provenant des camps de Mulsanne et d’Auvours et remonte 33 hangars à munitions à parois de briques. Durant les mêmes années, le Génie réalise, par entreprises privées, 21 hangars légers démontables de 315 m2.

Les années 1950 – 1960

En 1951, le groupe de Vaas est stabilisé, les merlons sont reconstitués et une centaine de hangars sont reconstruits.
A partir de 1950 – 1951, les premiers chariots élévateurs font leur apparition. Ces derniers sont surtout utilisés pour l’engerbement de colis posés sur palettes et la mise en charge des approvisionnements au plan d’aide Marchall (PAM). Le capitaine MORIAMEZ dans une lettre au directeur du matériel de la IIIème région militaire à Rennes, décrit les conditions de travail épouvantables qu’il conviendrait d’améliorer rapidement. Les ouvriers travaillent en plein vent, abrités par quelques tôles en mauvais état. Il demande que lui soit affecté un hangar du camp de Mulsanne. Le pire se trouve dans le secteur de Vaas où seules quelques baraques tunnels protègent plus ou moins de la pluie, du vent et de la froideur. D’autre part, il n’y a pas d’installation de secours en cas de coupure de courant et de ce fait, le rendement est presque nul aux dépôts d’Aubigné-Racan et de Vaas pendant les mois de décembre et janvier.
En 1952, c’est aussi l’année d’une tragédie. Au mois d’août, un militaire est tué et deux civils très grièvement blessés avec de la poudre noire NZ allemande. Ces deux derniers malgré les soins prodigués, succomberont à leurs blessures à quelques jours d’intervalle.
Entre 1952 et 1953, 4344 tonnes de munitions détériorées donc inutilisables sont détruites.

Le 25 février 1953, paraît l’instruction ministérielle n° 8500/DCM/MU, sur l’organisation du stockage des munitions, en remplacement de l’instruction ministérielle du 7 février 1920. Un projet de stockage est donc établi en conséquence et approuvé le 24 novembre 1953. Ce projet permet de porter à 87 000 tonnes la capacité théorique de l’E.R.G.Mu. Ceci exige la construction de 350 nouveaux hangars légers démontables, dont 45 destinés à remplacer les abris provisoires. A la fin de 1953, la surface couverte des stockages passe de 30 280 m2 à 46 030 m2 . L’effectif de l’établissement, quant à lui, est de 9 employés de bureau, 1 chef d’équipe, 116 ouvriers et 6 saisonniers.
La construction reprend donc en 1954 de façon intensive et au 31 décembre de l’année 1955, L’ERGMu comptait 118 nouveaux hangars légers. La surface couverte totale s’élève alors à 80 700 m2 et représente 217 magasins en dur et des hangars légers démontables, ainsi que 45 abris provisoires. Le tout susceptible d’abriter 59 300 tonnes de munitions. En 1954, sont soumis au ministère de la guerre, de nouvelles études portant sur les dessertes routières et ferroviaires de l’établissement. D’autre part, les capacités de stockage n’étant pas atteintes, il est proposé que les 18 000 tonnes de possibilités restantes soient classées en « possibilité de stockage en plein air ».

Les années 1952 à 1955 sont marquées par l’arrivée massive de munitions au titre du PAM et des commandes OFFSHORE, soit 49 000 tonnes au total. Entre temps, ce sont 15 kilomètres de voies ferrées qui sont réparées, 14 hectares de terrains débroussaillés, 25 hangars à munitions reconstruits et 2113 tonnes de munitions éliminées.
En mars 1957, de grands travaux d’aménagement sont prévus et une liste de priorité au nombre de 33 est donc établie. A titre d’exemple, quelques-unes unes de ces priorités figurent ci-après :
– Enlèvement des ruines et nivellement des emplacements de 35 magasins à poudre sinistrés, 33ème sur 33 ;
– Chauffage central à installer dans les bureaux de l’E.R.G.Mu, 16ème sur 33 ;
– Réfection des bâtiments troupe, première priorité.

De septembre 1955 à novembre 1960, une expérimentation se déroule dans le dépôt souterrain de Luché-Pingré. Un stockage de munitions est conditionné et les résultats font apparaître qu’en raison du fort taux d’hygrométrie, en moyenne 95%, seuls peuvent y être entreposés des matériels conditionnés longue durée mais n’excédant pas 6 mois. Ce dépôt, organisé dans une vieille carrière, conformément à l’instruction du 24 décembre 1938 est un dépôt satellite pouvant être utilisé à la limite de ses possibilités, soit 25 000 tonnes de munitions de classe 3 et 11 pour le desserrement de l’E.R.G.Mu. Le 4 juin 1964, suite à la directive de l’état-major de l’armée de terre relative à la réduction du domaine militaire, le dépôt souterrain sera proposé à aliéner.
De 1955 à 1956, l’E.R.G.Mu entrepose les munitions de la république fédérale d’Allemagne (RFA). En fait, cette mission de stockage accapare à elle seule 41 magasins de l’établissement. Aussi surprenant que cela paraisse, le 24 juin 1958, un stage d’instruction sur AMX 13 tonnes est organisé à Aubigné – Racan au profit des officiers et sous-officiers indiens.

En 1960, les possibilités de stockage du dépôt sont de 76 480 tonnes dont 56 310 tonnes abritées et 20 170 tonnes non abritées. Les munitions de la RFA représentent presque 50% du tonnage abrité. Les matériaux récupérés sur les poudrières type 1906 sont utilisés au remblaiement des routes. Des mulets sont même encore présent pour effectuer des travaux de forces dans l’attente de matériel de manutention adéquat.
L’année 1962 voit arriver les engins du 6ème régiment du génie à Angers pour effectuer les travaux d’aménagement de pistes d’accès dans les secteurs de stockage des munitions. De 1963 à 1964, une étude montre qu’il n’est pas rentable de remettre en état 15 kilomètres de voies ferrées et conclut à la réduction des installations ferroviaires pour diminuer les frais d’entretien au profit du réseau utile.

Jusqu’en 1964, la mission de l’ERGMu est ministérielle. En 1964 la Direction centrale du Matériel décide la refonte de l’infrastructure de dépôts régionaux dont le nombre est réduit à 2 ou 3 par régions. Cette mesure entraîne la suppression en 3ème région militaire des dépôts de Nantes et d’Auvours et le rapatriement de 1500 tonnes de munitions. L’ERGMu devient donc un dépôt mixte avec une mission régionale et ministérielle.
A compter de 1967, l’accès direct de certains magasins devient possible aux moyens routiers. L’année 1968 voit la mécanisation des ravitaillements et un programme de cimentage des sols des magasins et des quais est entrepris à partir de 1969 dont une partie (84 magasins) est financée par la RFA. Ce programme s’achève en 1978.

En 1967, la 734ème compagnie de munitions (arrivée en 1947) disparaît en tant qu’unité d’active du Matériel pour faire place à la 311ème compagnie Matériel du territoire de Bruz, elle-même unité élémentaire du groupement des moyens généraux n° 3.
Le 30 septembre 1977, l’ERGMu reçoit officiellement son insigne homologué sous le numéro G 2513 du 30 décembre 1976.

Plus de 60% des magasins permettent en 1978, le chargement direct des moyens routiers. La même année, les stocks guerre sont totalement palettisés et les autres le sont à plus de 50%.
En 1994, l’établissement de réserve générale de munitions d’AUBIGNE-RACAN devient établissement du Matériel (ETAMAT), ce qui ne change en rien les missions inhérentes à un établissement à vocation munitions.
En 1999, l’ETAMAT d’Aubigné – Racan devient le groupement technique n° 2 (GT2) du 2ème régiment du Matériel à Bruz. Le groupement est dissous en 2002, année de la fermeture définitive de ce qui a été un dépôt de munitions dont la vocation principale a été les expéditions outre-mer et campagnes d’Indochine et d’Algérie…

 

Conclusion

Conclure n’est jamais chose facile, ni agréable car comment peut-on conclure sur quelques lignes ces 80 années d’histoire… D’autant plus que subsiste toujours le sentiment que beaucoup reste à écrire….
Il ne faut donc oublier ni son passé, ni ses anciens…
Ces anciens qui nous apportent leur témoignage, le souvenir de ces hommes et ces femmes qui ont fait vivre ces dépôts, qui ont donné de leur temps, et dont la mémoire éveille en nous une pensée du passé…
Nous avons aussi notre devoir de mémoire : cherchez, contactez, écrivez, sortez notre riche passé des limbes de l’oubli avant que les portes du temps ne se referment !…


Les directeurs

CNE IDOUX 1918 1920
LCL ROYER 1920 1922
CDT POTTIER 1922 1925
CNE IDOUX 1925 1927
CDT BOUCHER 1927 1929
LCL CAPDEVIELLE 1929 1936
CDT SCHEIFER 1936 1940
CDT LAIGLE 1940
CNE DIDIER 1944 1945
LCL PETIT 1945 1946
CNE GAY 1946
CNE RONSIN 1946 1947
CDT MORIAMEZ 1947 1942
CDT ROQUE 1952 1959
CDT MARCEAU 1959 1961
CDT DUCOUT 1961 1964
LCL MICHEL 1964 1968
LCL MARTIN 1968 1974
LCL COLSENET 1974 1979
CDT THOUVENIN 1979 1981
CDT SKRZYPCZAK 1981 1984
CDT CHAPUIS 1984 1987
LCL de MONCASSIN 1987 1990
LCL FERAL 1990 1993
LCL VOSS 1993 1995
LCL CARTALLIER 1995 1997
LCL PLEYNET 1997 1999

 

L’insigne, homologué le 30 décembre 1976 sous numéro G.2513 :

L’ERGMu étant implanté pour les 2/3 de sa superficie sur le territoire de la commune de Vaas et pour 1/3 sur celui de la commune d’Aubigné-Racan, l’insigne comporte les armoiries de Vaas en partition.
Les armoiries de Vaas datent de 1096, sous le règne de Philippe Ier. Elles sont de gueules à fasce d’argent écartelée et d’argent à pal de gueules écartelé. Sur les armoiries, les meubles de l’insigne sont dans les cantons 1 et 2, les attributs du matériel de l’armée de terre – roue édentée argent à sept dents avec 2 cantons or croisés et grenades à quatre flammes argent.
Dans les cantons 3 et 4, un missile or représente une munition moderne de l’époque de la création de l’insigne.
Depuis le mois de janvier 1994, toutes les indications figurant sur les insignes ont été enlevées, le nouvel insigne de l’ETAMAT n’a donc plus les inscriptions d’Aubigné-Racan et bien sûr ERGMu.

 

L’histoire du dépôt de munitions de CHATEAUDUN

par Régis Hoyet

(*)L’auteur remercie tout particulièrement :
– Monsieur DESCAMPS Yvan, de SALBRIS, mais ancien de CHATEAUDUN, principal auteur de ces recherches historiques, passionné d’histoire, et sans qui rien n’aurait été possible…
– Monsieur MOIGNOT à qui nous devons l’extrait des archives du bomber command…

 

 

Aperçu historique :

Aux origines de notre histoire, Châteaudun alors appelé DUN, en langage celtique, puis Castrodunum, après l’invasion romaine était une forteresse protégeant le pays des Carnutes de voisins turbulents. Des châteaux perchés sur le rocher comme des nids d’hirondelles s’y succédèrent au rythme des invasions sans avoir laissé de vestige ni de trace dans les archives.
Les Normands ayant, en 911, rasé le château et ravagé le pays à tel point qu’on n’entendait plus un chien aboyer dans le comté de Thibault celui-ci, dit le tricheur, fit reconstruire un château qui devait comporter de très vastes proportions puisqu’on appelait alors la demeure de ce puissant seigneur le palais de Thibault.
I1 ne reste pratiquement rien de ce château, et le donjon actuel, bien qu’attribué à Thibault, ne fut édifié vraisemblablement qu’au début du XIIème siècle.
Jean, Bâtard d’Orléans, dit le Dunois, vaillant compagnon de Jeanne d’Arc et grand artisan de la libération de la France, devint en 1439 Comte de Dunois, grâce à la générosité reconnaissante de son frère, le fameux poète Charles d’Orléans. Il entreprit, avec son épouse Marie d’Harcourt, la construction de l’aile Ouest du château et de la Sainte chapelle, où son coeur fut déposé le 3 décembre 1468.
L’aile Nord, de style Renaissance, fut construite à partir de 1511 par ses descendants, les Comtes de Longueville, qui achevèrent de donner au château son caractère de grande résidence seigneuriale. Commencé à la fin du Moyen-Âge, terminé sous la renaissance, le château de Châteaudun permet de suivre l’évolution de l’architecture d’une époque à l’autre.
Si l’histoire de Châteaudun est liée à celle de son château, elle est éclairée par la lueur des incendies qui ravagèrent complètement la ville en 578, en 911, en 1590, en 1691 et 1728, sa devise Extincta Revivisco (je renais de mes cendres) nous rappelle que si les Dunois furent souvent à l’honneur, ils furent aussi souvent à la peine mais surent toujours courageusement faire face à l’adversité.
C’est à la suite de ce dernier incendie que la ville fut presque entièrement reconstruite au XVIIIème siècle d’une façon géométrique sous la direction d’Hardouin, architecte de Louis XV. Le château que le duc de Luynes, obéissant à la destinée tutélaire des seigneurs de Dunois, transforma en refuge pour la population éprouvée et sacrifia au bien public, fut tellement endommagé qu’il devint inhabitable et fut cédé à l’Etat en 1935. Le service des monuments historiques, conscient de la valeur du dépôt qui lui était confié, réalisa un véritable chef-d’oeuvre de restauration.
L’histoire de Châteaudun est auréolée du souvenir de la glorieuse journée du 18 octobre 1870 où les francs-tireurs de Paris, de Nantes et de la garde nationale de Châteaudun, au nombre de 1500, résistèrent farouchement à la 22ème division prussienne de Von Wittich, mais la ville fut de nouveau partiellement brûlée et saccagée.
Cette bataille pour la gloire provoqua une flambée d’enthousiasme dans la France entière et la ville de Châteaudun fut citée comme ayant mérité de la patrie et fut décorée de la légion d’honneur qui figure depuis lors dans ses armes.

 

La Création d’un entrepôt de munitions :

C’est au cours de la première guerre mondiale en 1915, que fut décidée par le Commandement la création d’un dépôt de munitions à CHATEAUDUN. Confiée à l’Artillerie, cette installation alors appelée “Camp de munitions” a été réalisée sur un terrain réquisitionné entre la voie ferrée reliant CHATEAUDUN à TOURS et la route nationale n°10.

Sortant d’usine, les munitions affluent vers les deux groupes de stockage Sud et Nord. A la demande, elles sont expédiées par trains complets sur les armées. Les stocks sont amoncelés sous des abris et des hangars de fortune. La voie ferrée de 60 est le seul moyen de transport assurant la desserte intérieure des magasins. Le personnel de manutention encadré par des artificiers militaires est en grande partie constituée de travailleurs chinois. Les annamites, comme on les appelait, chargent et déchargent les wagons, nuit et jour, sans hâte mais sans trêve. Tantôt plein à craquer, tantôt presque vide, le dépôt de munitions de CHATEAUDUN remplit remarquablement son rôle de régulateur entre la production et la consommation.

Avec l’Armistice de 1918. la cessation des hostilités impose une mission nouvelle, celle de conserver et de maintenir en bon état des quantités importantes de munitions de tous calibres. Cet objectif exige une organisation adéquate de l’Établissement. La sécurité des stockages aussi bien que celle du voisinage impose la construction de magasins en dur en remplacement des hangars de bois sans cesse rafistolés. Répondant à des normes bien définies et judicieusement répartis sur les 78 ha de terrain achetés définitivement par l’État à cet effet, ces nouveaux locaux de stockage offrent une sécurité accrue. Pendant vingt ans, chaque année apportera son lot de réalisations et d’aménagements nouveaux : tels que : ateliers, magasins généraux, salle d’artifices, château d’eau, réseau de distribution avec bouches d’incendie, casernement de la troupe et logement des cadres. La voie de 60 disparaît progressivement pour laisser place à quelque vingt kilomètres de voie ferrée normale qui desservent directement magasins et ateliers sans rupture de charge.

Un grand chantier de démolition est installé dans un atelier provisoire situé entre les groupes Nord et Sud pour la démolition des munitions russes, reliquat de la guerre. Sur l’emplacement de ce chantier, en 1924-25 un nouveau groupe de stockage vient s’insérer entre les deux autres, c’est le groupe Centre dit “groupe des poudrières”. Pour remettre en état les munitions récupérées, on construit un grand atelier en 1926-27 qui prend le nom d’Atelier définitif, il sera principalement utilisé à la remise en état des cartouches de 75mm et des fusées. Un autre atelier moins important implanté au groupe Sud sera utilisé pour la remise en état des obus de gros calibre, du 155 au 240mm. De 1930 à 1939, le groupe Nord se transforme. En lieu et place de petits magasins vétustes, la construction de magasins de type semi – étanche est réalisée, alors qu’en zone vie, les bâtiments direction et administration sont érigés.

Pendant ces années, la mission de l’établissement est le stockage, la remise en état et l’approvisionnement des troupes d’Outre-mer et de métropole. Par décret du 6 mai 1933, l’Établissement est classé et le polygone de sécurité adopté. Le bornage sera terminé en 1934.

En 1938, l’Établissement est désigné pour assurer l’organisation d’un centre de cours d’où sortira en 1939 une promotion de spécialistes artificiers titulaires du brevet élémentaire.

Au personnel de manutention d’origine chinoise, durant le premier conflit mondial, ont succédé des militaires de la 3ème Compagnie du 4ème Bataillon d’Ouvriers d’Artillerie dont la portion centrale est implantée au Mans. Ce personnel supporte toutes les charges de soutien à l’Établissement : garde, piquet d’incendie, téléphone et renforce le personnel civil dans les groupes de stockage et les ateliers. Les services «munitions» et «infrastructure» sont commandés chacun par un officier. Chacun des trois groupes de stockage est dirigé par un adjudant ou adjudant-chef ayant le titre de “Gardien de batterie”. L’atelier de remise en état et l’atelier « Fer – Bois » sont dirigés par un adjudant-chef ayant le titre de “Maître ouvrier d’Etat”. Les autres sous-officiers sont rattachés à la 3ème Compagnie commandée par un capitaine, secondé par un lieutenant.

Recrutée non seulement à CHATEAUDUN, mais aussi dans les localités environnantes, la main d’oeuvre de 1’Etablissement atteint en 1939, 200 personnes, cadres, employés et ouvriers réunis. L’E.R.G.Mu est alors un partenaire économique essentiel au commerce et à la vie de la communauté dunoise.
Sept directeurs se sont succédés de la création du “Camp de Munitions”, à l’entrepôt de 1939 : Les commandants GARNIER (1915-1917), GERBENNE (1917-1919), PONCET (1919-1928), LABOUCHE (1928-1936), RAYNAUD (1936-1938), TRIGER (1938-1939) et le capitaine FILLERON (1939-1940).

1939 – 1945 :

En septembre 1939, une activité fébrile suit l’ordre de mobilisation. Les cadres d’active non – artificiers quittent l’établissement pour être incorporés au 109ème Régiment d’Artillerie Lourde stationné au quartier «KELLERMAN» de CHATEAUDUN. Le personnel civil reste en place. Les réservistes arrivent. Cadres et hommes de troupe encore en “civil” sont, après un contrôle d’incorporation réduit au minimum, habillés par petits groupes. Les quelques cadres artificiers et les personnels civils maintenus sur place ont la lourde tâche d’encadrer ce personnel inexpérimenté.

A la cadence de deux à trois trains par jour, les munitions montent vers les armées. Le mécanisme de ravitaillement des troupes en opérations est relancé. Le travail s’organise de jour comme de nuit. Les obus de 75mm et 155mm récupérés après 1918, reprennent le chemin des champs de bataille du Nord et de l’Est de la France.

Avec la 3ème Compagnie du 4ème Bataillon d’Ouvriers d’Artillerie comme noyau, trois compagnies d’artificiers sont formées.

Pour faire face à la menace des bombardements aériens, une grande partie des stocks est acheminée par voie ferrée et camions vers des dépôts de campagne organisés dans la forêt de FRETEVAL au lieu dit “La Gaudinière”. Une compagnie d’artificiers fait mouvement vers ce dépôt de desserrement. Chaque jour, six grands wagons de trente tonnes quittent la zone Sud chargés d’obus de gros calibre (surtout des 240mm) pour la gare de CLOYES où a lieu le transbordement sur camions pour monter les obus dans la forêt. Les munitions sont alors regroupées en petits îlots dispersés en sous bois. Chaque îlot terminé est couvert de tôles peintes de la couleur sol. Le personnel de manutention est renforcé par une compagnie de travailleurs espagnols (Cie n° 100) constituée de prisonniers internés de la guerre civile espagnole. Le parc auto est formé de vieux camions de réquisition et en provenance des parcs de stockage de matériels issus de la guerre d’Espagne (camions Russes et US).

Le 15 Juin 1940, la pression allemande s’intensifie. L’entrepôt subit quelques bombardements de l’aviation ennemie. Son évacuation est décidée. Les deux compagnies d’artificiers rejoignent FRETEVAL. Le 17 Juin 1940, les allemands prennent possession du site et aussitôt, l’exploitation commence à leur profit. Les anciens ouvriers français sont réembauchés d’autorité. La KRIEGSMARINE utilise la zone Nord qui se garnit de mines sous-marines alors que la WERHMACHT utilise les deux autres groupes.
En forêt de FRETEVAL, dans le sous-bois humide; des piles d’obus quoique montées sur traverses en bois s’effondrent chaque jour. Les moyens en matériel manquent cruellement. Le travail dans ces conditions y est particulièrement pénible, les personnels difficiles à commander. A CHATEAUDUN, l’occupation allemande s’organise dans le dépôt de munitions comme au terrain d’aviation. Elle n’est troublée que par quelques sabotages.

En mai 1944, la préparation du débarquement en Normandie amène les premiers bombardements de l’aviation alliée. Dans la nuit du 3 au 4 mai, un avion bien renseigné attaque les zones de stockage à plusieurs reprises. Le feu et la détonation se communiquent d’un hangar à l’autre; la série d’explosions se prolonge pendant plus de 12 heures consécutives. Le secteur le plus touché est celui de la zone Sud , les dégâts sont considérables.
Ces explosions ont causé des dommages très importants aux corps des fermes alentours. Les plus proches du camp furent fortement ébranlés, alors que les dunois étaient réveillés par le bruit sourd des détonations et le crépitement des munitions de la KRIEGSMARINE et de la WERHMACHT. L’église de “La Chapelle du Noyer” dont les paroissiens étaient si fiers fut elle aussi gravement atteinte. Son administrateur en rend compte à l’évêché en ces termes : « Le portail d’entrée est disloqué, tous les vitraux soufflés, tout l’intérieur de l’église est à refaire et la toiture soulevée en deux larges traînées ».

Le dépôt continue à vivre sous tutelle allemande dans des conditions un peu troubles…

C’est sous la pression de plus en plus forte des alliés, que le 12 août 1944 à 15H00, avant de quitter les lieux, les allemands procèdent à la destruction des dernières installations restées intactes. Une nouvelle série d’explosions secoue la zone mais les dégâts causés aux alentours sont moins importants qu’au mois de mai, les travaux de reconstruction n’ayant pas été entamés. Seule, la toiture de l’église de la Chapelle du Noyer qui avait été consolidée fut de nouveau soulevée aux mêmes endroits.
Après le départ des allemands, on pouvait juger des dégâts occasionnés sur l’infrastructure du site. L’entrepôt est en ruine. La zone Sud n’est plus qu’une succession de profonds cratères autour desquels gît un enchevêtrement indescriptible de tôles, de charpentes métalliques tordues et de voies ferrées arrachées. La zone Centre est presque totalement détruite, une seule poudrière sur les 74 est restée utilisable, et quelques hangars légers subsistent. En zone Nord, les magasins semi-étanches sont moins touchés. Seules les toitures, portes et vitrages ont été détruits. Une quantité importante de mines flottantes, d’explosifs et d’artifices divers y est encore stockée.

Au passage, des unités de la 35ème Division d’Infanterie américaine renforcées par une unité du Génie du 12ème Corps y installent leur campement, commençant sommairement les opérations de nettoyage et déblaiement, bouchant quelques entonnoirs, se souciant semble-t-il fort peu des munitions qui y étaient enfouies ou de celles qui jonchaient le sol.

 

La Renaissance (1945 – 1968) :

Le 09 octobre 1944, les américains remettent l’Entrepôt aux autorités françaises, le Lieutenant LACROIX en prend le commandement.
Le dépôt reprend vie. Les premières équipes d’anciens ouvriers se rassemblent. Au milieu des cratères et des ruines, le travail s’organise. Les munitions affluent immédiatement depuis les zones de desserrement de la forêt de FRETEVAL. 10 000 tonnes sont déjà présentes sur le site qui prend l’appellation d’Entrepôt de Réserve Générale de Munitions (E.R.G.Mu) placé alors sous le commandement du Service du Matériel dont la direction régionale est implantée à ORLEANS.
L’E.R.G.Mu., que les anciens continuent encore à appeler “le camp de munitions” va renaître de ses cendres et de ses ruines. La tâche de reconstruction est titanesque. Beaucoup de ceux qui l’auront entreprise n’en verront hélas pas le couronnement.

L’entrepôt est organisé en « dépôt de campagne » et les stockages réalisés sous des abris de fortune. La totalité des moyens en personnels et matériels est utilisée au nivellement rapide du terrain, à la reconstruction des surfaces couvertes et au tri des munitions récupérées.
Débute alors le recrutement de main d’oeuvre civile embauchée sur place. De 50 ouvriers en 1944, on arrive à 114 personnels civils à l’été 1945. En juillet 1945 est rattaché à l’E.R.G.Mu, un détachement de 50 prisonniers de guerre allemands (PGA) gardés par un groupe de 10 soldats français. L’encadrement de l’E.R.G.Mu est alors de 3 officiers et de 7 sous-officiers. Le dépôt de munitions de BAILLEAU L’EVEQUE au Sud-Ouest de CHARTRES, construit pendant l’occupation allemande est rattaché à l’Entrepôt de CHATEAUDUN. En octobre 1945, une centaine de PGA sont présents et des sous-officiers sont affectés à l’Établissement pour assurer l’encadrement des équipes de désobusage. Il s’agit tout d’abord de récupérer les munitions éparses présentant un grave danger du fait qu’elles peuvent créer un “relais” explosif’ entre les différents îlots de munitions existant dans l’Entrepôt. Le 18 novembre 1945, arrive en renfort la 170ème Compagnie munitions composé de 1 officier, 8 sous-officiers et 99 soldats.

L’E.R.G.Mu. a également à sa charge le désobusage du terrain d’aviation de CHATEAUDUN et des communes environnantes. Début 1946, parallèlement à la diminution des effectifs de la 170ème Cie (12 soldats au 31.01.46), on assiste à une augmentation du nombre de PGA, qui passe à plus de 200 pour assurer le désobusage des terrains de la ville de CHATEAUDUN et des communes environnantes.

Le 31 mars 1946, la 170ème Cie munitions est dissoute.

Le 30 avril 1946, le Colonel RIVET directeur du Matériel de la Région Militaire déclare lors de la réunion des directeurs d’établissement à l’Hôtel des Invalides « L’E.R.G.Mu. de CHATEAUDUN, je vous l’ai dit, rappelle le secteur de Verdun, tout y est détruit ».

Bien que le dépôt présente une certaine insécurité du fait des munitions qui se trouvent encore enfouies dans le sol, les réceptions affluent et de 10000 tonnes stockées au 1er octobre 1944, le tonnage passe à 20 000 tonnes au 1er octobre 1946. En 1947, alors que le tonnage stocké atteint 30 000 tonnes, 4 officiers et 10 sous-officiers encadrent 135 personnels civils et 200 P.G.A. Face aux réceptions massives de munitions, les magasins détruits ont été remplacés par des hangars en forme de demi-lune, construits en tôles métro.
Cette infrastructure s’avère vite largement insuffisante, mais tout manque et surtout les matériaux de construction. L’ensemble du personnel militaire et civil est inquiet face aux incertitudes concernant le dégagement des cadres, la diminution des rations de pain, l’augmentation du coût de la vie. Même dans ces conditions particulièrement difficiles, les rapports des directeurs de l’établissement font apparaître le calme, le courage, l’exemplarité des ouvriers civils. Bien dans l’esprit beauceron, cet entrepôt est le leur, et c’est avec courage et détermination qu’ils participent à sa reconstruction et à sa réorganisation.

En 1948, les PGA quittent définitivement l’Entrepôt. Le 05 octobre 1948, est installé en renfort au personnel de l’établissement, un détachement de la 736ème compagnie munitions. L’effectif de l’E.R.G.Mu. est alors de 5 officiers, 13 sous-officiers, 40 soldats et 135 personnels civils. C’est avec cet effectif qui demeurera stable jusqu’en 1965, que l’entrepôt va retrouver son nouveau visage :
– Les réseaux routiers et ferrés sont complétés et rénovés.
– De 1950 à 1954, 81 hangars légers démontables réalisés en poutrelles métalliques et bardage en tôle ondulée ont été construits et merlonnés pour la plupart.
– La zone sur laquelle est implanté l’établissement est un plateau très humide : aussi, pour soustraire les munitions de l’humidité, il a été nécessaire de reconstituer le réseau de fossés et de creuser des mares.
– De nouvelles aires d’accès aux cellules de stationnement et de manoeuvre sont aménagées.

L’infrastructure de l’E.R.G.Mu. est ainsi reconstituée et adaptée aux exigences d’une manutention plus moderne. En 1960, débute la reconstruction des bâtiments direction et administration.

En 1961, le dépôt de munitions de CERCOTTES à la périphérie d’ORLEANS est rattaché à l’E.R.G.Mu.
Le 12 octobre 1961, la vocation de l’établissement est précisée. La mission de réception, de stockage et de remise en état des cartouches pour armes portatives ainsi que des emballages et accessoires s’y rapportant lui sont confiées.
En 1965, pour son cinquantième anniversaire, 1’E.R.G.Mu. est réorganisé en fonction des normes d’exploitation et de sécurité les plus récentes qui ont entraîné une baisse du tonnage stocké (17 000 T).

Toute trace de ruines a pratiquement disparu. Pour réaliser cette oeuvre débutée en 1941, de nombreuses entreprises locales ou régionales ont apporté leur concours. Des cadres expérimentés et dynamiques formés sur place ou dans les centres d’instruction du Service du Matériel ont dirigé des militaires et des civils aux qualifications et aux aptitudes très variées, constitués en équipes solides et bien soudées. Tous ce personnel, quel que soit son niveau de responsabilité, s’est accroché aux tâches à mener à bien et aux difficultés à vaincre.

Sept directeurs se sont succédés pour ressusciter, à partir des ruines de 1944, l’E.R.G.Mu. de 1965 : Le lieutenant LACROIX (1944-1945), les capitaines VUILLEMIN (1946) et MARQUE (1945-1946), les commandants ANDRE (1946-1952), MORIAMEZ (1952-1958) et MARTEL (1958-1961), et enfin le lieutenant-colonel MARTIN (1961-1968).

1968 – 1993 :

Le 1er Juillet 1966, une mission importante est confiée à l’E.R.G.Mu. Il s’agit du soutien en munitions des formations stationnées en région parisienne y compris les unités de la gendarmerie, la Garde Républicaine et le corps des sapeurs pompiers de PARIS. Près de 60 unités sont ainsi rattachées à l’Établissement.
Le 1er Novembre 1966, le dépôt de munitions de Nogent le Phaye au Nord Est de CHARTRES affecté antérieurement à l’ERM d’ORLEANS est rattaché à l’entrepôt de CHATEAUDUN qui gère ainsi trois dépôts satellites : CERCOTTES, BAILLEAU L’EVEQUE et NOGENT LE PHAYE.

L’E.R.G.Mu. occupe alors une place économique très importante au sein de la communauté dunoise, 7ème entreprise de l’agglomération par l’importance de son personnel, l’E.R.G.Mu, par la distribution de sa masse salariale et les dépenses nécessitées par le service et effectuées en grande partie dans l’agglomération, est un partenaire économique essentiel.

Le 1er Juillet 1969, le détachement de la 736ème Compagnie munitions est dissous et remplacé par un détachement de la 11ème Compagnie Mixte Régionale du Matériel d’ISSY LES MOULINEAUX. Les effectifs restent sensiblement identiques soit 1 officier, 2 sous-officiers et 35 soldats.
Le 1er Novembre 1969, l’E.R.G.Mu. perd la gestion du dépôt de munitions de CERCOTTES, rattaché à l’E.R.G.Mu de SALBRIS, puis, le 31 décembre 1969, celle du dépôt de munitions de BAILLEAU L’EVEQUE qui, vidé de ses munitions est remis à l’administration des domaines.

L’infrastructure de l’E.R.G.Mu. de CHATEAUDUN ne cesse de se moderniser, 1970 voit l’achèvement de la construction du bâtiment des ateliers d’entretien de l’infrastructure, alors que débute la construction de 3 nouveaux hangars de stockage munitions et que des travaux importants d’entretien, de rénovation et de modernisation de diverses infrastructures sont lancés.

Le 1er Juillet 1973, le détachement de la 11ème Compagnie Mixte Régionale du Matériel d’ISSY LES MOULINEAUX est remplacé par un détachement de la 121ème Compagnie du Matériel du Territoire de VERSAILLES.

Le 28 janvier 1976, Monsieur MARTIN artificier civil breveté supérieur est mortellement blessé, au Camp de SUIPPES cote 193 alors qu’il procédait à la destruction de “crapouillots” (bombes de tranchées de 45 Kg datant du premier conflit mondial et chargées de 20 Kg de mélinite pulvérulente), le capitaine LEMAIRE a été gravement blessé lors de cette explosion.

Le 31 Mai 1978, l ‘insigne et le fanion de tradition de l’E.R.G.Mu. de CHATEAUDUN sont homologués.

 

       

 

 

 

En octobre 1978, s’achève la construction du magasin pour les approvisionnements généraux.
L’enceinte des 78 hectares réservés au stockage des munitions est classée zone militaire sensible (ZMS) et protégée par une clôture grillagée.

En 1979, l’Entrepôt de Réserve Générale de Munitions devient Établissement de Réserve Générale de Munitions. Les missions de l’E.R.G.Mu. ne se limitent plus au stockage de munitions mais sont complétées par des travaux de plus en plus techniques.

Par décret du 11 septembre 1979, un nouveau polygone d’isolement est créé en remplacement de celui de 1933. Le bornage est réalisé en 1980.

Le 1er Juin 1985 est inauguré un atelier auto parfaitement équipé.
Un système de transmission d’alerte couvre l’ensemble de la zone de stockage et permet une protection efficace (réseau d’interphones et système de détection d’intrusion dans certains magasins).
Le 1er Juillet 1985, le détachement de la 121ème Compagnie du Matériel du Territoire est remplacé par un détachement de la 6ème Compagnie du 4ème Régiment du Matériel de FONTAINEBLEAU.
Le 1er septembre 1985, l ‘E.RG.Mu. perd la gestion du dépôt de munitions de NOGENT LE PHAYE qui a été vidé de ses munitions dans le courant du premier semestre.

Retenu pour être conservé en activité dans le cadre du schéma directeur des dépôts de munitions décidé en 1986, l ‘établissement continue de se moderniser pour s’adapter aux nouveaux moyens de manutention et de transport. Ses capacités de stockage sont cependant réduites compte tenu de son environnement défavorable (voie ferrée, route nationale 10, proximité de la ville de CHATEAUDUN) mais son infrastructure est adaptée aux nouvelles exigences de sécurité.
En 1988, un nouveau poste de sécurité est construit selon les nouvelles normes de sécurité pour permettre une meilleure surveillance de la zone Sud.
Le tonnage stocké s’élève en 1988 à 15 000 T. L’effectif de l’établissement est de 5 officiers, 13 sous-officiers, 40 militaires du rang et 126 personnels civils. Son budget total ajouté à la masse salariale distribuée s’élève à 24,5 millions de francs. Le poids économique de l’établissement dans l’agglomération de CHATEAUDUN qui comprend environ 15 000 personnes est important.

En 1990, le bâtiment principal de la zone vie est réaménagé et modernisé.
Le 1er juillet 1990, la Section de Protection de l’infrastructure jusque là composée d’un détachement de la 6ème Compagnie du 4ème Régiment du Matériel de CHATEAUDUN est affectée à l’établissement, et est rattachée administrativement au CM.101 de CHARTRES.

De 1968 à 1991, se sont succédés sept directeurs, les lieutenants-colonels MICHEL (1968-1973), DONNEAU (1973-1977), SOMVILLE (1977-1982), MILLARDET (1982-1985), BOSSU (1985-1988), JABOT (1988-1991) et BERGEOT (1991-1993).

L’histoire du FORT BARRAUX…

par Régis Hoyet

Merci aux différentes sources qui ont permis d’écrire et de publier ici cette histoire :
à Robert BORNECQUE, agrégé d’histoire, professeur de Lettres Supérieures à Grenoble en 1965 ; aux archives départementales de l’Isére ; au fonds Dauphinois de la bibliothèque de Grenoble ; aux archives du Génie de Grenoble ; et enfin, au service historique des armées…

Le Fort BARRAUX occupe plus de 26 000 m² dont 4 300 m² de surface bâtie. Il a servi successivement de place forte entre la France et la Savoie, de fort de garnison jusqu’en 1940, de dépôt de prisonniers politiques de 1940 à 1945 et de prisonniers de guerre de 1945 à 1948, puis de dépôt de munitions de 1948 à 1985 et enfin plus récemment un camps d’aide à la réinsertion pour des jeunes en difficultés.
Voici donc l’histoire exceptionnelle de ce fort qui a traversé les tourmentes de l’histoire…

Situation géographique :

Le village de Barraux se blottit au pied du grand abrupt oriental du massif de la chartreuse, sur un petit gradin qui domine d’une quarantaine de mètres le Grésivaudan où divague l’Isère. En face, se trouve la ville de Pontcharra ; immédiatement au Nord, la plaine s’étale et bifurque en débouchant sur la Savoie : Une branche conduit à Chambéry, l’autre mène aux grands passages alpestres commandés par la Maurienne et la Tarentaise.

Sur l’aval on atteint Grenoble au bout d’une quarantaine de kilomètres. La situation de Barraux est donc militairement fort intéressante : face à la Savoie, pays étranger jusqu’en 1860, il est le premier verrou que l’on puisse tirer dans le Grésivaudan pour couvrir Grenoble ; il est aussi la base la plus avancée capable d’appuyer une action vers Chambéry ou Albertville. On peut dire que Barraux joue pour la France un rôle analogue à celui de Montmélian pour la Savoie, cette place ayant pour elle l’avantage d’un incomparable gîte escarpé.

Il n’est donc pas étonnant de trouver à proximité du village de Barraux un fort, lui-même successeur probable d’un donjon médiéval. Fondé en 1597, le « Fort Barraux », perfectionné aux XVIIe , est un témoin d’architecture militaire peu connu.

 

La fondation du fort :

Depuis 1590, Lesdiguières avait mis fin à son équipée de chef de parti pour défendre, face à la Savoie, le véritable intérêt de la France. Conscient de sa valeur, Henri IV l’avait nommé en 1597 lieutenant-général du Dauphiné. Cette même année, le futur connétable, au terme d’une brillante campagne, toute de mouvement, écrasait les troupes de Charles-Emmanuel au combat des Molettes. Le duc de Savoie, retiré sur la rive droite de l’Isère, se consola de son échec en ordonnant la construction d’un fort sur une butte propice, à côté du village de Barraux. En raison de la date de cette fondation (24 août 1597), le fort reçut le nom de Saint-Barthélémy. Les travaux furent menés rondement, ainsi qu’en témoignent les nombreuses réquisitions d’artisans et de chars, jusque dans le mandement de Bugey.
Il est malaisé de se faire une idée exacte du fort à cette époque ; les documents sont rares, de date parfois imprécise. On peut penser que le plan et la vue cavalière attribués à Claude de Chastillon datent des environs de 1600, époque où cet ingénieur du roi, qui suivait Henry IV dans ses campagnes, a donné une vue de Montmélian. La gravure montre une citadelle allongée dont l’entrée, précédée d’une demi-lune, s’ouvre vers la Savoie. Quatre bastions à orillons au curieux tracé anguleux et deux demi-bastions de même dessin assurent le flanquement de la place. Des échauguettes coiffent la pointe et les épaules des bastions ; quelques bâtiments se dispersent à l’intérieur.

Plan de 1957

La prise du fort par Lesdiguières :

Par Bravade autant que pour des raisons militaires, le duc de Savoie avait choisi un emplacement situé en territoire français, à trois quart de lieue de la frontière. Videl, secrétaire et biographe de Lesdiguières, l’explique avec humour. « C’estoit, comme nous avons dit, pour avoir une forteresse sur les terres du roy, en ayant envoyé le plan à la plupart des princes d’Italie, et se consolant par cette peinture de tous les mauvais succès qui lui étaient arrivés en effet. » Lesdiguières, posté au Château Bayard, ne manquait pas de suivre attentivement les travaux. A ceux qui s’inquiétaient, au roi notamment, il répondait : « Laissez-les faire, ils travaillent pour nous, je le prendrai quand ils l’auront achevé. »

En mars 1598, il estima le moment venu. Ayant fait mine de conduire ses troupes vers l’Oisans, il les regroupa avec le matériel nécessaire à quelques distance du fort. Missions, échelles et pétards distribués, l’approche commença dans la nuit du 15 au 16 mars. Malheureusement les valets laissés à la garde des bagages allumèrent des feux et alertèrent la garnison. L’entreprise n’en fut pas interrompue pour autant. Des attaques simulées partout à la fois, des pétards placés à la porte et à la poterne dispersèrent les efforts des défenseurs. Le point faible du fort avait été dès longtemps repérés par deux capitaines qui avaient même réussi à mesurer avec une hallebarde la hauteur de la courtine pour y approprier la longueur des échelles !
L’assaut y fut donné avec succès, malgré le feu tiré des échauguettes. La résistance s’acheva sur la demi-lune de Savoie. Drapeaux, prisonniers, artillerie et munitions étaient capturés en grand nombre. Désormais le Fort Barraux était français.

Les aménagement du XVIIe siècle :

Le tracé du Fort barraux laissait beaucoup à désirer. Les mémoires des responsables successifs en soulignent à maintes reprises les défauts. Le front dominant l’Isère était mal flanqué ; les courtines s’élevaient insuffisamment, notamment vers l’angle sud, par où avait eu lieu l’escalade. Les fossés étaient trop étroit, peu profonds, le talus de la contre escarpe, trop peu élevé, laissait souvent voir la courtine presque jusqu’à son pied, la rendant vulnérable à un tir d’artillerie. La plate-forme du fort, enfin était toute bosselée et, par la suite, fort mal défilée aux vues et aux coups de l’ennemi. L’emplacement pourtant était bon : « Si de dessin de cette fortification est une fois en sa perfection, la place sera meilleure que Montmélian et donnera beaucoup d’avantages aux entreprises que le roy voudra bâtir de ce côté là ; elle couvre Grenoble et lui sert de frontière comme à tout le reste du pays ». (Mémoires anonyme ; 1598.)

Raymond de Bonnefons, jusqu’en 1607, puis Jean de Beins, géographes et ingénieurs du roi, s’efforcèrent de corriger ces faiblesses. Les travaux furent d’emblée considérables, justifiés par la politique menée par Henri IV à l’égard du duc de Savoie. Lesdiguières en témoigne : « Nous faisons travailler à Exilles et à Barraux ; le revestissement de cette dernière place paraît fort ». Dans les comptes de fortification, les dépenses accordées pour Barraux figurent souvent en tête de liste des places du Dauphiné.

Plan de 1608

Le projet le plus complet et le plus intéressant fut donné à Jean de Beins en 1608. Un plan conservé au British-Muséum [publié dans un article de J.Buisseret : Les ingénieurs du Roi sous Henry IV, in Comité des travaux historiques et scientifiques. Bulletin de la section de géographie. Tome LXXVII – 1964] permet d’en préciser les articles. Le bastion Lesdiguières, au centre du front de l’Isère, déjà remanié par Bonnefons (suppression des orillons) est porté en avant, la nouvelle courtine absorbant les flancs des bastions Dauphins et Morges (du nom d’un des conquérant du fort et son premier gouverneur). On peut remarquer au passage que les orillons ne sont pas forcément un signe d’archaïsme : ici Jean de Beins les rétablit dans le bastion qu’il projette ; Vauban, à l’apogée de sa science, dessinera aussi, en 1692, pour Montdauphin, des bastions à orillons. Le projet de 1608 prévoyait encore de renforcer le front de Grenoble en doublant les bastions Créqui (gendre de Lesdiguières) et Morges, préalablement surélevés, par un ouvrage bas, sorte de tenaille appelé le Bas-Fort, dont on signale l’achèvement en cours en 1639. Il transférait l’entrée principale du front de Savoie au flanc du bastion du roy, vers Barraux. Jean de Beins proposa aussi de remplacer la petite demi-lune qui couvrait l’entrée primitive par un ouvrage à cornes. Ce dernier, jugé mal adapté au plateau triangulaire qu’il devait couvrir, sera remplacé par une grande demi-lune (projet signé Camus, octobre 1639).

Un plan de Tassin, gravé sans doute vers 1650, (il exécute à ce moment un plan de Montmélian) nous fournit un bilan des transformations, malgré des inexactitudes, notamment l’oubli du Bas-Fort et de la lunette de Savoie. La physionomie de la citadelle ne sera guère modifiée jusque vers 1688. Le plan en relief du musée des Invalides, qui représente des rectifications et des ouvrages qui ne seront imaginés ou exécutés qu’au XVIIIe siècle, ne paraît pas justifier la date de 1674 qui lui est attribuée.
En 1639 apparaissent dans un plan signé Langrune, ingénieur en chef de la place de Grenoble, des nouveautés intéressantes. Sur le front de l’Isère, il propose d’améliorer la défense par la création de flancs aux bastions Morges et Dauphins, désormais appelés par leurs numéros 4 et 6. Il prévoit du même côté des ouvrages avancés pentagonaux, tout en redonnant au bastion Lesdiguières (numéro 5) des flancs rectilignes. Il suggère de placer l’entrée au centre de la courtine du front de Barraux et d’en détacher le bastion Rosny, qui deviendrait ainsi une demi-lune couverte à son tour par une lunette. Le chemin couvert est régularisé et soigneusement « traversé », c’est-à-dire coupé de parapets de terre évitant les enfilades. On retrouve là avec précision les préoccupations constantes de Vauban, et sans doute ce dernier n’était-il pas étranger aux améliorations apportées. Du reste il allait bientôt venir lui même au Fort Barraux.

L’inspection de Vauban en 1692 : (photo plan 1692)

La guerre de la Ligue d’Augsbourg entraîna de nouvelles opérations entre Français et Savoyards. Dans l’été 1692, Victor-Amédée de Savoie, descendu par le col de Vars, ravagea l’Embrunnais et le Gapençais, allant jusqu’à faire peser une menace sur Grenoble. Louis XIV envoya Vauban dans le Sud-Est pour établir d’urgence un programme de fortification. Arrivé à Grenoble le 22 septembre, celui-ci inspecta Fort Barraux et rédigea quinze jours plus tard, en Briançonnais, un mémoire daté du 7 octobre 1692.

Plan de 1692

La première partie du mémoire est un inventaire des défauts du fort : « Nous l’avons conservé avec toutes ses imperfections, et ce n’est que depuis quatre ou cinq ans qu’on a eu quelqu’attention un peu considérable pour lui. Ces défauts consistent premièrement en la figure très défectueuse et qui pourrait être incomparablement meilleure si ceux qui en réglèrent le projet eussent su ce qu’ils désiraient. » Et le commissaire aux fortifications de déplorer que la place ne commande pas un pont «ce qui fait que moitié de cette vallée demeure à la discrétion de l’ennemi » : Le fort est trop petit, il n’a pas les bâtiments nécessaires et les principes de fortification y ont été mal appliqués ; le revêtement des pièces (bastions, demi-lune etc… est mauvais, les bastions inclinent vers l’extérieur et donnent prise aux enfilades ; les fossés sont insuffisants. « Au demeurant l’endroit est bien choisi ; la disposition du terrain rend la circonvallation impossible tant elle devrait être étendue. »
Selon une idée ancrée en lui par l’expérience, Vauban préconisait la création d’un camp retranché protégé par des ouvrages bordant le ravin du Furet entre le fort et les abrupts de la Chartreuse. « Une garde d’infanterie sur le haut des montagnes, au milieu, et quelqu’autre de cavalerie sur les petites hauteurs de la droite, et cela bien retranché et garni d’artillerie et protégé de la place. Il n’y a point d’armée qui pût les déloger de là. »

Le mémoire était accompagné d’un « état de ce qu’il faut faire », toujours daté du 7 octobre. On y constate l’aptitude de Vauban à veiller aux plus petits détails après s’être élevé aux grandes vues générales. Il règle les modifications à apporter aux bastions, fossés, chemins couverts et autres pièces : il fixe le nombre et l’emplacement des bâtiments, précise de faire trois latrines de bois et indique l’agencement à donner au puits pour le mieux protéger et rendre plus pratique. « N° 13 : accommoder le puits et lui faire un couvert voûté à l’épreuve de la bombe ; le rétrécir d’entrée, paver ses environs en glacis relevé posé en ciment, et mettre de grandes auges sous l’égout des seaux avec des barres de fer pour les poser dessus et de grandes roues et deux câbles. » Chaque article de ce devis faisait l’objet d’une estimation, dont le total s’élevait à 375.655 livres, ou, en se limitant aux ouvrages les plus pressés, à 34.794 livres. Comme toujours, Vauban se réservait le contrôle direct des travaux dans une dernière phrase. « Il (l’ingénieur) ne commencera aucun ouvrage contenu qu’il ne m’en ait envoyé les dessins pour voir s’ils sont conformes et y corriger ce qui aura besoin. ».

Quelques travaux furent réalisés suivant les consignes données par Vauban. On constate par exemple, en consultant les plans successifs, que vers 1698 le bastion 2 est transformé en demi-lune. Mais ce n’est qu’en 1700 qu’apparaît le pavillon d’entrée au milieu du front de Barraux. En 1703 il n’a toujours pas reçu sa couverture d’ardoise. Les deux pièces 13 et 14, destinées à donner des vues dans l’angle mort situé au pied du front de l’Isère, projetées dès 1689, sont construites en 1697-98. Diverses modifications secondaires interviennent encore ici ou là.

Second voyage de Vauban (1700) :

De retour en Dauphiné, Vauban se rendit à Fort Barraux et rédigea une “addition du 5 août 1700, jour et temps de ma visite”. Cet assez long mémoire indique la façon d’achever les travaux commencés, les mécanismes des portes, des ponts-levis, l’abaissement de la rampe d’entrée. Vauban ne manque pas de relever bien des imperfections. « Toutes les guérites de la place sont rompues… Il faut les refaire à neuf et à cinq pans, portées par un encorbellement de pierre de taille, le surplus de maçonnerie de brique ou de tuf et la toiture de bois avec un petit amortissement de plomb doré ou fer blanc au-dessus, terminé en fleur de lis… Le couvert du puit, tant recommandé, n’a pas été bien fait, la voûte est trop basse, le tour aussi et la roue trop élevée, le tambour, à l’entour duquel le câble doit dévider, trop court et trop petit… » Et à chaque fois Vauban indique les améliorations à apporter, par exemple aux souterrains, nombreux mais « encombrés et dont il n’y a pas un qui ne perce à la pluie par la voûte et par les côtés ». « Il faut, écrit-il, de toute nécessité, les tous découvrir pour les cimenter de nouveau et les entourer de murs de pierre sèche avec un canal dans le fond de la dite pierrée pour donner de l’écoulement à l’eau. » On mesure ici la compétence technique de Vauban, apte à tout régler dans l’édification d’une place, et pas seulement dans son dessin. On sait d’ailleurs qu’il avait rédigé de véritables brochures sur différents sujets pratiques, destinées à aider les ingénieurs dans l’exécution des travaux.
Résumant son mémoire, Vauban le réduit à trois points : achever la place, faire le retranchement entre le fort et la montagne et bâtir un pont sur l’Isère, couvert par deux redoutes. Les documents du XVIIIe siècle vont nous montrer quel fut le sort de ces projets.

Les travaux du XVIIIe siècle :

Pour cette époque, la plupart des « états des ouvrages que le Roy veut et ordonne être faits au Fort Barraux pendant l’année X » sont conservés, souvent accompagnés de plans magnifiques, de profils, de coupes et autre dessins explicatifs. Il est facile de constater que les crédits sont parcimonieux et le simple entretien difficilement assuré. La mention « d’escorchement » du revêtement se répète d’année en année, accompagnée de la constatation de l’aggravation des dégâts et de l’élévation du devis de réparation. Les travaux prescrits par Vauban n’étaient eux-mêmes exécutés que lentement et partiellement. Deux mémoires de 1717 et 1718, fort complets, établissaient entre autres ce qui restait à faire et l’on voit que c’est considérable. Il fallait encore approfondir les fossés , recouper l’arrière de la demi-lune 2 qui gênait le flanquement des bastions 1 et 3, rechaper des souterrains, aplanir la place d’armes, construire la plupart des bâtiments, faire le pont sur l’Isère, pour ne citer que les points essentiels.

Pourtant la guerre de succession d’Espagne avait montré l’intérêt du Fort Barraux : en 1708, Villars en avait fait sa base d’opération ; à partir de 1709, le fort entra comme point d’appui dans le dispositif défensif adopté par Berwick. Grâce à la savante préparation de ses « navettes », le maréchal, posté à Briançon put conduire rapidement ses troupes pour couper la route au duc de Savoie. En 1711, notamment, il fait établir un camp retranché en avant de Barraux, sans que Victor-Amédée osat forcer le passage. C’est précisément en 1708 que prit forme le vaste projet de couvrir chaque saillant du fort par un ouvrage avancé, soit au total sept lunettes. L’ensemble, « estant entouré d’un chemin couvert fera comme une base et nouvelle enceinte ». On réalisa aussitôt une des lunettes, cotée 34. On se proposait par là de surveiller les angles morts et d’éloigner les risques de sapes. Mais le reste de ce grand dessein fut reporté ; on retrouve périodiquement des plans le concernant. En 1751, un magnifique ensemble de plans et de profils complète ce projet d’un incroyable réseau de galeries souterraines, de contre-gardes et de glacis, montrant du même coup l’orientation des ingénieurs du XVIIIe siécle vers une géométrie volontiers systématique et quelque peu utopique. Les services de Versailles en furent-ils effrayés ? Toujours est-il que le plan pour servir aux projets de 1759 mentionne à propos de la lunette 34 : « lunette que l’on détruit, n’étant d’aucune utilité. » Ce fut son oraison funèbre. En fait, on se contenta de l’abandonner et ses traces sont encore visibles aujourd’hui. Un peu plus tard, on recoupa les orillons des bastions qui flanquaient le front de Savoie, en les remplaçant, selon une doctrine déjà ancienne, par des flancs perpendiculaires à la courtine.
On construisit également, durant le XVIIIe siécle, plusieurs bâtiment. Des logements furent élevés selon un projet de 1706, au-dessus des voûtes de la porte. Ils furent modifiés par un nouveau projet de 1762. Deux corps de casernes, régulièrement disposés, encadrèrent l’arsenal sur la partie gauche de la place d’arme, à la place d’une série de constructions vétustes et désordonnées. Enfin la chapelle, jusque là reléguée dans des locaux de fortune, fut construite à l’emplacement et suivant les grandes lignes du projet de Vauban.

A partir de 1792, Fort Barraux fut une base utile contre la Savoie ; mais les améliorations apportées à la place furent minimes. En 1791, on préparait l’expropriation de divers terrains pour y établir des ouvrages de campagne. En pluviôse an II, on achevait une redoute dite « du Mollard » en terre et à redans, couvrant le plateau en avant de la demi-lune 9. On y parvenait par un souterrain et elle avait pour mission de fournir, grâce à une casemate, des feux de revers contre les attaquants du fort. On reconnaît là les idées chères au général d’Arçon, qui réalisait des ouvrages analogues, mais plus puissants, à Briançon et à Mont-dauphin. Deux autres redoutes plus éloignées formaient des appuis avancés. L’une d’elle, la redoute du Niselet, sur les premières pentes de la Chartreuse, reprenait un emplacement déjà retenu par Vauban.

En dehors de quelques changements de noms (« caserne de l’uniformité », « pavillon de l’indivisibilité ») et de la transformation de l’ancienne chapelle en entrepôt à deux niveaux, le Fort Barraux ne fut pas modifié. Les crédits restaient très parcimonieux. Au projet d’ensemble envoyé au début de l’an VIII, le ministre répondit : « L’énormité de la dépense proposée par ce projet, le temps qu’exigerait pour leur confection les ouvrages à faire, leur importance et la maturité que réclame un tel projet ne permettent pas d’y avoir égard dans les circonstances actuelles. » Paris refusait même les crédits d’entretien, et la mention «ajourné» était parfois accompagnée d’un conseil tel que : «on doit faire ces sortes de réparations par des moyens rapides et militaires.»

On planta en l’an X cent quarante frênes et ormes à l’intérieur du fort. C’était une coutume utile à laquelle Vauban veillait particulièrement et qui permettrait en cas de siège de trouver rapidement le bois nécessaire pour palissader les chemins couverts. Ces arbres n’étaient sans doute pas encore assez grand lorsque la mise en défense du fort revint à l’ordre du jour. En 1814, puis en 1815, les troupes autrichiennes l’entourèrent mais sans chercher à le prendre, sachant que sa reddition interviendrait par le seul fait du cours général de la guerre.

Depuis plusieurs années déjà, le fort était devenu insuffisant. Aux défauts toujours signalés venait s’ajouter l’inadaptation à l’armement moderne. En 1793 déjà, un mémoire signale : «La place est tout au plus à l’abri d’un coup de main… Elle ne pourrait tenir vingt-quatre heures contre un siège bien disposé…». En vendémiaire an V, le fort Barraux était classé « place d’entrepôt de troisième ordre ». Le XIXe siècle devait y faire quelques transformations, notamment sur le front orienté vers Grenoble. Mais l’ensemble de la forteresse ne se modifiera plus, si ce n’est par une lente dégradation et quelques additions douteuses, comme un transformateur électrique au milieu de la demi-lune d’entrée. Elle a, bien entendu, perdu aujourd’hui toute ombre de valeur militaire.

L’enceinte :

L’exposé historique qui précède montre qu’à travers les siècles, le Fort Barraux a conservé les grandes lignes et bien des détails de son système défensif. Une visite doit nous permettre de préciser ce qu’il en est.

Si nous accomplissons le tour de l’enceinte, nous constatons que le front d’entrée est intact. Toutefois les ponts franchissant les fossés sont devenus des chaussées pleines par l’obturation de leurs arches. Mais les bastions ont conservé leurs orillons, les courtines leur cordon ; malheureusement, comme autrefois, de graves « escorchements » ouvrent des plaies béantes et grignotent les parements, tandis que des arbrisseaux disloquent librement la maçonnerie. Ici comme sur tout le reste de l’enceinte, il n’y a plus une seule échauguette : leur silhouette accidenterait pourtant de manière heureuse les austères horizontales de l’escarpe. La porte est parfaitement conservée, tout à fait comparable à celle de Montdauphin, de peu d’années antérieure. Un fronton triangulaire soutenu par deux pilastres détachés sur un appareil à refends domine un cadre en retrait, dans lequel, sous un tableau nu, s’ouvre l’arche de l’entrée, encore munie de ses puissants battants cloutés et bardés de fer. En arrière se profile le toit mansardé du pavillon de la porte, encadré de deux tourelles d’escalier dont la toiture conique a remplacé les bulbes initialement prévus.

Le front de Savoie n’a guère changé non plus : la grande demi-lune le protège toujours, elle-même couverte à sa pointe par les ruines d’une contre garde édifiée au XIXe siècle. Sur tout le parcours, le chemin couvert est bien tracé, épaulé d’une banquette et coupé de ses traverses. On peut seulement déplorer certaines réparations qui introduisent très fâcheusement des plaques de béton au milieu des assises régulières de l’appareil. Comme toujours, ces puissants volumes aux arêtes vives, ces larges surfaces grises soulignées par la verdure des parapets sont d’une grande richesse plastique ; l’austère beauté de ces parois où le jeu de l’intelligence mathématique combine lignes et plans est une réelle satisfaction pour l’esprit. Sur le front de l’Isère, les pièces 13 et 14, toujours en place se dégradent rapidement. C’est le côté tourné vers Grenoble, le plus vulnérable dès l’origine, qui a été le plus modifié à l’époque moderne sans que la silhouette générale du fort en soit altérée.

Les Bâtiments :

Le corps de place conserve aussi l’essentiel des bâtiments anciens. La porte débouche sur la place d’arme par un large vestibule voûté, ouvert de trois arches surbaissées, à refends : on reconnaît exactement l’élévation du projet de 1762. Il convient toutefois de remarquer, ici comme dans les autres constructions, la disparition des toitures d’ardoises souvent mentionnées au XVIIIe siècle ; un texte de l’an X en mentionne l’idée, jugée économique.

A peu près en face de l’entrée, se dresse la chapelle ; elle est extérieurement de la plus grande sobriété, mais de bonnes proportions. Un faîte en campanile de charpente coiffé d’un dôme en forme les lignes. L’intérieur est formé d’une courtine voûtée en plein cintre, d’un chœur voûté d’arêtes et d’une abside arrondie, peu profonde, ouverte sous un arc d’entrée surbaissée. L’ensemble est vide ; il est vrai qu’in y emmagasina des vivres sous la révolution et l’empire. L’autel a traversé ses temps difficiles : il est fort simple, en bois doré avec un tabernacle orné de colonnettes ioniques et encore muni de ses chandeliers. Dans l’angle est entreposé un confessionnal en bois, orné de têtes d’anges et terminé par quatre volutes portant une croix. Des teintures, réalisées par un prisonnier allemand en 1945, achèvent de s’effacer sans laisser de regrets. La charpente, par contre, est d’une belle facture.

Les bâtiments des casernes (17B, 17C) ainsi que l’arsenal qu’elles encadrent sont anciens, achevés de 1728 à 1759, mais n’offrent pas un intérêt architectural particulier. Les deux magasins à poudre sont aux emplacements primitifs, mais celui dû à Vauban (dans le bastion I) a été passablement remanié. A l’extrémité Sud-Ouest de la place d’armes se trouve le bâtiment du Gouvernement. C’est le plus ancien du fort : son implantation est déjà noté par J. de Beins en 1608. Très sobre, il ne manque pas de caractère, grâce surtout au grand développement du toit. Cet édifice servait de logement au lieutenant du roi, qui représentait le gouverneur, généralement non résidant. Il a changé à plusieurs reprises de destination depuis la révolution. L’entrée principale est surmontée d’une fenêtre cintrée sous un fronton, orné d’un balcon de fer forgé d’ailleurs mutilé. L’intérieur est dans le plus triste état ; on peut y voir pourtant quelques jolis détails, notamment une cheminée d’époque Louis XV surmontée d’un cadre de pierre sculptée.

Devant le gouvernement se situe le puits, objet de toutes les sollicitudes de Vauban. Il est abrité sous un toit pyramidal qui recouvre une voûte de briques sans doute récente. Bordé d’une margelle de dalles tressées, l’orifice, de 3 mètres de diamètre, est plus étroit que le puits, selon les ordres de Vauban. Une coupole s’arrondit sous le pavage, s’amplifiant jusqu’à la circonférence du puits. Sur 5 mètres de large et 38 de profondeur, ce dernier accumule un volume d’eau considérable, comme une sorte de citerne. Du reste, les responsables se sont toujours préoccupés de l’alimenter. Des sources captées y conduisaient l’eau. Un mémoire signale que les conduites furent rompues en 1705 par les travaux d’approfondissement des fossés. On dériva alors une partie de la source de la fontaine de Barraux et le puits se remplit à nouveau, « hors la fin des hivers que les gelées et neiges crèvent les bourneaux et tuyaux ». Il faut savoir que ces conduites étaient en bois. Leur remplacement fréquent posait à Fort Barraux des problèmes de fournitures, et faisait l’objet en 1747, de doléances sur les lenteurs administratives : « on ne sait à qui s’adresser ni dans qu’elle forme il en faut établir les demandes et le service en aurait souffert plusieurs fois si Messieurs les commandants de province n’avaient décidé d’autorité dans le besoin pressant. Messieurs les intendants renvoient à M. le contrôleur général, ce ministre renvoie aux Eaux et Forêts, et les employés des Eaux et Forêts n’ont aucune forme et ne décident que très difficilement. » Le style du XVIIIe siècle a toujours beaucoup de saveur dans sa franchise…

Quelques dates :

1663 – Le régiment de Fort-Barraux est l’une des rares unités à participer à la défense de Vienne en Autriche attaqué par 120 000 turcs.
1665 – Louis XIV envoya au Canada le régiment franco-savoyard commandé par le prince Thomas de Savoie-Carignan, alors en garnison à Fort-Barraux, pour lutter contre les iroquois qui menaçaient les 3 000 éclaireurs de la colonie française naissante. Vingt compagnies du régiment de Carignan Infanterie (lointain ancêtre à la fois de nos chasseurs alpins et des troupes coloniales) partirent de Barraux pour une farouche et parfois pittoresque guerre aux indiens. Près de la moitié de ces soldats restèrent au Canada volontairement avec leurs officiers où ils firent souche.
1693 – Des ingénieurs militaires partent du fort pour construire à Cuba et au Mexique des forts pour le compte de l’Espagne.
1749 – Un corps d’armée espagnol en guerre contre le royaume de Sardaigne, séjourne au fort d’où il malmène quelque peu la Savoie. De nombreux déserteurs sont fusillés dans les fossés.
1793 – Barnave, jeune avocat grenoblois y fut enfermé pendant quelques mois.
1814 – Les enfants de Barraux réussissent à approvisionner en munitions les soldats du fort attaqués par les autrichiens qui furent repoussés mais auxquels le fort fut tout de même livré en 1815.
Après la défaite de 1870, l’attitude de l’Italie conduit à la construction de 6 forts autour de Grenoble, dont ceux du Murier et du Saint Eynard. Au cours du XIXe siècle, les défenses du Fort-Barraux sont également reconsidérées et renforcées.
1917 – Le fort est transformé en camp d’officiers allemands prisonniers. Comme à Kolditz, 30 officiers s’évadent par un tunnel creusé sous les remparts ; parmi eux, un Von Bulow et un Von Bismark.
1937 – Le fort hébergea des réfugiés espagnols fuyant la guerre civile.

Période 1940 / 1945 – Source : Musée de la résistance et de la déportation de l’Isère

Le Fort Barraux est constitué le 24 juillet 1940 en Centre de Séjour Surveillé (CSS), sous tutelle du ministère de la Guerre, et fait partie du dispositif d’internement que met en place le régime de Vichy.
A la différence des derniers gouvernements de la IIIème République, qui sous la pression d’événements nationaux et internationaux (arrivée d’Hitler au pouvoir, guerre d’Espagne, afflux massifs de réfugiés, pressions de l’extrême droite), créent quelques camps d’internement, le gouvernement de Vichy développe une nouvelle politique de l’internement en rupture totale avec les principes républicains. Sa volonté est d’épurer la France de ceux qui lui nuisent et l’empêchent de se reconstruire dans une «Europe nouvelle» désormais dominée par l’Allemagne nazie.
La loi du 3 septembre 1940 prévoit l’internement dans des CSS, sur simple décision du préfet et pour une durée indéterminée, de “tout individu dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique”.
En juillet 1940, les premiers internés du Fort Barraux, sont les membres démobilisés des compagnies spéciales de travailleurs militaires, considérés comme dangereux pour la sécurité nationale ou l’ordre social.

1941. Internés au Fort Barraux (coll.MRDI)

Le 1er novembre 1940, quand le fort passe de la tutelle du ministère de la Guerre à celui de l’Intérieur, le commissaire spécial Wenger, premier chef civil du camp, veille alors sur 704 internés originaires des compagnies spéciales.
Ils sont rejoints, jusqu’ à la fin de 1942, par des «indésirables politiques», soit principalement des membres du Parti communiste, et, à partir d’août 1941, par quelques “délinquants économiques” (trafiquants du marché noir).
En août 1942, et notamment du 16 au 27, les Juifs étrangers, arrêtés dans la région, sont internés au Fort Barraux avant d’être dirigés vers Lyon, le 28, puis déportés à Auschwitz.
Les décisions ministérielles des 31 octobre et 9 novembre 1942 modifient la destination du CSS du Fort Barraux qui se spécialise alors dans l’internement des “repris de justice et souteneurs”.

 

En octobre 1943 François Risterucci, ancien chef du camp de Saint-Sulpice-la-Pointe, déplacé pour brutalités envers des détenus, est nommé à tête du camp de Fort Barraux. Simple gardien de camp (à Saint-Paul-d’Eyjeaux puis à Rivesaltes), ce trop zélé serviteur du gouvernement de Vichy sera le dernier collaborateur exécuté en Isère, le 29 décembre 1946

François Risterucci entouré des gardiens du camp, Fort Barraux, 1943
Fonds Michelle Goddard, coll. MRDI

 

François Risterucci, Fort Barraux, 1943
Fonds Michelle Goddard, coll. MRDI

Le 22 juin 1944, les Allemands déporteront les 400 internés
qui se trouvent encore au Fort Barraux

La période 1944 / 1948 – le PGA 144 :

Pendant les hostilités, en fin 1944 et début 1945, le Fort-Barraux sert de dépôt pour prisonniers de guerre allemands (P.G.A). Il s’agissait uniquement d’assurer la garde des militaires allemands capturés au cours des combats dans les Alpes.
A partir de fin 1945 et en 1946, l’effectif du dépôt de P.G.A. a été considérablement augmenté par les nombreux soldats allemands faits prisonniers au cours des combats de la fin de la guerre ou ramassés en Allemagne même par les troupes américaines après la capitulation allemande. Le dépôt de Savoie a été constitué à l’origine à Aix-les-Bains et il a été transporté ensuite à Fort-Barraux avec des annexes à Chambéry, Alberville et Moûtiers.
Il devient une réserve de main-d’œuvre et dépend du ministère du travail. Les prisonniers sont répartis en commandos de travail d’après les ordres du directeur départemental de la main-d’œuvre et conformément aux priorités établies en fonction des besoins (mines, barrages, industries électrochimiques, routes, exploitations forestières, agriculture, etc…). L’administration du dépôt des prisonniers de guerres et la garde des prisonniers est assurée par des militaires mis provisoirement à la disposition du ministère du travail. Les employeurs des prisonniers de guerre sont tenus de nourrir et de vêtir les hommes mis à leur disposition et doivent verser en outre une indemnité journalière au ministère du travail..
En Savoie, le nombre de ces prisonniers a été très variable suivant les époques et l’évolution des besoins. On peut évaluer l’effectif en Savoie de 4 000 à 8 000 hommes. Il est honnête de rappeler l’importance de la contribution apportée par cette excellente main-d’œuvre au relèvement de la France au lendemain de la guerre. Un simple exemple : au printemps de 1946, le dépôt du département de l’Ain entretenait un effectif permanent de 800 hommes à Génissiat. Ce commando a contribué puissamment à la construction du barrage. C’est dans l’automne 1948 que les derniers prisonniers ont été libérés et regagné leur domicile. La grande majorité de ces anciens P.G. ont cherché a oublier leur captivité et ont rompu tous contact avec ce qui pouvait leur rappeler cette période de leur vie. Les anciens du dépôt de Savoie font exception à cette règle. D’ailleurs certains prisonniers sont restés en France pour diverses raisons et ont pris souche, jouissant de l’estime générale de leurs employeurs, de leurs collègues ou voisins. L’un d’entre eux, Hans Wilhem, le dernier chef de camp du dépôt a créé une amicale des anciens prisonniers de guerre de Fort-Barraux et tissé des liens avec les anciens gardiens et cadres français. Ce précurseur du rapprochement franco-allemand a ainsi contribué à l’entente et à la réconciliation entre les deux peuples.
Pour l’anecdote, les fresques existantes dans la chapelle du fort sont dues à monsieur Haas, élève de l’école d’architecture de Plochau de Munich, ancien prisonnier.

1947 à 1985 – Le fort Barraux devient un dépôt de munitions régional de la VIIIème région militaire (1962), puis de la Vème région militaire en 1966. Il est désactivé en 1986, ses deux derniers chefs de dépôt furent l’adjudant-chef Valos et l’adjudant-chef Palasse…

à partir de 1987 – les JET (Jeunes en équipes de travail)

Il n’était plus utilisé et probablement voué à un sort obscur, lorsque l’Association J.E.T. s’y installa fin 1987. Racheté par la commune de Barraux, dégagé, débroussaillé, et partiellement remis en état au cours des stages successifs, Fort-Barraux peut accueillir 25 stagiaires de 18 à 24 ans et les sept militaires de différents grades qui les encadrent.
Fondée en 1986 à l’instigation des ministres de la Défense et de la Justice par l’amiral Brac de la Perrière, l’association “Jeunes en Equipe de Travail” (J.E.T.) se propose de donner une deuxième chance à des jeunes délinquants condamnés à de petites peines en leur offrant une alternative à la prison : des séjours de 3 à 4 mois dans l’un des 3 centres J.E.T. les préparent soit au service national. soit à des stages de formation, soit à une entrée dans la vie active Tous les deux mois environ 70 à 80 jeunes sont ainsi sélectionnés sur tout le territoire national, en accord avec l’Association, par les juges de l’application des peines pour participer aux “stages J.E.T.”.
A Fort-Barraux, les 2 premiers mois de stage sont consacrés à des travaux en atelier, à la remise en état du Fort ou à des travaux variés au profit des municipalités voisines et laissent une part importante au sport et à la formation générale (y compris le permis de conduire pour ceux qui en ont l’aptitude). Le dernier mois est consacré à un chantier autonome loin du Fort.

Toutes les activités sont obligatoires et ces journées bien remplies visent à donner aux stagiaires le sens de l’effort, le goût du travail bien fait, l’aptitude à la vie en équipe et le sens de la responsabilité qui leur seront nécessaires dans leur réinsertion sociale et professionnelle. En échange de leurs efforts pour suivre le rythme et parvenir à la fin du stage les stagiaires bénéficient normalement à la sortie de quelques mois de libération conditionnelle.
Ceci suppose, outre un hébergement, un emploi ou mieux un stage rémunéré de formation professionnelle. En liaison avec les divers organismes de réinsertion tels que l’A.F.P.A. ou les Missions locales, les membres de l’association et les cadres militaires effectuent les démarches nécessaires et, à ce jour, aucun stagiaire n’est retourné en prison faute de moyens d’existence en fin de stage. Au reste J.E.T. n’abandonne jamais ses anciens stagiaires (plus de 1100 en 3 ans et demi), qui peuvent toujours l’appeler à l’aide. Cette action, dont il serait illusoire et sans doute trompeur de tirer un bilan chiffré, n’est possible que grâce au soutien de la Défense. En effet, détachés de leur unité à Fort-Barraux, des officiers, des sous-officiers et quelques militaires du contingent, volontaires, acceptent de donner 3 mois de leur vie pour encadrer des jeunes, égarés dans la délinquance, en partageant toutes leurs activités quotidiennes 24 heures sur 24 : une expérience enrichissante aussi bien d’un point de vue. Leur dévouement et leur disponibilité au service d’une mission difficile mais exaltante “Sauver de la délinquance des enfants qui sont, eux aussi, l’avenir de notre pays”. 

Conclusion :

Le Fort Barraux tire une partie de sa beauté du cadre dans lequel il est placé. Au pied du grand abrupt de la Chartreuse dont la falaise dépasse 1800 mètres, il borde une terrasse ouverte au midi, magnifique belvédère devant lequel se déroule la large plaine du Grésivaudan ; au-dessus de ce paysage bocager, tout piqueté de villages, se dresse la chaîne de Belledonne, dont les cimes, trouant le manteau forestier des premières pentes, frôlent les 3000 mètres. On ne peut que souhaiter aux bâtiments de la citadelle de trouver un usage permettant leur remise en état et le libre accès du public qui trouverait là, grâce à quelques commentaires judicieux, une belle occasion de tourisme intelligent.

Les places du XVIIe siècle, sans êtres rares, sont peu nombreuses. Celles qui remontent à la fin du XVIe sont beaucoup moins courantes encore. Le Fort Barraux est l’une d’elles. Son état actuel permet facilement, à l’aide des plans et devis anciens, de reconnaître les dispositions primitives et les transformations successives. Et nous sommes conduits à constater que le système classique de défense est fixé dans ses grandes lignes dès le règne de Henri IV. Le dessin des pièces de fortification variera selon les théories particulières, mais aucune invention ne viendra bouleverser les données établies.

Comme tout l’art militaire, le domaine des fortifications relève du bon sens et de l’expérience. Vauban pousse au génie ces deux qualités. Ni en 1692, ni en 1700, le grand ingénieur ne vient avec une solution miracle ou un système abstrait. Mais en s’appuyant sur de longues observations et un incomparable sens du terrain, sur un raisonnement d’une impeccable logique, il indique des corrections précises. Pour lui, il n’y a point de détail inutile : il sait que l’état des souterrains ou la profondeur d’un fossé compteront autant dans le combat que le tracé général de l’enceinte ; il rappelle qu’une voûte insuffisante au-dessus du puits peut permettre sa ruine par l’artillerie adverse et entraîner la perte de toute la place. On le voit enfin penser toujours aux hommes, à leur condition de vie, non seulement parce qu’il sait bien que la valeur d’une place est fonction de celle de ses défenseurs, mais par une bonté naturelle qui transparaît vite.

Ce n’est pas un des moindres intérêts du dépouillement des archives de Fort Barraux que d’y rencontrer le style simple, clair, souvent teinté d’humour, de cet homme attachant qu’est Vauban, passionnément voué au service du roi, c’est-à-dire de la France.

Jadis voué à la guerre et à son cortège de misère, ce Fort a traversé les siècles et les tourmentes de l’histoire, il demeure majestueux et défiant le temps.

La Ferté-Hauterive…

Histoire de l’entrepôt de réserve générale de munitions (E.R.G.Mu)
et du Centre de spécialisation des artificiers du service du matériel (C.S.A.S.M)

Situation géographique :

Le complexe militaire regroupant l’E.R.G.Mu. de La Ferté-Hauterive, le centre de spécialisation “lieutenant LEFEVRE” des artificiers du service du matériel (C.S.A.S.M), et la cité-cadres de la garnison, a été édifié sur un terrain domanial de 62 ha environ, sur le territoire de la commune de SAINT-LOUP (Allier), dans la plaine Bourbonnaise.

 

Cet ensemble est situé entre la nationale n° 7 et la rivière l’Allier. Il est éloigné d’environ 25 kms de l’agglomération de MOULIN (au Nord) et de 32 kms environ de celle de VICHY (au Sud).

Il occupe deux parcelles de terrain situées de part et d’autre du V.O n° 29 et de la voie ferrée MORET-ROANNE : d’une part l’E.R.G.Mu proprement dit (55 ha 57 a 7 ca), d’autre part la cité cadres et la caserne De Bange où se trouve implanté le C.S.A.S.M. (6 ha 14 a 25 ca).

Les centres urbains les plus proches sont VARENNES-SUR- ALLIER (7 kms) et SAINT POURCAIN Sur SIOULE (9kms).

L’Entrepôt de réserve générale de munitions (E.R.G.Mu) de La Ferté-Hauterive… dans les années 1960…

Historique

L’entrepôt de réserve générale de Munitions de la FERTE-HAUTERIVE, a été créé dans un but tout particulier à la fin de la première guerre mondiale 1914-1918. En effet, il restait à cette époque, une quantité assez importante de munitions chargées avec des produits toxiques ou spéciaux. Leur stockage et leur surveillance posaient un problème délicat qui nécessitait un établissement et un personnel spécialisé. C’est ainsi que fut créé en 1920 l’entrepôt d’obus spéciaux de la FERTE-HAUTERIVE…

Les archives de l’établissement ont en partie été détruites ou dispersées au cours de la guerre 1939-1945, mais le reliquat retouvé permet de retracer sommairement les principales phases de la vie de l’établissement.

En 1920, la Direction de l’Artillerie (Etablissement Central du Matériel Chimique de Guerre) décidait l’acquisition de parcelles de terrain sur le territoire de la commune de SAINT-LOUP (Allier) pour l’installation d’un entrepôt d’obus spéciaux.

En 1923, il était décidé la construction des pavillons d’Officiers et de Sous-officiers.

En 1925, les travaux de deuxième urgence sont entrepris à l’Etablissement qui a pris la dénomination d’Entrepôt de Réserve Générale d’Artillerie de la FERTE-HAUTERIVE. En particulier, il est poursuivi la réalisation de cinq magasins à poudre, l’aménagement d’ateliers d’encartouchage, la construction du laboratoire et la construction d’un casernement destiné aux logements du personnel de la compagnie de soutien. Les travaux se poursuivent pour les réalisations complémentaires, en particulier les installations électriques et le chauffage central.

Jusqu’en 1939, l’Entrepôt de Réserve Générale d’Artillerie de la FERTE-HAUTERIVE, reste l’Etablissement spécialisé dans la surveillance, l’entretien, la remise en état et la démolition des munitions à chargement spécial.

Au début de l’année 1940, les munitions toxiques commençaient à être évacuées vers les bois de LEYDE (alentours de NEUILLY-Le-REAL).

Les Allemands occupent l’entrepôt en juin 1940, l’évacuent en y conservant une commission de contrôle et l’occupe à nouveau en novembre 1942. A partir de cette date, les Allemands continuent l’évacuation des munitions à chargement spécial et créent un dépôt de ces munitions dans la forêt de JALIGNY L’Etablissement est alors transformé en dépôt de munitions de toutes natures, en particulier de munitions explosives, de cartouches de 20 mm et de cartouches d’infanterie.

Fin Août 1944, les Allemands quittent l’entrepôt, font sauter la presque totalité des munitions entreposées. L’Etablissement est détruit à 80%.

Le 26 décembre 1944, une conférence est tenue à CLERMONT-FERRAND, en vue de la réorganisation de l’E.R.G.Mu de La FERTE-HAUTERIVE. Toutes les toitures de bâtiments non détruits ont été soufflées et sont à remplacer, les routes à remblayer, le matériel nécessaire à l’exploitation à mettre en place. Il est prévu le stockage de 5 300 tonnes de munitions de toutes classes.

Le 8 mars 1945, le Ministre décide que La FERTE-HAUTERIVE sera organisée en dépôt de campagne pour le stockage des munitions provenant de la récupération.

En 1946, le Ministre fixe certaines conditions de stockage, conditions imposées du fait de l’implantation particulière des magasins à munitions.

Par suite des nouvelles règles de stockage édictées par l’instruction ministérielle du 25 février 1953, un projet de réorganisation des stockages est approuvé en octobre 1953. L’implantation particulière de l’E.R.G.Mu ne permettant pas, d’une part, la création de trois parcs de stockage, et, d’autre part, les sécurités intérieures et extérieures ne pouvant être réalisées, il est seulement prévu le stockage de munitions de la 10° classe et de la 3° classe, à l’exception de munitions à charge creuse. Une dérogation permet le stockage en petites quantités de munitions de la 1° et de la 11° classe.

Enfin, par DM n° 37.452 du 4 août 1958, le Ministre prescrit la réorganisation de l’E.R.G.Mu. Cette réorganisation est approuvée par DM n° 48.748 du 14 octobre 1958. L’E.R.G.Mu de la FERTE-HAUTERIVE ne comporte qu’un seul parc de stockage (parc ” C “) et stock des munitions des 7°, 8°, 9° classes et en majeure partie des munitions de la 10° classe.

En 1958, grâce au concours apporté par le service du Génie, d’une part et aux efforts constants du personnel de l’Etablissement d’autre part, la presque totalité des bâtiments sinistrés a été reconstruite.

Du fait du type de stockage, l’activité de l’Etablissement s’oriente de plus en plus vers une spécialisation axée sur les travaux intéressants les cartouches pour armes portatives et les éléments s’y rapportant. A cet effet, un atelier de traitement chimique des métaux et un atelier de triage, nettoyage et reconditionnement des cartouches pour armes portatives, sont en cours de réalisation. Ces travaux nouveaux, sont effectués dans la mesure du possible avec du matériel et des méthodes modernes, afin de rendre ainsi viable et rentable l’Entrepôt de Réserve Générale de Munitions de la FERTE-HAUTERIVE.

Missions

L’ERGMu de la Ferté-Hauterive à toujours eu une vocation particulière. En raison de son implantation (à proximité d’une voie ferrée importante, d’une route nationale non moins importante, d’une canalisation de gaz de Lacq), de sa superficie réduite et d’un seul tenant, de la dimension de ses magasins et de leur répartition sur le terrain, il n’a été possible d’envisager dans cet entrepôt (pour des considérations de sécurité intérieure et extérieure) que des stockages de munitions des 7°, 8° et 10° classes avec dérogation pour un magasin de 11° classe et quelques cellules de 1° classe.

Contrairement donc aux ERGMu classiques à 3 parcs de stockage (A.B.C) celui de la Ferté-Hauterive n’est prévu que pour un parc de stockage ” C ” unique.

Cette particularité oriente la mission générale de l’E.R.G.Mu vers une spécialisation plus poussée en ce qui concerne la gestion, l’entretien et la surveillance technique des munitions pour armes portatives, et elle explique l’installation et l’organisation d’ateliers techniques spécialisés pour le reconditionnement complet des cartouches pour armes portatives et le traitement des accessoires de ces munitions (chargeurs et boites métalliques). L’établissement s’est vu également amené à mettre en place un tunnel de tir et des installations permettant d’effectuer les épreuves de tir et contrôles prescrits pour la visite détaillée de ces munitions. A signaler que les magasins des 7°, 8° et 9° classes sont réservées en principe aux stockages des munitions de la République Fédérale Allemande.

Moyens

En 1958, l’effectif est le suivant :

– 1 Officier supérieur, directeur, et 2 Officiers subalternes (1 officier comptable, 1 officier chef du service des munitions) ;

– 6 Sous-officiers (4 sous-officiers artificiers – 1 sous-officier comptable ” achats “- 1 sous-officier ” service général “) ;

– 10 Employés (4 commis, 3 agents de bureau , 3 agents contractuels) et 93 ouvriers.

L’établissement est réparti en trois services : service des munitions, service administratif et service général / FMB.

Depuis le 1er octobre 1947, l’établissement à dispose d’une régie d’avance, et est devenu autonome. Avant cette date, il était rattaché à l’E.R.G.M.A de Clermont-Ferrand, au point de vue administratif.

L’emprise

L’emprise de l’ERGMu affecte la forme d’un triangle, orienté Nord-Sud dans le sens de sa hauteur, dont les grands côtés sont constitués par le tronçon de voie ferrée MORET-ROANNE (ligne PARIS-NICE) et par celle à voie unique de la FERTE-HAUTERIVE à GANNAT, le petit côté étant en bordure du chemin vicinal ordinaire n° 29 dit ” des Mésilles et des Echerelles “.

La desserte ferrée est assurée par la gare de la FERTE-HAUTERIVE et l’ERGMu dispose d’un réseau de 9, 4 kms de voies ferrées intérieures. En outre il dispose également d’un réseau routier de 4,320 kms de routes à 3 mètres et 3,640 kms de pistes.

La protection contre le vol et le sabotage est assuré par :

– une clôture domaniale de 4 300 mètres de périmètre réalisée sur piquets métalliques supportant un grillage mécanique galvanisé de 2,50 mètres de hauteur, surmonté d’un triple rang de ronces artificielles.

– Trois miradors de surveillance, de 6 mètres de hauteur au plancher : 2 sur la partie ouest de l’entrepôt, 1 sur le merlon à la pointe Sud. Ces miradors sont équipés de projecteurs électriques orientables de 1500 watts.

– un chenil avec deux chiens de “grande ronde” alors qu’un minimum de 4 serait nécessaire.

– Dix gardiens veilleurs civils possédant une autorisation de port d’armes et renforcés si nécessaires par des militaires du C.S.A.S.M.

Pour sa protection incendie, l’établissement est équipé de :

– 2 stations de pompage avec installation de javellisation,

– un château d’eau de 500 m3,

– de canalisations d’eau sous pression alimentant 11 bouches de 100,

– 4 bassins de 150 m3 d’eau,

– un fourgon pompe d’un débit de 60 m3/heure,

– 3 motos-pompes d’un débit de 60 m3 (service munitions),

– 1 moto-pompe d’un débit de 30 m3 (C.S.A.S.M.)

En mesure préventive, le désherbage est assuré par le service ” munitions ” et les coupe-feux entretenus par le service général.

L’ERGMu dispose également de deux sirènes type ” ville de Paris 3CV ” et d’une télécommande par le réseau P&T pour le rattachement au réseau civil de diffusion d’alerte.

Le réseau électrique est alimenté en 15 000 volts sur son transformateur de 100 KWA – 110/220 volts mais dans un rapport, de 1960, il est précisé que, en raison des récentes installations électriques (cuves chauffantes – cabines de peinture – chauffage air pulsé), il serait indispensable pour un fonctionnement correct de porter la puissance du transformateur à 160 KWA sous tension de sortie de 220/380 volts.

Le service des munitions

Du fait qu’il n’y a qu’un seul parc de stockage, et par suite de l’importance croissante des ateliers spécialisés munitions, l’articulation est la suivante :
– Chef du service des munitions ;
– Bureau technique (Sous-officier Adjoint) ;
– Secteur munitions (parc ” C “) ;
– Ateliers munitions.

L’établissement est chargé de la réception et de la prise en compte des munitions sortant de fabrication (D.E.F.A), du stockage et de la livraison en fonction des ordres d’expédition émanant de la DCM (Bureau munitions). Les mouvements munitions sont importants, en particulier en 1960 il a été établi par le fichier technique 7 156 bulletins MU.5 entré et sortie. Ceci est du au fait que la plupart des munitions stockées sont destinées à l’instruction. Mais l’activité essentielle du service s’oriente sur le triage, la rénovation et le reconditionnement des cartouches pour armes portatives et des éléments s’y rapportant. Pour exemples, les études et réalisations sont les suivantes :

Atelier A pour le traitement chimique des boites métalliques et des chargeurs

Le problème à résoudre consistait en l’organisation et la réalisation d’un atelier polyvalent pouvant effectuer les travaux suivants :
– Remise en état complète des caissettes métalliques pour cartouches calibre 50 (12,7 mm) et calibre 30 (7,62 mm),
– Remise en état complète des chargeurs et maillons métalliques pour cartouches.

Après étude, pour des raisons d’économie et de sécurité, l’établissement s’est orienté vers des traitements chimiques qui ont permis d’obtenir des résultats intéressants, d’un emploi facile et d’un prix de revient normal.

L’atelier est organisé de façon à pouvoir effectuer les différents travaux demandés avec le même matériel et dans toute la mesure du possible avec les mêmes produits. Les traitements sont réalisés dans une séries de cuves métalliques, dont certaines sont en acier inoxydable. La manutention se fait par l’intermédiaire de paniers fixes ou tournants se déplaçant le long d’un monorail et à l’aide de palans électriques. Une partie des traitements est réalisée à froid, une autre partie à chaud.
Les gammes de traitement sont exposées ci-dessous :

A/ Cas des caissettes métalliques
1/ Dégraissage dans un bain de perchloréthylène à chaud,
2 / Décapage de la peinture à froid dans un bain de solvant spécial (IPRO-CL),
3/ Brossage en eau perdue dans une cabine réalisée par l’établissement,
4/ Rinçage dans une cuve en eau renouvelée,
5/ Dérouillage dans un bain de produit désoxydant à froid (Déoxydine 170 AE),
6/ Rinçage dans une cuve en eau renouvelée,
7/ Passivation à 90° dans une cuve calorifugée avec un produit spécial (Déoxylithe 10).

Ensuite les caisses sont séchées et dirigées sur l’atelier de peinture dont il sera question plus loin.

B/ Cas des chargeurs métalliques, maillons, etc…
1/ Dégraissage dans un bain de perchlorétylène à chaud,
2 / Dérouillage (mêmes conditions, mêmes produits que précédemment),
3/ Rinçage à chaud,,
4/ Passivation (mêmes conditions, mêmes produits que précédemment),
5/ Deux cas peuvent se produire : si l’oxydation a été légère, la couche protectrice de phosphatation n’est pas attaquée, les chargeurs seront simplement cirés ; si l’oxydation a été profonde, la couche protectrice a disparu, les chargeurs seront phosphatés à nouveau avant cirage. Le cirage est réalisé à chaud avec une solution de cire synthétique dans le trichloréthylène.
Le chauffage des cuves est réalisé électriquement pour des raisons de sécurité.

A noter que les traitements sont réalisés avec le même matériel (seul l’ordre des opérations change) et que, d’autre part, en vue d’une évolution ultérieure, la plupart des cuves sont prévues pour être éventuellement pourvue d’un dispositif de chauffage.

La remise en état des caissettes métalliques et le reconditionnement des cartouches impose de nombreux travaux de peinture au pistolet, de marquage de caisses. Pour faciliter le travail et satisfaire aux normes de la protection du travail, une cabine de peinture a été montée à l’Etablissement. La peinture se fait sous cabine, devant un rideau d’eau et sous une aspiration de 15 000 m3/heure. Les caisses sont amenées devant l’ouvrier par un convoyeur mécanique dont la vitesse de défilement peut être réglée en fonction des besoins.. L’air comprimé est fourni par un compresseur actionné par un moteur de 8 CV et un petit pistolet auxiliaire permet le marquage des caisses au moyen de vignettes.

Atelier A2 pour le reconditionnement des cartouches pour armes portatives

L’atelier A2, entièrement détruit, a été reconstruit par les moyens propres de l’Etablissement. Cette reconstruction s’est achevée en septembre 1961. L’atelier est divisé en deux compartiments, l’un est organisé en atelier de peinture sous cabine, l’autre destiné à l’installation des chaînes de reconditionnement de cartouches pour armes portatives tous modèles et tous calibres.

Une cabine vitrée permet au chef d’atelier de surveiller à la fois l’atelier de peinture et l’atelier de reconditionnement. Afin de permettre au personnel de travailler dans des conditions normales, en hiver, et d’augmenter ainsi le rendement de chacun, l’atelier est muni d’un système de chauffage à l’air chauffé et pulsé, par un générateur de 425 000 calories/heures à chauffage au fuel..

Dans la majeure partie des cas, il s’agit de cartouches en vrac qu’il s’agit de vérifier, nettoyer, lotir et conditionner afin de les utiliser comme munitions d’instruction. Dans les autres cas, il s’agit du changement de présentation des cartouches bonnes de guerre. Les chaînes sont donc organisées de telle sorte que toutes les cartouches pour armes portatives quel que soit leur calibre, ou le mode de présentation, puissent être traitées dans l’atelier..

LE CENTRE DE SPECIALISATION DES ARTIFICIERS DU SERVICE DU MATERIEL (C.S.A.S.M)

Historique

Le centre de formation de spécialistes ” munitions ” créé le 1er avril 1957, a été transféré de SALBRIS à LA FERTE-HAUTERIVE le 1er septembre 1958 et confié à la 733ème compagnie de munitions.
Ce centre a été inauguré le 11 octobre 1958 par le Général AUBERT, Directeur Central du Matériel et porte le nom de ” Lieutenant LEFEVRE “, Officier artificier mort au champ d’honneur le 19 mars 1945 à la CHARITE-SUR-LOIRE en accomplissant la mission de désobusage qui lui était confiée, et cité à l’ordre de l’armée :

LE PRESIDENT DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE, CHEF DES ARMEES, CITE

A L’ORDRE DE L’ARMEE

LEFEVRE Jean, Henri, Joseph, Rodolphe, Lieutenant de la Direction du Matériel (PARIS) jeune Officier artificier animé des plus belles qualités de courage et d’abnégation. D’un dynamisme hors de pair et toujours volontaire pour les missions des plus périlleuses, a demandé à être désigné pour mettre une équipe au travail sur le champ de mines du pont de la Charité-sur-Loire, qui avait déjà coûté la vie à plusieurs démineurs. Frappé le 19 mars 1945 par l’explosion d’une mine qu’il neutralisait, a trouvé une mort glorieuse dans l’accomplissement de son devoir.

 

Le discours prononcé par le général Aubert lors de l’inauguration du centre est accessible en cliquant sur la photo ci-dessous :

Le 5 mars 1959, la 733ème compagnie de Munitions n’ayant plus, de fait, les attributions d’une compagnie de munitions, reçoit la dénomination de Centre de Spécialisation des Artificiers du Service du Matériel (C.S.A.S.M).

Implantation

Le C.SA.S.M ” Lieutenant LEFEVRE ” est installé dans l’ancienne caserne ” DE BANGE “, située à proximité de l’E.R.G.Mu de LA FERTE-HAUTERIVE et à 300 mètres à l’Ouest de la route nationale n° 7, à 25 kms environs de MOULINS, au Nord. Le casernement occupe une superficie d’environ 2 Ha, dans un site agréable de la plaine bourbonnaise. Les abords sont très dégagés et par temps favorable, il est possible d’apercevoir le PUY-DE-DOME et la chaîne des dômes.

 

Missions

Ce centre forme les artificiers de compagnies de munitions, capables de reconnaître facilement les différentes munitions en service et d’encadrer des manutentionnaires. Les jeunes recrues proviennent du Centre d’Instruction du Service du Matériel (C.I.S.M) de MONTLUCON, chargé de l’instruction de base.

La durée deux stage de spécialisation est de deux mois. Il est prévu :
– 230 heures pour la spécialisation ” munitions ” (Cf. MAT 104 bis – tableau IX) ;
– 130 heures pour l’instruction militaire de complément à la formation commune de base (Cf. TTA 140 bis).
A l’issue de ce stage, le centre délivre aux recrues reconnues aptes ” le certificat pratique n° 1 ” Munitions “. Les autres sont classés manutentionnaires.

L’instruction technique est surtout pratique. On s’efforce de faire voir et toucher les munitions et leurs emballages en planches muettes et des croquis à colorier sont utilisés pour des séances théoriques. Cette instruction technique porte principalement sur :
– L’organisation du dépôt de munitions,
– L’identification rapide des principales munitions en service (couleur, code, marque, emballage),
– La notion de coup complet,
– Les conditions de conservation, lotissement, stockage, emballage,
– L’entretien sommaire des munitions,

– Les précautions à prendre au cours des manipulations et des transports,
– Les conditions de sécurité du stockage,
– L’organisation des réceptions et des expéditions,
– La comptabilité des munitions.

Le centre assure également d’autres prestations en instruction technique ” munitions “, des complément de formation d’instruction militaire (3° et 4° mois), ainsi que l’école de conduite et la formation des chauffeurs.

Organisation générale

Le directeur de l’ERGMu de LA FERTE-HAUTERIVE exerce les fonctions de directeur du Centre de Spécialisation des Artificiers du Service du matériel ” Lieutenant LEFEVRE “.

Cet officier supérieur dispose pour assurer le fonctionnement de cet organisme de deux officiers subalternes affectés au C.S.A.S.M. , et d’une section de commandement à l’effectif théorique de 12 sous-officiers et 29 brigadiers ou servants.

Les stagiaires sont répartis en 4 brigades (15 à 20 hommes par brigades). A la tête de chaque brigade est placé un sous-officier spécialiste ” artificier ” et un brigadier d’encadrement. Un Sous-lieutenant ou aspirant du contingent assure l’encadrement de deux brigades.

Administration & moyens

L’administration du C.S.A.S.M dépend du C.F.S.O.S.M (Centre de formation des sous-officiers du service du matériel) de CLERMONT-FERRAND. Le soutien santé est assuré par un médecin lieutenant qui exerce également les fonctions de médecin du travail vis à vis du personnel civil de l’ERGMu et dispose d’un ou deux infirmiers.

Les moyens mis à la disposition du C.SA.S.M sont un casernement, une cuisine-réfectoire, une infirmerie, des salles de douches, des garages….
Le centre a réalisé lui même une salle de cinéma, une salle de manipulation (munitions inertes), une salle de cours, une salle d’étude de l’organisation des dépôts de munitions (illustrée par le schéma d’un dépôt unitaire de 15 000 tonnes), un local pour caisses et emballages divers. Il a aussi réalisé un terrain de sport aménagé avec terrain de volley et football, une piste de courses de 250 mètres, et un parcours du combattant (350 mètres).

Niveau général des stagiaires

Les renseignements de l’époque témoignent d’une diversité d’origine étonnante :
– 20% des stagiaires ont une instruction générale supérieure (ingénieurs, chimistes, licenciés en sciences, professeurs agrégés, docteurs en sciences),
– 50% des stagiaires ont une instruction primaire : CAP – CEP – BEPC,
– 25% des stagiaires savent lire et écrire,
– 5% des stagiaires sont analphabètes.

A la fin de chaque stage, un examen sanctionne les résultats obtenus. La commission d’examen est composée d’un président (officier choisi en dehors des officiers instructeurs), d’un officier artificier, et d’un sous-officier artificier.

A l’issue des différents stages qui se sont déroulés de 1958 à 1961, il apparaît que 60% des stagiaires ont obtenu le C.P.1 et que 40% ont été classés manutentionnaires de compagnies de munitions. Ces proportions sont très variables d’un contingent à l’autre, en fonction des niveaux intellectuels des stagiaires. Une note de 1962 stipule qu’il serait souhaitable que la majeure partie des recrues affectées se situe dans la moyenne d’instruction générale BEPC – BEP – CAP car les recrues d’un niveau supérieur sont en majeure partie affectées à la 5ème Compagnie des Services et de ce fait perdues pour le service des munitions (*).

 

(*) ce que corroborerait une boutade d’un de nos généraux : “trop intelligent pour les MU” ?!!!

Leyment…

Histoire de l’entrepôt de réserve générale de munitions (E.R.G.Mu)

Situation géographique

L’établissement est situé à 45 Km au N.E. de Lyon, 30 Km au Sud de Bourg-en-Bresse, et 5 Km au Sud-ouest d’Ambérieu-en-Bugey… Il est placé à l’intérieur d’un triangle formé par la rivière Ain à l’Ouest, la voie ferrée Lyon-Genève au Sud, et la route départementale 77 de Leyment à Saint-Maurice-de-Rémens à l’Est.

La majeure partie de sa superficie est sur la commune de Saint-Maurice-de-Rémens, le reste dépendant des communes de Leyment et Chasey S/Ain.

Voisinage :
– Au Nord, la commune de Saint-Maurice-de-Rémens à 1100 mètres,
– A l’Ouest, le hameau de Martinaz (465 m) qui dépend de Saint-Maurice-de-Rémens,
– Au Sud, la voie ferrée Lyon-Ambérieux-Genève à 150 m environ du plus proche magasin à munitions,
– Au Sud-Est, le quartier de la gare de Leyment, avec la caserne et la cité cadre (800 m).

L’entrepôt a une forme très allongée. Le grand axe, orienté sensiblement Sud-Ouest / Nord-Est mesure 3 Km 200. La largeur varie de 120 mètres au centre, à 750 mètres aux extrémités. Il est traversé au milieu de sa longueur par la route reliant le hameau de Martinaz à la gare de Leyment, et dans sa partie Sud-Ouest par une route allant de Martinas vers la nationale 84 (Lyon-Genève). Ces deux routes le divisent donc en trois parties : Est, Centre, et Ouest. Le terrain est très plat et dénué. Le sol est constitué par du gravier recouvert d’une mince couche de terre au Sud-Ouest et d’une couche argileuse plus épaisse au Nord-Est.

 

Sa capacité de stockage était de 55.868 tonnes (avec dérogation) avant qu’elle ne soit réduite le 22 octobre 1970 (DM n° 12 560/DCMAT/MU.1) à 32 950 tonnes (sans dérogation), puis à 5100 tonnes en 1990…

Caractéristiques :

Etat physique :

Le camp des Fromentaux, ancien dépôt de surface, est un site clos qui s’étend sur 116 hectares.
Il est longé à l’est par la départementale 77, au sud par la voie ferrée Lyon-Genève et surplombé par l’autoroute A 42. L’établissement est traversé dans sa partie centrale par le chemin communal n°3 (qui relie la D77 au petit village de Martinaz).

Le dépôt comprend deux zones de stockage EST et OUEST s’étendant de part et d’autre d’une zone CENTRE plus particulièrement utilisée pour la direction et la vie courante. L’ensemble des surfaces bâties représente globalement 93 000 m2 dont environ 77 000 m2 au profit des magasins de stockage munitions, 957 m2 de bureaux, 4 182 m2 d’ateliers, 4 638 m2 de magasins divers et 1 289 m2 de locaux communs.

Ces locaux, hangars métalliques légers démontables, magasins semi-étanches, magasins étanches, magasins en maçonnerie légère, poudrières, ont été construits en majorité au cours des années 1920 à 1930.

Dès 1948 le dépôt est valorisé dans sa mission de stockage et l’aménagement de l’infrastructure se poursuit et voit son achèvement en 1955.
L’entrepôt reçoit au cours des années 80 une nouvelle charge de rénovation et de surveillance technique des munitions et son infrastructure est réhabilitée avec la transformation du bâtiment 0080 et la construction du bâtiment 0048 (et leurs annexes) situés en zone OUEST.

Enfin en 1995 et 1996 le bâtiment vie des militaires du rang et son extension au profit des cadres (Bât 0199) sont inaugurés. (zone CENTRE)
A cette époque, la totalité de l’emprise est close par 10 km de clôture en bon état, elle est traversée par 20 km de routes d’une largeur de 4 à 6m, en bon état, dont 15,5 Km goudronné et 4, 5 Km empierré et par 20 km de voies ferrées vétustes dont 1 faisceau de 8 voies parallèles ayant les deux extrémités électrifiées et reliées au réseau SNCF avec une pente maximale inférieure à 1%.

Description sommaire (années 1990…) :

Zone EST :

Enceinte pyrotechnique grillagée de 28 hectares constituée de 111 magasins en maçonnerie légère, 20 poudrières, 4 hangars légers démontables, 3 magasins en maçonnerie légère, 2 hangars de tôles et un bâtiment abritant 1 bureau avec poste de sécurité. Les magasins en maçonnerie légère situés à l’extrémité Est de la zone sont très vétustes, l’ensemble des poudrières et des magasins étanches est en bon état général.

Zone OUEST :

Enceinte pyrotechnique grillagée de 42 hectares constituée de 64 magasins à munitions, 1 poste de sécurité, 1 Atelier de Remise en Etat (ARE) des munitions et ses annexes, 1 Atelier de Visite et Surveillance Technique (AVE) et son annexe, une chambre à sable, un parking composé de deux îlots merlonnés, un poste de transformation mis en service en 1987, un bureau d’exploitation et son hangar. L’ensemble des magasins munitions est en bon état général. Les ateliers “AVE” et “ARE” sont en très bon état.

Zone CENTRE :

Zone vie où sont implantés de part et d’autre du chemin communal les bâtiments administratifs et de direction, les ateliers et hangars des moyens généraux, l’emplacement d’un ancien parc à ferraille, une station de stockage et de distribution de carburant, et un bâtiment “poste de transformation / groupe électrogène”. La partie “poste de transformation” est équipée de deux transformateurs de 150 et 160 kVA mis en service respectivement en 1989 et 1991. Les logements de la troupe et des cadres, un bloc alimentation, un bâtiment de sécurité, bureaux, salle polyvalente, un hangar de stationnement des véhicules légers, un bâtiment de gestion et de stockage des approvisionnements courants, un bâtiment de stockage des ingrédients, un chenil de 16 courettes et sa partie bureaux et magasins et 21 magasins munitions non sensibles. Les bâtiments, constituant les bureaux, la zone vie, les différents ateliers, garages et chenil, et les magasins, sont en bon état général. Les locaux réservés au logement de la troupe et le bâtiment des cadres sont en excellent état.

Historique

C’est le 12 octobre 1917, qu’une décision ministérielle prescrivait la création près de la gare de Leyment, petite commune du département de l’Ain, d’un entrepôt de munitions dépendant du parc d’artillerie de Lyon. Les travaux ont été rapidement entrepris et, dès le 7 avril 1918, les munitions arrivaient. Le 12 avril, on comptait déjà 382 wagons de 155mm et de 75mm. Les obus étaient stockés en plein air et dans des hangars en bois. Dans l’été de 1918, il y eut jusqu’à 520 000 obus de 155mm. A cette époque, 4 trains de munitions partent chaque jour vers le front. Une compagnie du génie, une compagnie de travailleurs et un groupe de 2 centuries italiennes assurent les travaux et les manutentions.

Après l’Armistice de 1918, on décidait de faire subsister le dépôt en temps de paix et de construire des installations définitives. C’est ainsi que peu à peu furent construits les différents magasins à munitions, les voies ferrées, les merlons, la caserne pour une compagnie de munitions en support d’établissement et une cité-cadres.

L’acquisition des terrains « terre des Fromentaux » est décidée en février 1919 après que l’entrepôt ait reçu son autonomie le 5 juillet 1918. Il est alors divisé en 3 secteurs : obus d’artillerie lourde à l’Est, munitions d’artillerie de campagne (calibre de 75 mm) à l’Ouest, charges et artifices au Centre.

En 1919, le dépôt de Leyment, maintenu définitivement, prend le nom d’ ENTREPOT DE RESERVE GENERALE DU TEMPS DE PAIX. Il reçoit alors des obus de 155 et de 75 provenant des zones de combat (en particulier 180 000 obus de 75 venant d’Italie).

Les principales constructions qui constituent l’infrastructure actuelle sont réalisées de 1920 à 1930. Dès juin 1920, l’entrepôt compte déjà 18 km de voies ferrées. La caserne destinée à la batterie d’artificiers en support de l’entrepôt, la cité-cadres et les premières poudrières dans la zone orientale datent de 1925. La 3ème compagnie du 14ème Bataillon d’Ouvrier d’Artillerie (BOA) succède en 1928 à la 3ème compagnie du 7ème BOA installée dans le casernement depuis 1923.

En 1918, construction de :
– 3 magasins à munitions d’une surface de 136 m2 à ossature en maçonnerie traditionnelle, remplissage parpaing de 15, charpentes bois, couvertures tôle,
– 1 magasin à munitions d’une surface de 136 m2 à ossature béton, remplissage de briques creuses de 10, sol béton charpente bois, couverture fibrociment,
– 1 magasin à munitions, d’une surface de 136 m2 à ossature béton, remplissage de briques creuses de 10, sol béton charpente bois, couverture en tôles.

De 1920 à 1921, 121 magasins à munitions sont construits, d’une surface de 315 m2 à ossature métallique, remplissage de briques de 10 sur 2,5m et bardages fibrociment sur les flèches de pignon, sols béton, couvertures fibrociment et d’un magasin d’une surface de 52 m2 en béton, sol béton, couverture en tuiles.

En 1925, construction de 4 magasins à munitions merlonnés, d’une surface de 137 m2 en béton double sur vide sanitaire, charpentes métalliques, couvertures tuiles, sols béton.

En 1928, construction de :

– bureaux, salle de soin et magasins matériels canins, d’une surface de 200 m2, sol béton, couverture voûte de béton avec revêtement étanche ;
– 20 magasins de 712 m2 à ossature béton et remplissage de briques de 10 sur 2/3 de sa hauteur et châssis translucides sur le 1/3 restant en façade. Pignons en béton de 40 cm, sols béton, couvertures voûtes béton avec revêtement étanche ;
– 1 magasin à munitions de 712 m2 à ossature béton et remplissage de briques de 10 sur 2/3 de sa hauteur et châssis translucides sur le 1/3 restant en façade. Pignon en béton de 50 cm, sol béton, couverture voûte béton recouvert de tôles ;
– 9 magasins à munitions de 712 m2 à ossature béton et remplissage de briques de 10 sur 2/3 de sa hauteur et châssis translucides sur le 1/3 restant en façade. Pignons en béton de 50 cm, sols béton, charpentes métalliques couvertures en tuiles.

EXTRAITS DES REGISTRES MUNICIPAUX DE LA MAIRIE DE LEYMENT

23 avril 1932 – aménagement d’une classe enfantine aux casernes.
Le Maire donne connaissance au Conseil des propositions faites par les services du génie de l’Armée, en vue de l’aménagement d’une école publique dans une dépendance des casernes de Leyment. Le CM, après examen de ces propositions, considérant les frais élevés qu’entraînerait cette installation, décide de renoncer à sa réalisation. Il remercie le service de l’Armée qui a bien voulu s’intéresser à cette affaire.
10 décembre 1932 – aide pour enfant scolarisé dans une école militaire.
Le Maire soumet au Conseil le dossier d’une demande faite par M. REMUZAT, capitaine à l’ERG et tendant à obtenir pour son fils, élève dans une école militaire, un trousseau gratuit. Le CM donne un avis favorable à cette demande.
18 novembre 1933 – frais de casernement.
Le Maire expose au CM qu’il a reçu de l’Intendance Militaire de BOURG des états de frais de casernement dus par la commune de LEYMENT en raison du séjour de militaires et chevaux de l’Armée sur son territoire. Les deux états communiqués au Conseil s’élèvent pour le 1er semestre 1933 à plus de 3 000 francs. Le CM, après examen, rappelle que la commune de Leyment n’a jamais sollicité l’installation de camp, de casernes et le séjour de militaires sur son territoire, bien au contraire. En ce qui concerne le bénéfice que peut en tirer le commerce local, il est à peu près inexistant. En effet, le camp et les casernements se trouvent éloignés de plus de 2 km de l’agglomération principale. La clientèle militaire pour faire ces achats, se rend de préférence à MEXIMIEUX ou AMBERIEU, villes toutes proches et facilement accessibles par voie ferrée. Loin de procurer des avantages à la commune, le séjour des militaires impose certaines charges administratives qui peuvent être onéreuses, comme l’insuffisance de locaux scolaires, etc… Pour toutes ces raisons, le CM se refuse à envisager qu’une somme quelconque puisse être versée par la commune et sollicite de l’administration supérieure la remise totale et définitive de toute redevance pour frais de casernement.

10 novembre 1934 – frais de casernement (suite).
Le Maire expose au Conseil que la commune est invitée à verser à M. le contrôleur des contributions, le montant des frais de casernement dus par la commune depuis le 1er janvier 1933. Le Maire rappelle la délibération du 18 novembre 1933 par laquelle il sollicitait la remise totale et définitive de toute redevance pour frais de casernement. Le CM décide à l’unanimité le refus de tout vote de crédit pour ce paiement. Il se permet de faire remarquer que cette redevance devant être prélevée sur les produits d’octroi, ne peut être payée par de petites communes où il n’a jamais été question d’établir des droits d’octroi.

10 janvier.1935 – frais de casernement (suite).
Le CM vote la somme de 1 200 francs pour le paiement des frais de casernement dus par la commune de LEYMENT pour les années 1933 – 1934.

De 1930 à 1940, les dépôts de desserrement de LABECASSINIERE, de la forêt de RENA et de la forêt de SEILLON sont créés.

En 1931, construction en béton d’un magasin à munitions d’une surface de 300 m2, sol béton, couverture voûte béton avec revêtement étanche et d’un magasin à matériel divers en béton, charpente métallique, couverture tuiles, sol béton, 14 magasins munitions d’une surface de 137 m2 en béton double sur vide sanitaire, charpentes métalliques, couvertures tuiles, sols béton et d’un magasin à munitions d’une surface de 100 m2 en béton, sol béton, couverture voûte béton avec revêtement étanche.

En 1932, construction de 2 magasins munitions merlonnés, d’une surface de 200 m2 en béton, sol béton, couverture voûte béton avec revêtement étanche et de 13 magasins en béton, d’une surface de 300 m2, à ossature béton et remplissage de briques de 10 en façade, sols béton, couvertures voûtes béton avec revêtement étanche, pignons en béton de 40 cm.

En 1933, construction de 8 magasins munitions d’une surface de 217 m2 à ossature métallique, remplissage briques creuses de 10, sols béton, couvertures fibrociment et de 1 magasin d’une surface de 136 m2 à ossature métallique, remplissage briques creuses de 10, sol béton, couverture fibrociment.

En 1937, construction d’un magasin à munitions de 950 m2 à ossature métallique, remplissage parpaings de 15 sur 2/3 de sa hauteur et châssis translucides sur le 1/3 restant, couverture fibrociment et d’un magasin de 532 m2 à ossature métallique, remplissage parpaings de 15 sur 2/3 de sa hauteur et châssis translucides sur le 1/3 restant, couverture en tôles

En 1940 ces dépôts sont évacués et les personnels sont mobilisés au sein du 14ème B.O.A.
Occupé en 1940 par les Italiens, puis en 1943 par les Allemands, l’entrepôt est bombardé en 1944 par les Anglais sans subir toutefois de dommages importants.
Fin 1944, l’entrepôt dépend de l’Etablissement Principal du Service du Matériel de Lyon (E.P.S.M.) et fonctionne au profit de la 1ère Armée.

La 163ème Compagnie de Munitions rejoint Leyment en octobre 1945.

De 1945 à 1947, l’entrepôt stocke les munitions arrivées en grande quantité des Etats-Unis.

En octobre 1947, la 734ème Compagnie Munitions succède à la 163ème Compagnie.

En 1948, l’entrepôt devenu autonome prend l’appellation d’ ENTREPOT DE RESERVE GENERALE MUNITIONS (ERGMu) et poursuit sa mission de stockage.
L’aménagement de l’infrastructure par la construction de hangars et de magasins dans la partie occidentale voit son achèvement en 1955. Dès lors sa physionomie évoluera peu.

En 1950, construction d’un magasin à munitions, d’une surface de 644 m2 à ossature métallique, remplissage parpaings de 15 sur 2/3 de la hauteur et châssis translucides sur 1/3, sol béton, charpente métallique, couverture tôle.
En 1954, construction de 13 magasins à munitions en hangars légers métalliques de 315 m2 , bardages et couvertures en tôles, sol béton.

En 1955, construction de 14 magasins à munitions en hangars légers métalliques, d’une surface de 315 m2 à bardages et couvertures tôle, sols bitume.

Le 30 juin 1964, la 734ème Compagnie est dissoute. Durant ces 17 années elle aura contribué à l’approvisionnement en munitions des unités combattantes en Indochine, Tunisie, Maroc et Algérie et jusqu’au profit des Forces françaises en Allemagne.

En 1971, il doit répondre à un flux important, lié à la suppression du dépôt annexe de La Valbonne.

En 1978, après s’être vu confier la rénovation et l’entretien des munitions, il devient ETABLISSEMENT DE RESERVE GENERALE DE MUNITIONS (ERGMu).

De 1984 à 1989, l’infrastructure est valorisée en conséquence par la construction d’un atelier de visite et d’entretien, la réalisation d’un parking « gros porteurs » et la restructuration de l’atelier de remise en état. Les mesures de sécurité sont également renforcées par la réalisation de deux zones militaires sensibles, la suppression du chemin des « fourches », le merlonnage du parking et des magasins ainsi que la mise en place d’une clôture de protection équipée d’un système de détection sismique.

Le 1er juillet 1990, le 24ème Bataillon du Matériel de Saint-Priest étant dissous, le détachement de protection, qui en était unité élémentaire, est intégré à l’ERGMu.

De 1990 à 1993, les travaux d’entretien de l’infrastructure se poursuivent afin d’améliorer la qualité des stockages (réfection toitures), d’assurer la sécurité pyrotechnique (parafoudrage, merlonnage) ainsi que la viabilité du site (réfection de quais VF, VR, réalisation de 4km de route). Cependant les stigmates de l’hiver rigoureux de 1990 demeureront longtemps visibles.

Le 1er janvier 1994, il prend l’appellation d’ ETABLISSEMENT DU MATERIEL (ETAMAT) DE LEYMENT et reçoit confirmation de ses missions. La même année la construction du bâtiment destiné à héberger les militaires du contingent et les personnels en gîte d’étape permet l’abandon du « Quartier de la gare » le 1er février 1995 (à l’exception du « célibatorium »).

De 1995 à 1998, les travaux de modernisation destinés principalement à la sécurité et à l’échange d’informations se poursuivent (système radio de sécurité rondier MOTOROLA, sas d’entrée, poste de sécurité; nouvelle cabine TM60, raccordement NUMERIS du central téléphonique, installation et fiabilisation de GTSM). La dernière opération d’infrastructure d’importance intervient en 1996. La réalisation du bâtiment cadres célibataires, mitoyen à celui des militaires du rang, permet l’abandon définitif du « Quartier de la gare ».

Le 7 juillet 1998, les annonces gouvernementales liées à la refondation de l’Armée de Terre induisent la dissolution de l’ETAMAT le 30 juin 1999 à minuit ainsi que la réduction progressive des activités pyrotechniques du site parallèlement à la réalisation du schéma national d’infrastructure munitions.

Première étape de sa fermeture définitive prévue pour 2004, il devient groupement technique du 7ème RMAT de Lyon le 1er juillet 1999.

Insignes successifs…

7° Bataillon d’Ouvriers d’Artillerie (B.O.A.)
Ecu français ancien outremer au lion couché d’or, timbré de deux canons croisés en sautoir d’argent, sommés d’une grenade d’or, la bombe quadrillée, les canons surchargés d’un petit écusson en forme de losange, rouge à numéro 7 d’or.
Cet insigne évoque Belfort, la garnison principale, par le lion de Bartholdi, le petit écu en forme de patte de collet rappelle que celle-ci était, pour les B.O.A. de couleur écarlate avec numéro jonquille ou or et sans soutaches.
Fabriqué par Drago, avant 1939.

14° Bataillon d’Ouvriers d’Artillerie (B.O.A)
Ecu de forme triangulaire vieil argent représentant sur un fond de montagne, avec rayons de soleil issant de cette dernière, chargé d’un motif constitué par deux canons croisés en sautoir chargé d’une enclume, le tout dans une roue dentée brochante sur la bombe d’une grenade et accompagnée en pointe du numéro 14 en relief, surmonté d’un cartouche portant le mot ” SERVIR ” en relief, chef portant en relief l’inscription : ” BATAILLON D’OUVRIERS D’ ARTILLERIE “.
Le bataillon était en garnison de Lyon, Grenoble, et Valence, mais rien n’évoque ces villes. L’insigne se contente de rappeler que le bataillon est en zone montagneuse, du moins en partie.
Créé avant 1939, fabricant inconnu.

Etant donnée la place acquise par le Service du Matériel en 1969 dans l’Armée de terre, il convenait qu’ il dispose d’un attribut faisant notamment référence aux couleurs bleue et gris qui furent, par le passé, les couleurs traditionnelles du Train des équipages de l’Artillerie, créé en 1800 par le premier consul pour les nécessités de ses campagnes.

Les insignes du Matériel se présentent donc sous la forme d’un écu français parti bleu et gris, portant en meubles la roue dentée d’argent surmontée d’une bombe à flammes du même, deux canons d’or croisés et, en pointe, un petit écu offrant les armes de la région d’implantation.

Par l’adjonction de cet écu les Directions régionales, les inspections et les établissements portent l’emblème de leur région militaire :
Les Armes de Paris pour les direction et inspection centrales ;
Celles de L’Île de France en 1ère RM, de Lille en 2ème RM, de Rennes en 3ème RM, de Bordeaux en 4ème RM, de Lyon en 5ème RM, de Metz en 6ème RM, de Marseille en 7ème RM, et d’Oberkirch aux F.F.A…. Enfin, pour l’Outre-Mer, c’est l’inévitable Ancre de Marine sur fond rouge…

 

A I’origine le système permettait de rendre I’écu amovible, comme c’est le cas pour les insignes de la Gendarmerie, afin qu’à la suite d’une affectation nouvelle le détenteur puisse adapter son insigne à moindre frais !… Cette disposition qui n’ avait pu être respectée au premier tirage fut réalisée par la suite, la fixation étant assurée au moyen d’un écrou.
Ces insignes “modulaires” ont été homologués sous le N° 2223 en août 1969 et réalisés par la société DRAGO.

 

 

A gauche, l’insigne de l’ERGMu “moderne” :
Ecu français moderne d’argent aux contours du département de l’Ain échiqueté d’azur et d’or coupé de gueules broché d’un missile d’argent placé en barre accompagné d’une louve de sinople. Le tout surmontant une grenade stylisée aux flammes du second métal. Il porte la mention ERGMu en canton dextre.
Homologué sous le numéro G2923 le 3 juin 1981.

A droite, celui de l’ultime ETAMAT…
Il se différencie du précédent par la suppression de la mention ERGMu.
Homologué sous le numéro G4250 le 24 avril 1995.

 

Les directeurs et chefs de corps successifs du “camp des Fromentaux” à travers ses appellations successives :

ENTREPOT DE MUNITIONS :

  • CE BOTELLE (octobre 1917 – septembre 1918)
  • CE REUBEL (octobre 1918 – mars 1919)

ENTREPOT DE RESERVE GENERALE

  • LCL VALARCHE (avril 1919 – octobre 1919)
  • LCL HERSAN (octobre 1919 – novembre 1921)
  • CNE ARNAULT (novembre 1921 – août 1922)
  • CES ANSEIGNE (août 1922 – mai 1925)
  • CE BELLAN (avril 1925 – juillet 1927)
  • CE GOETZ (juillet 1927 – octobre 1929)
  • CE NAYRAC (avril 1929 – octobre 1931)
  • CE DELIGNETTE (octobre 1931 – février 1934)
  • CE PISTRE (février 1934 – juin 1936)
  • LCL PISTRE (juin 1936 -février 1939)
  • CE CHANDESAIS (février 1939 – octobre 1944)

ETABLISSEMENT DE RESERVE GENERALE
MUNITIONS

  • IP2 BOISSELET (janvier 1978 – juin 1979)
  • LCL RAYNAL (juin 1979 – mars 1983)
  • LCL CONZE (juin 1983 – octobre 1986)
  • LCL FAISANDIER (octobre 1986 – octobre 1988)
  • CDT DEBERGES (octobre 1988 – juin 1989)
  • LCL DEBERGES (juin 1989 – décembre 1989)
  • CDT VOSS (décembre 1989 – septembre 1990)
  • LCL LEBERRE (septembre 1990 – juin 1993)

ETABLISSEMENT PRINCIPAL
DU SERVICE DU MATERIEL

 

  • LTN AUDEN (octobre 1944 – avril 1945)
  • CNE RIVE (avril 1945 – avril 1946)
  • CNE STEPHAN (avril 1946 – mai 1947)
  • CE CAMUS (mai 1947 – octobre 1948)

ENTREPOT DE RESERVE GENERALE
MUNITIONS

  • CNE LIMBOURG (octobre 1948 – février 1949)
  • CDT VANEL (février 1949 – décembre 1961)
  • LCL VANEL (janvier 1962 – juillet 1963)
  • LCL JOLY (juillet 1963 – août 1964)
  • CDT CAPDEVILLE (août 1964 – décembre 1964)
  • CDT MERTINY (décembre 1964 – juillet 1970)
  • LCL MERTINY (juillet 1970 – août 1973)
  • IP BOISSELET (août 1973 – décembre 1974)
  • IP2 BOISSELET (janvier 1975 – janvier 1978)

ETABLISSEMENT DU MATERIEL

  • LCL NARDOU (juin 1993 – juillet 1995)
  • LCL GUEROULT (août 1995 – août 1998)
  • LCL CHARLIER (août 1998 – août 1999)

A compter du 1° juillet 1999, 1’ETAMAT de Leyment devient groupement technique du 7° RMAT de Lyon dont le chef de Corps est situé à la portion centrale.

 

L’historique du dépôt du Rozelier de sa création par les américains à ….1967.

L’horizon 2008…
… tel qu’on le voyait en 1990…

document d’archive…

ni nostalgie, ni regrets ou remords… seulement une leçon de modestie et de réalisme…

1990-1991 Guerre du Golfe.
Le colonel (er) Skryzpczak livre quelques souvenirs du démarrage
et quelques chiffres de l’opération DAGUET accompagnés de photos (voir ci-dessous).