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Les devoirs des artificiers : |
Extrait du tome premier du cours d'artificier du Parc Régional de Réparation et d'Entretien du Matériel de BOURGES, en 1937
Parmi les nombreux spécialistes que compte l’armée actuelle, l’artificier est incontestablement celui dont les fonctions sont, à divers titres, de beaucoup les plus importantes.
A l’artificier, en effet, et à lui seul, incombe la mission de conserver les munitions de toutes espèces depuis l’instant où elles sortent de l’atelier de chargement jusqu’à celui où il les remettra entre les mains du combattant.
Or :
1- Le nombre et la qualité des munitions sont des facteurs essentiels de la victoire. Le combattant doit être assuré qu’il ne manquera jamais de munitions et avoir une confiance absolue dans la sécurité et l’efficacité de celles qui lui sont distribuées par l’artificier.
2- Les munitions représentent la plus grosse part de notre fortune nationale en matériel de guerre. Leur valeur pécuniaire se chiffre par un nombre respectable de milliards. L’artificier qui en a la gérance est donc, à un titre plus ou moins élevé, comptable des deniers de l’Etat. (*)
3- Les
munitions ne sont pas du matériel inerte et inoffensif. Ce sont
des engins vivants ayant presque tous mauvais caractère et
semblables à un chien hargneux, toujours prêts à mordre les
maladroits, les imprudents ou les ignorants qui leur infligent de
mauvais traitements. Souvent leur vengeance est collective ;
toujours elle se manifeste d’une façon aussi soudaine que
terrible, provoquant parfois de véritables catastrophes.
A l’artificier qui doit connaître le caractère de chacune
d’elles, il appartient de leur appliquer le traitement
particulier qui leur convient pour les rendre inoffensives en
temps de paix, tout en leur conservant au maximum le tempérament
agressif et la puissance d’action qu’on exigera d’elles
le jour du combat.
Cette triple mission, qui s’exerce aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre et qui, il faut que les artificiers en soient bien convaincus, comporte sa part de gloire, impose à l’artificier de graves responsabilités et l’accomplissement journalier de devoirs qui exigent de nombreuses et solides qualités.
1- La première
de ces qualités, c’est la conscience professionnelle,
poussée au suprême degré. Fier de sa mission, conscient des
responsabilités et des devoirs qu’elle lui impose, l’artificier
doit toujours agir de telle sorte qu’à tout instant, en
toutes circonstances, même les plus fâcheuses, sa conscience d’honnête
homme, de bon soldat et de bon artificier n’ait pas le
moindre reproche à lui adresser.
L’artificier doit être, avant tout, un homme pour qui le
mot devoir ne souffre ni restriction, ni accommodements.
2- L’artificier doit posséder une connaissance approfondie des munitions, surtout de leurs propriétés essentielles, qui interviennent dans la conservation et dans l’emploi, ainsi que des règlements et instructions qu’il aura à appliquer dans l’exercice de ses fonctions. Il doit s’attacher à perfectionner sans cesse les connaissances acquises au cours, à les compléter et à les tenir à jour. Il accroîtra ainsi sa valeur comme artificier, par cela même, ses titres à un avancement que chacun doit avoir la légitime ambition d’obtenir.
3- Dans sa vie
journalière, pendant le service comme en dehors du service, l’artificier
sera un modèle de tenue, de conduite, de régularité et d’exactitude.
Ces qualités lui sont indispensables pour acquérir l’estime,
le respect, l'obéissance et la confiance du personnel qui sera
placé sous ses ordres et auquel il les imposera d’autant
plus facilement qu’il en donnera lui-même un exemple
permanent.
4- Dans l’exercice de ses fonctions, l’artificier doit faire preuve d’ordre, de calme, de sang-froid, d’énergie et à l’occasion d’héroïsme. Sévère pour lui-même, il ne tolérera, de la part de ses subordonnés, aucune défaillance, aucune négligence, aucune imprudence ni aucune infraction aux prescriptions réglementaires.
5- Si la
stricte observation des règlements doit être considérée par l’artificier
comme une règle absolue, il ne doit pas conclure que toute
initiative lui est défendue. Son initiative peut au contraire
trouver l’occasion de s’exercer utilement lorsqu’il
se trouve en présence de cas particuliers, exigeant une
décision urgente, qui ne sont pas définis dans les documents en
vigueur. Il doit, dans ce cas, prendre sa décision en s’inspirant
des prescriptions réglementaires édictées pour des cas
analogues et en réfléchissant aux conséquences que peut avoir
l’exécution des mesures qu’il aura envisagées.
Si le problème n’exige pas de solution immédiate, il devra
le soumettre à ses supérieurs avec la solution qu’il
propose.
L’artificier peut encore faire preuve d’initiative en
cherchant à perfectionner un outillage ou une installation, à
améliorer le rendement par une organisation plus rationnelle du
travail. Certaines initiatives, par contre, lui sont formellement
interdites, par exemple les essais de démontage de munitions non
autorisés ou l’emploi d’un outillage ou de procédés
proscrits.
6- L’artificier
doit signaler sans délai à ses supérieurs toute situation ou
tout incident susceptible d’avoir une répercussion nuisible
ou dangereuse sur les munitions. Il doit en même temps, adresser
toutes propositions utiles et, le cas échéant, demander les
moyens d’exécution qu’il juge nécessaires pour
remédier à la situation.
Si les circonstances l’exigent, il n’attendra pas la
réponse et agira avec un moyen dont il dispose. Ne rien faire en
évoquant le manque de moyens est le fait d’un paresseux ou
d’un incapable ; avec un peu d’esprit d’organisation
et beaucoup de volonté, on arrive toujours, même avec des
moyens très limités, à améliorer une situation défectueuse
ou tout au moins à empêcher une aggravation des conséquences
que la prolongation pourrait entraîner.
7- La comptabilité technique des munitions a une importance aussi grande que la comptabilité administrative qu’elle sert, du reste, à établir. L’artificier apportera à la tenue des diverses écritures de son service un soin minutieux et une exactitude scrupuleuse.
8- De tous les ennemis de l’artificier, le plus redoutable est, sans contredit, le feu. Le feu, en effet, est la cause la plus fréquente des accidents généralisés dans les dépôts de munitions. L’artificier aura jusqu’à la hantise la crainte du feu et aucune précaution ne lui semblera superflue pour éviter l’incendie et pour assurer les chances de pouvoir l’éteindre s’il éclate.
(*) le renvoi original donnait le prix de revient approximatif des poudres, explosifs, et de différentes munitions, calculé d’après les tarifs de 1937. A titre de "mise à jour", le prix de nos "chères munitions" en stock en 2002 est de l'ordre de 40 euros le kilo (conditionnements inclus).... Et la tendance est résolument à la hausse...